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LES WEBINAIRES DU CLUB EXPORT RÉUNION Une contribution à la reprise et à la coopération régionale

Du 16 juin au 1er juillet, le Club Export Réunion a organisé trois webinaires – sur Madagascar, Maurice et les Seychelles – co-animés par Alain Foulon, directeur de la rédaction de « L’Éco austral » et un représentant du Club Export. Voici les grandes lignes de ces trois rendez-vous placés sous le signe de la coopération régionale. L’intégralité des échanges (en vidéo) est disponible sur les sites du Club Export Réunion et de « L’Éco austral ».

 

Madagascar éveille toujours beaucoup d’intérêt

La Grande Île était au programme du premier webinaire du Club Export Réunion, co-animé le 16 juin par Alain Foulon et François Mandroux. Plus précisément, il s’agissait d’examiner quels pouvaient être les moteurs pour la reprise à Madagascar dans le contexte d’un développement économique de l’océan Indien. Les intervenants et les animateurs se produisaient sur Google Meet alors que les participants suivaient les échanges sur Youtube tout en pouvant envoyer des questions avant et pendant le webinaire d’une durée d’une heure trente. 
Ce premier webinaire a enregistré pas moins de 325 inscrits, ce qui montre que Madagascar éveille toujours beaucoup d’intérêt. Thierry Rajaona, président du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM – équivalent du Medef en France), par ailleurs associé-gérant du cabinet réputé FTHM Consulting, a dressé le bilan d’une situation difficile du fait du confinement de la population et de la fermeture des frontières. Mais le plus intéressant est de constater que le dialogue n’est pas simple entre le secteur privé et les autorités politiques, notamment sur les mesures à prendre. Un constat que partage le président du Syndicat des industries de Madagascar (SIM), Hassim Amiraly, à la tête des entreprises Food&Beverages et Technopet, ancien nominé au Tecoma Award (élection de l’Entrepreneur de l’année organisée par L’Éco austral). Ce dernier regrette que les solutions proposées ne s’attaquent pas aux racines des problèmes. Parmi ceux-ci, on relève des taux bancaires très élevés. Ce qui peut se comprendre au vu de la fragilité de l’ariary. Mais il n’en reste pas moins que cela handicape les entrepreneurs. 

Davantage d’Interreg pour le secteur privé 

Il est aussi urgent de réindustrialiser le pays qui dispose d’un tissu industriel encore en pointe par rapport au continent africain mais qui pourrait très vite se faire distancer. Il ne faut pas rater le coche du mouvement actuel qui voit des redéploiements d’investissements d’Asie vers l’Afrique. 
Alors que de gros besoins en formation se font sentir, dans l’industrie comme dans d’autres secteurs, la coopération régionale pourrait permettre d’y répondre, en s’appuyant notamment sur les fonds européens Interreg gérés  par la Région Réunion. La coopération est déjà bien avancée entre les organisations d’industriels de Madagascar, de La Réunion et de Maurice. 
Autre besoin, celui d’une compagnie maritime régionale adaptée aux besoins des industriels et commerçants de la région. Une lueur d’espoir est apparue avec la création de Sealogair qui effectue actuellement un tour de table pour acquérir son propre bateau après avoir affrété un navire pendant six mois. Un navire de petite capacité (600 mini-conteneurs de 4 mètre cubes), doté de grues afin de livrer des ports non pourvus de portiques, correspond à la demande. 

L’énergie : un sujet incontournable 

Véronique Perdigon, présidente à Madagascar du Comité des conseillers du Commerce extérieur de la France, par ailleurs dirigeante d’Électricité de Madagascar (EDM), filiale du groupe Axian, premier groupe de la Grande Île, a souligné le bon niveau du réseau des télécoms. Ce qui permet d’envisager le développement des activités de BPO (externalisation des processus d’affaires) et de la télémédecine. Véronique Perdigon a également mentionné les gros projets de centrales hydroélectriques qui devraient améliorer l’accès à l’énergie. Actuellement, la production d’électricité est non seulement insuffisante, mais aussi de qualité insatisfaisante. Les entreprises doivent s’équiper de groupes électrogènes qui génèrent des coûts importants. 
Daniel Moreau, président de l’Association pour le développement industriel de La Réunion (Adir), par ailleurs dirigeant de Royal Bourbon Industrie, rappelle l’opportunité que représente la crise pour promouvoir l’industrialisation avec la coopération régionale comme corolaire. « On doit repenser la coopération et la résilience de nos entreprises et territoires (…) Il y a la nécessité d’être unis et on peut avoir une influence majeure sur nos exécutifs. (…) Il a des choses qui se font autour des déchets. Il y a aussi la nécessité de réduire les importations ». 

 

Maurice : la crise devrait resserrer les liens avec La Réunion

« Le partenariat économique régional nous apparaît comme un levier pour surmonter la crise qui nous oblige à repenser nos territoires », a déclaré Laurent Lemaitre, le président du Club Export Réunion, en ouvrant le 25 juin le deuxième webinaire qu’il co-animait avec Alain Foulon. 
Bruno Dubarry, CEO de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), a dressé un premier bilan d’une crise qui devrait entraîner une forte récession à Maurice en ayant touché de plein fouet le tourisme et le textile. 
Mais avec la fermeture des frontières, la crise a aussi mis à mal la coopération régionale. Ce qui, paradoxalement, pourrait montrer qu’elle n’est pas seulement une « piste parmi d’autres » mais une impérieuse nécessité. 

Aller ensemble en Afrique 

Dans un contexte où la mondialisation risque de marquer le pas et les îles de l’océan Indien disparaître des grandes routes maritimes, la réponse serait un développement des échanges régionaux qui demeurent encore marginaux. Mais encore faut-il que les entreprises, en particulier les TPE et PME, puissent y trouver leur place. 
« Au-delà de la notion d’inclusion, on peut passer à une logique entrepreneuriale et donc laisser une place aux plus petites structures dans les chaînes de valeur mises en place par les plus grosses entreprises », a souligné Mickaël Apaya, responsable du département Développement durable et croissance inclusive au sein de Business Mauritius, l’organisation qui représente le secteur privé. 
Comme lors du webinaire sur Madagascar, la nécessité de disposer d’une compagnie maritime régionale adaptée aux besoins des acteurs économiques a été évoquée. De même qu’un accès plus important du secteur privé aux fonds européens Interreg gérés par la Région Réunion. 
Daniel Moreau, président de l’Adir, a rappelé les grands enjeux de la production locale, identiques à Maurice et à La Réunion, seule issue pour moins dépendre des importations. « Durant cette crise sanitaire, il y avait des urgences à gérer, mais il y avait aussi urgence à réfléchir autrement », s’accordent à dire Daniel Moreau et Bruno Dubarry. 
Ce dernier a mis l’accent sur les échanges qui ont été stimulés par la crise. Entre l’industrie et l’agriculture, par exemple. « Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des choses qui ont marché et qui mériteraient d’être reproduites dans d’autres secteurs, à savoir le principe de contractualisation entre différents acteurs locaux mais aussi de la région. » 
« Il faut que La Réunion arrête d’avoir seulement un regard Sud-Nord et qu’elle se tourne davantage vers son environnement régional », ajoute Daniel Moreau. Les pistes de coopération ne manquent pas et les industriels des deux îles sont les plus avancés en la matière. Dans les énergies renouvelables, le traitement des déchets et le « green building », des transferts de savoir-faire et des mutualisations de moyens n’ont rien d’utopiques. Plutôt qu’une concurrence parfois stérile, il serait judicieux de jouer la carte de la complémentarité. Et d’aller ensemble en Afrique où les Réunionnais pourraient s’associer au projet d’entrepôts en Tanzanie et au Mozambique, conduit par des entreprises mauriciennes en lien avec l’AMM. 

 

Seychelles : l’impérieux besoin de développer l’industrie 

Le webinaire sur les Seychelles s’est tenu le 1er juillet. Co-animé par Alain Foulon, directeur de la rédaction de L’Éco austral, et Laurent Lemaître, président du Club Export Réunion, il a traité de la coopération économique régionale en milieu insulaire. Et plus précisément des innovations au service d’une filière industrielle résiliente et durable aux Seychelles. Il est vrai que cet archipel, qui ne compte que 95 000 habitants, demeure très dépendant du tourisme qui contribue à hauteur de 60 % à son PIB. La crise a révélé la fragilité d’une telle situation et la nécessité de diversifier l’économie en dépendant moins des importations. 
« La roupie seychelloise a perdu 25 % de sa valeur contre le dollar et l’euro », a précisé Lenny Gabriel, Deputy CEO au Seychelles Investment Board (SIB), l’agence de promotion des investissements, en dressant un premier bilan. 
Les Seychelles avaient déjà pris conscience de cette fragilité et développé un secteur financier, une bourse et ont suscité des projets en aquaculture. Une économie bleue où opère l’entreprise CCCS (Central Common Cold Store), une filiale de la holding Jaccar de Jacques de Chateauvieux. Rappelons que la Sapmer, autre filiale de Jaccar, décharge ses cargaisons de thons aux Seychelles, plus proche des zones de pêche que Maurice. 
L’heure est maintenant, pour les Seychelles, à l’industrialisation avec un objectif fixé à l’horizon 2033. La crise n’a fait qu’accentuer ce besoin. Un besoin auquel a répondu le groupe mauricien Eclosia en créant Maurilait Seychelles qui fabrique des produits laitiers sur un modèle d’import-substitution. Nommé à la tête de cette industrie en 2018, le Mauricien Louis de Labauve d’Arifat, reconnaît que son activité a été fortement impactée puisqu’il a perdu momentanément une partie de sa clientèle (les hôtels). Mais l’entreprise se montre résiliente. 
L’import-substitution est un modèle bien connu à La Réunion où il a permis la constitution d’un tissu industriel de poids, en particulier dans l’agroalimentaire. C’est pourquoi la coopération entre les deux îles a tout son sens. Des transferts de savoir-faire et des investissements directs devraient donc émerger. Lenny Gabriel a d’ailleurs rappelé qu’en 2019, les investissements étrangers dans l’industrie représentaient 18 % du PIB. 

Des choses à faire 

Fadette Khan, Senior Policy Analyst au Département industrie et entrepreneuriat (DOIED), qui dépend du bureau du vice-Président des Seychelles, a souligné que, dans le cadre de l’objectif de 2033, la coopération avec La Réunion pourrait se porter aussi sur le secteur de la construction en misant sur les critères environnementaux et de durabilité. Ce qu’on appelle le bâti tropical durable où La Réunion a une vraie expertise 
Daniel Moreau, président de l’Adir, est convaincu qu’il y a des choses à faire avec les industriels de La Réunion alors que, jusqu’à maintenant, les entreprises mauriciennes occupent davantage le terrain dans différents secteurs. Il est d’ailleurs question de former une association regroupant les industriels des Seychelles, à l’instar de l’Adir à La Réunion, de l’AMM à Maurice et du SIM à Madagascar qui ont déjà signé un accord de coopération. 
Une fois de plus, comme lors des deux webinaires précédents, l’intérêt des fonds européens interreg a été rappelé. Ils peuvent apporter leur pierre à l’édifice  de la coopération régionale.