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Afrique

Non, le continent noir ne décolle pas

À en croire les médias, l’Afrique est devenue un « relais de croissance » puisque son PIB global est élevé : 5% en 2012, 4% en 2013, 4,7% en 2014 et 5% en 2015. Mais pouvons-nous nous en tenir à ces chiffres ?

Pouvons-nous simplement faire confiance aux chiffres quand, en 2013, le FMI annonçait que le Soudan du Sud allait connaître une croissance de 24,7% (FMI, 8 octobre 2013) alors que, depuis, le pays a explosé ; ou quand l'ONU et l'Union africaine annonçaient une croissance de 7% en Libye alors que le pays s'est désintégré ? Comment faire enfin confiance à des statistiques qui firent bondir le PIB du Ghana de près de 100% en 2010 (1) ? Deux lectures de ces chiffres sont en effet possibles :

En 2014, plus de la moitié de la population africaine vit ainsi avec moins de 1,25 dollar (moins de 1 euro) par jour. Quant aux 350 millions d'Africains de la « classe moyenne » selon la comptabilité de la BAD, sont englobés dans ce nombre tous ceux qui disposent d'un revenu compris entre 2 et 20 dollars. La fourchette est donc « large », d'autant plus que les deux tiers de ces 350 millions, soit plus de 250 millions, ont un revenu situé entre 2 et 4 dollars, donc plus près des oubliettes que de l'ascenseur social.
De plus, il convient de ne pas perdre de vue trois points essentiels :

  1. Les taux de croissance africains ne sont que la conséquence des prix, par définition fluctuants, des matières premières ; ils sont donc à la fois fragiles et artificiels.
  2. Cette croissance n'est pas homogène et elle connaît une énorme différence entre les pays producteurs de pétrole ou de gaz et les autres.
  3. L'économie africaine n'a pas connu de diversification, de véritable industrialisation par le biais de la transformation des ressources naturelles.

Or, il faut bien voir que l'industrie extractive qui dope les PIB des pays producteurs de matières premières ne crée pas d'emplois car elle ne concerne que moins de 1% des travailleurs de l'Afrique subsaharienne (cabinet McKinsey 2011).
Abandonnons donc les nuées pour nous en tenir aux seuls faits. En 2000, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) adoptés dans l'enthousiasme par 189 États avaient pour but essentiel la diminution de moitié de la pauvreté en 2015. Or, il fut acté que cette pauvreté qui, selon le postulat libéral, est le principal obstacle bloquant le développement, ne pouvait pas reculer sans un minimum de croissance annuelle de 7% soutenue durant plusieurs années. Le recul de la pauvreté ne pouvait également se faire qu'avec un taux d'investissement moyen (TIM) de 25% minimum.

INTER : UN UNIVERS DE BIDONVILLES

Pour ce qui est des critères des OMD, soit 7% de croissance minimum sur plusieurs années, ils n'ont été atteints que par 10 pays sur une cinquantaine et parmi eux, nous en comptons qui n'existent plus, comme la Libye ou le Nigeria. Quant au TIM, de 2000 à 2014, il s'est situé aux environs de 18% (Cnuced, juin 2014), donc loin du minimum nécessaire. Résultat, en 1999, le nombre de pauvres en Afrique était de 376 millions ; dix ans plus tard, et en dépit de la hausse du PIB dont nous avons parlé, il était passé à 413 millions (BAD). Si nous ajoutons à ce nombre les 250 millions d'Africains ayant un revenu situé entre 2 et 4 dollars, soit juste à la limite supérieure de l'extrême pauvreté, cela fait un total d'environ 670 millions d'Africains sur une population totale de 1,1 milliard qui, aujourd'hui, vit dans la pauvreté. Cette pauvreté va encore être aggravée par l'exode rural qui s'amplifie sous nos yeux. Elle ne pourra qu'augmenter avec l'urbanisation continue qui engendre des monstres côtiers ne parvenant pas à maîtriser leurs problèmes alimentaires, énergétiques, sanitaires, environnementaux et dont les populations ne survivent que grâce aux subventions qui permettent aux gouvernants d'éviter les révolutions. En 2050, l'Afrique sera un continent urbain et un univers de bidonvilles constituant autant de pôles de pauvreté et de violence dans lesquels tenteront de survivre plusieurs centaines de millions de citadins.

(1) Rapport économique sur l'Afrique pour l'année 2013 (ONU et Union africaine).
 

LE GRAND PROBLÈME : LA DÉMOGRAPHIE
Le mercato d’Addis Abéba est,  avec ses 13 000 personnes qui y travaillent et ses 7 100 étals,  le second plus grand marché ouvert d'Afrique ! - JMD
La démographie de l’Afrique la tue inexorablement. Ici, le taux de fécondité s'établissant en moyenne à 4,8 enfants par femme contre 2,5 pour le reste du monde, la population augmente de 2,5% à 3% par an. Résultat : le continent va voir sa population passer de 1,1 milliard aujourd'hui à 2,4 milliards en 2050 et à 4 milliards en 2100, soit un tiers de la population mondiale. Cette croissance démographique suicidaire va provoquer des crises alimentaires de plus en plus fréquentes et de plus en plus constantes car la population africaine augmente comme nous venons de le voir d’environ 3% par an et les ressources agricoles de 1% seulement. Ainsi, entre 1960 et aujourd’hui, la population a augmenté de 105% et les productions agricoles de 43%.