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Sommet États-Unis/Afrique

Grands mots, promesses creuses, arrogance, égoïsme et hypocrisie…
Une analyse décapante de cette grand messe qui, derrière la mise en scène « droit-de-l’hommesque » et les trémolos à la gloire de la démocratie, a surtout révélé l’appétit américain pour les ressources minières africaines.

Du 3 au 5 août 2014, s'est tenu à Washington le premier Sommet États-Unis-Afrique. Durant les trois jours que dura cette réunion exceptionnelle, les questions de la misère ou de l'avenir de l'Afrique ne furent qu'esquissées, pour la forme, afin de se donner bonne conscience. Rien pour l'agriculture ni pour l'agro-alimentaire.

Rien pour l'agriculture ni pour l'agro-alimentaire. Cette absence fut compensée par des envolées lyriques sur les racines africaines d'une partie de la population américaine, des poncifs éculés sur la démocratie, les « droits de l'homme » et par des discours creux sur la corruption. - DR

Rien pour l'agriculture ni pour l'agro-alimentaire. Cette absence fut compensée par des envolées lyriques sur les racines africaines d'une partie de la population américaine, des poncifs éculés sur la démocratie, les « droits de l'homme » et par des discours creux sur la corruption.

Cette absence fut compensée par des envolées lyriques sur les racines africaines d'une partie de la population américaine, des poncifs éculés sur la démocratie, les « droits de l'homme » et par des discours creux sur la corruption. Le but de ce sommet était ailleurs… vers les « secteurs captifs de revenus ».

UN OBJECTIF POUR LES ÉTATS-UNIS : RATTRAPER LEURS RETARDS DANS LES DOMAINES RENTABLES

Humiliant sans le savoir ses invités, le président Obama a tenu seul la conférence de presse de clôture du sommet. Il n'a accordé aucun entretien aux chefs d'État présents qu'il a fait défiler l'un après l'autre à la Maison Blanche pour une photo souvenir compassée. Nous étions loin de la chaleur des sommets France-Afrique tant dénoncés par ceux qui font commerce d'attaquer la « Françafrique ».
Après le « Trade not aid » de la fin du siècle dernier, les objectifs officiels étaient une fois de plus l'avenir du continent. En réalité, il s'agissait pour les États-Unis d'une tentative de rattraper leur retard sur les puissances asiatiques dans les seuls domaines rentables, tout en tentant de faire croire aux Africains qu'à la différence de la Chine, ils sont leurs amis désintéressés. Le président Obama est ainsi allé jusqu'à déclarer qu'il est lui-même « fils de l'Afrique », ce que les dirigeants chinois auraient naturellement du mal à prétendre… La réplique de Li Keqiang, Premier ministre de la République populaire de Chine fut cinglante : « Je voudrais affirmer à mes amis africains, avec toute ma sincérité, que la Chine n'entend aucunement agir de façon impérialiste, comme certains pays l'ont fait auparavant. » De fait, Chinois et Africains rejettent pareillement l'arrogance occidentale et ses diktats moraux ou comportementaux comme les droits de l'homme, la « bonne gouvernance », l'impératif démocratique, l'égalité des sexes, l'homosexualité, la religion de l'environnement, etc. La Chine joue habilement sur ce rejet car l'Afrique est devenue pour elle hautement stratégique. Elle a impérativement besoin de ses matières premières et de ses ressources fossiles. Même si la lune de miel entre Pékin et l'Afrique est terminée, même si de nombreux incidents opposent populations africaines et techniciens ou travailleurs chinois, même si l'égoïsme chinois est de plus en plus dénoncé en Afrique, la réalité est que, depuis 2009, la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique avec 210 milliards de dollars d'échanges en 2013 ; près de 2 500 entreprises chinoises y sont présentes et y investissent. Derrière les effets d'estrade, la froideur des chiffres montre que l'Afrique ne compte pas pour les États-Unis, préoccupés, comme l'est également la Chine, par le seul écrémage de ses ressources minières.

DE L’AIDE EN ÉCHANGE DE BONS DE COMMANDE

Le président Obama a déclaré vouloir mobiliser dans les années à venir 33 milliards de dollars pour créer en Afrique un environnement permettant le développement du business américain. En comparaison, pour la seule année 2014, la Chine a investi en Afrique 25 milliards de dollars sur le continent. Pour mémoire, bon an mal an, la part de l'Afrique dans le commerce extérieur des Etats-Unis est d'environ 2%, moins que la France, et sur ce pourcentage anecdotique, les hydrocarbures et les minéraux représentent 90 %.
Le cœur des travaux de ce sommet fut le ciblage de trois secteurs potentiellement porteurs pour les firmes américaines, à savoir : l'énergie, d'où l'initiative Power Africa destinée à fournir de l'électricité à 60 millions de ménages en faisant travailler des firmes américaines, la construction et les machines. Rien de philanthropique, mais un simple retour sur investissements ; l'aide, mais en échange de bons de commande… Le commerce en un mot. Le président Obama a d'ailleurs annoncé le déblocage de 7 milliards de dollars, non pas pour lutter contre la pauvreté, mais afin de stimuler les exportations américaines en Afrique. Le président américain parla bien d'exportations, donc de ventes. L'hypocrisie de la démarche est réelle car, en Afrique, les machines outils américaines se vendant moins bien que celles qui sont fabriquées en Chine, Washington exerce un chantage au renouvellement de cette forme de néo-colonialisme qui a pour nom AGOA (African Growth and Opportunity Act), loi qui fut votée en 2000 et qui n'est rien d'autre qu'un diktat. Aux termes de l'AGOA, les Etats-Unis sélectionnent en effet, selon leur bon vouloir, un certain nombre de produits pouvant bénéficier de la franchise tarifaire, afin d'échapper au sévère protectionnisme douanier que pratique sans états d'âme la « patrie du libre-échange ».
Oublié le discours de circonstance sur les droits humains ou l'égalité des sexes et place aux affaires. Les apôtres de l'économie libérale parlent d'accords « gagnant-gagnant » quand en réalité il s'agit d'un moyen de chantage : facilités douanières en échange de contreparties diverses. C'est aussi une forme de duperie pour deux grandes raisons :

  1. Les États-Unis tiennent littéralement les bénéficiaires avec la menace de suspension de l'AGOA en cas de « mauvaises manières », par exemple un vote à l'ONU qui ne satisferait pas Washington.
  2. Ils se réservent de pouvoir, et cela à tout moment, suspendre les clauses de l'AGOA en cas de menace sur leurs propres productions. Un exemple : si les hasards de la climatologie font que telle de leur production agricole est excédentaire, ils inventent une réglementation de circonstance qui leur permet d'interrompre les facilités accordées aux pays concernés et cela afin de protéger leur propre filière. Sans parler d'accords portant sur l'importation sans droits de douane de produits certes fabriqués ou transformés en Afrique, mais à base de matière première américaine, comme pour certaines cotonnades…

DE FAUSSES STATISTIQUES QUI ENTRETIENNENT L’ILLUSION D’UNE CROISSANCE

Dans leur entreprise de sidération des pays africains, les États-Unis disposent d'alliés en la personne de ces nouveaux milliardaires perçus en Afrique comme de véritables sangsues et qui, dans leur immense majorité, ont bâti leurs insolentes fortunes sur les industries extractives liées de près ou de loin à des consortiums américains. L'existence de ces profiteurs-prédateurs, cible privilégiée des représentants de commerce de Washington, permet d'afficher de fausses statistiques et d'affirmer que l'Afrique se développe puisque les millionnaires y sont de plus en plus nombreux… Illusion et mirage car quasiment aucune de ces fortunes ne s'est construite sur l'industrie transformatrice, aucune n'a créé des richesses et des emplois. Des Africains s'enrichissent et commencent même à figurer parmi les plus grandes fortunes du monde, mais les Africains s'appauvrissent chaque jour davantage. En 2014, plus de 600 millions d'Africains, soit 50 % de la population du continent, n'ont ainsi pas accès à l'eau potable (Unesco, 31 juillet 2014).
L'Afrique du Sud présente un exemple éloquent à cet égard : les Black Diamonds qui sont les seuls Noirs à avoir gagné économiquement de la fin du régime blanc sont presque tous de hauts cadres de l'ANC ayant fait main basse sur l'économie du pays. Tous sont directement ou indirectement liés aux firmes anglo-saxonnes qui exploitent les richesses du sous-sol sud-africain et qui ont acheté leur silence ou leur complicité en leur permettant de bâtir d'insolentes fortunes. Cooptés dans les instances dirigeantes des consortiums miniers, ils sont les plus farouches opposants aux augmentations de salaire demandées par les mineurs. Cela a fait dire au bouillant leader noir Julius Malema qu'« en Afrique du Sud, la situation est pire que sous l'apartheid. La seule chose qui a changé, c'est qu'un gouvernement blanc a été remplacé par un gouvernement de Noirs ».
Hypocrisie toujours quand les experts, naturellement anglo-saxons, parlent d'une Afrique en croissance et que les perroquets européens, qui comparent les misérables taux de PIB de leurs pays respectifs aux 5 % à 6 % de l'Afrique, ne disent jamais que ces chiffres sont à la fois faux, artificiels et fragiles car ils ne reposent pas sur des créations de richesse, mais uniquement sur les prix conjoncturellement bons des matières premières extractives, donc sur du vent.