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Maurice

Le Séga comme élément d’unité de la nation mauricienne

Cette danse et musique inscrites récemment au patrimoine de l’Unesco jouent ce rôle avec la langue créole. Et cela mérite d’être souligné et analysé en découvrant leur histoire.

Jean-Clément Cangy, ancien journaliste au « Mauricien », est l’auteur de cette histoire du séga qui vient d’être rééditée chez Makando. Un ouvrage actualisé avec la collaboration de l’agence Immedia et vendu en librairie au prix de 350 roupies (8,75 euros).
Jean-Clément Cangy, ancien journaliste au « Mauricien », est l’auteur de cette histoire du séga qui vient d’être rééditée chez Makando. Un ouvrage actualisé avec la collaboration de l’agence Immedia et vendu en librairie au prix de 350 roupies (8,75 euros).  JMD
 

On serait tenté de dire que Maurice est un État sans nation alors que La Réunion est une nation sans État. Le mot « créole » lui-même a perdu son sens original à Maurice pour être attribué à une partie de la population seulement. Dans l’île voisine, on se revendique tous créoles. Certes, à l’extérieur de leur île, les Mauriciens se découvrent une identité mauricienne, mais chez eux, ils se rattachent encore bien souvent à une communauté particulière. La nation mauricienne est en construction même s’il existe certains éléments d’unité comme la langue créole. Le séga fait également partie de ces éléments. Bien avant de devenir l'incontournable danse qu’on fait découvrir aux touristes dans les hôtels ou à des hôtes officiels. On en prend conscience à la lecture du livre de Jean-Clément Cangy : « Le Séga, des origines à nos jours ». Un ouvrage réédité, après avoir été actualisé en collaboration avec l’agence Immedia, et commercialisé au prix de 350 roupies (8,75 euros). L’ancien journaliste du « Mauricien » a voulu rendre hommage à cette danse et cette musique récemment inscrites au patrimoine culturel de l'humanité de l'Unesco… Pour les non initiés, il faut signaler que le séga mauricien se démarque nettement du séga réunionnais, il se rapproche davantage d’une autre danse réunionnaise : le maloya. Ce qui confirme les différences importantes qui séparent les deux îles, pourtant voisines proches, où l’on ne parle pas non plus le même créole.  

UNE DANSE PENDANT LONGTEMPS MÉPRISÉE

Si l'étymologie du mot « séga » reste controversée, il n'en va pas de même de son origine. Né durant l'esclavage, le séga était chanté et dansé, autour du feu, le soir, par les esclaves. Et si ses liens avec son cousin réunionnais, le maloya, sont évidents, certains auteurs ont aussi fait le rapprochement avec les « sodade » du Cap-Vert. Mot intraduisible, cette musique mêle tout à la fois mélancolie, tristesse et espoir… Preuve que la danse mauricienne est atypique par rapport à d'autres danses tropicales plus sensuelles. Dans le séga, l'homme et la femme ne font que s’effleurer mais ne se touchent jamais ! Selon certains historiens, cela vient du fait que les pieds de l'Homme étaient entravés par les chaînes et que la femme tournoyait autour de lui. Détail que n'a pu confirmer, malheureusement, l'auteur de l'ouvrage… Tout comme le maloya réunionnais, le séga mauricien a eu du mal à se faire accepter dans les espaces publics de l'île, demeurant longtemps assimilé aux pratiques indésirables. L’auteur raconte ainsi la répression et le mépris dont il fut l’objet, snobé par les classes dominantes, les gens « bien ». Très négativement connoté, il ne deviendra une musique plébiscitée qu’après l'indépendance de l'île, en particulier lors des années de braise (1975). On parlera alors de chansons engagées où la langue créole sera intrinsèquement liée à des revendications sociales et politiques.
Richement illustré de textes en créole mauricien (mais traduits en français) et de photographies souvent inédites, l'ouvrage est avant tout un hommage à ce « symbole identitaire de notre population », écrit Jean-Clément Cangy. Cette musique et cette danse sont d’ailleurs, au plan étymologique, créoles car nées sur l'île.