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« Mon métier, c’est vous pomper l’air, puis vous le vendre. »
Réunion

PATRICK DEGRIGNY, FONDATEUR DE BOURBON GAZ : Un gazier très entreprenant

Le fondateur de Bourbon Gaz a fait prendre une nouvelle dimension à son activité en démarrant en mars dernier une production locale de gaz industriels. Face au géant Air Liquide, un de ses anciens employeurs, il joue la carte de la réactivité.

« Mon métier, c’est vous pomper l’air, puis vous le vendre. »
« Mon métier, c’est vous pomper l’air, puis vous le vendre. »   Photo : Guillaume Foulon
 

« Mon métier, c’est vous pomper l’air, puis vous le vendre. » Tous les visiteurs de Patrick Degrigny ont entendu ce pitch aussi lapidaire qu’amusant, qu’il utilise pour présenter sa nouvelle activité : la production locale de plusieurs gaz industriels. Elle a démarré fin mars 2021 avec la mise en service d’un générateur d’oxygène, qui pompe effectivement l’air ambiant – celui de la zone d’activités de Cambaie (Saint-Paul) – pour en séparer les composants et conserver uniquement les molécules d’oxygène. La petite « usine à gaz » s’enrichit actuellement de matériels supplémentaires pour produire et liquéfier de l’azote et mélange différents gaz pour répondre à des besoins spécifiques. Bourbon Gaz continuera à importer certains d’entre eux, comme l’argon, utilisé en mélange avec le Co2 pour souder le carbone et pourrait, demain, être en mesure de proposer du Co2 local. 

Le bon modèle 

En revanche, l’entreprise ne souhaite pas se lancer dans la production d’oxygène médical, préférant éviter les complications réglementaires. L’oxygène médical, même s’il est très proche de celui utilisé par les soudeurs, est en effet considéré comme un médicament. Mais Bourbon Gaz fournit les clubs de plongée, qui prennent la responsabilité du remplissage de leurs bouteilles. 
Patrick Degrigny, 59 ans, est arrivé à La Réunion en 2010, « après une étude de marché faite en 5 minutes sur mon ordinateur, en calculant le nombre de plombiers et autres professionnels qui doivent souder des tuyaux », dit-il. Les gaz ont d’autres usages que la soudure. Ils permettent notamment de détecter des fuites dans les réseaux, de placer sous atmosphère certains produits alimentaires, de faire fonctionner les tireuses à bière… 
Le fondateur de Bourbon Gaz a toujours travaillé dans le secteur, passant quatorze ans chez Air Liquide – « une très belle entreprise pour quelqu’un qui s’intéresse à la Bourse », commente-t-il, toujours prompt à la taquinerie – puis onze ans dans les rangs de la Société anonyme des gaz d’Auvergne (Saga), à Clermont-Ferrand. 
« Bourbon Gaz a connu un démarrage rapide, poursuit-il. Il suffisait de se retrousser les manches. La réussite de l’entreprise est aussi due au fait que j’ai investi en permanence dans les bouteilles. C’est le nerf de la guerre. Il en faut beaucoup pour ne jamais en manquer et répondre à la demande de manière satisfaisante. » Ces dernières années, Patrick Degrigny s’est attaché à réduire le poids, dans ses comptes, de la location et du transport des bouteilles. « Pour acheminer 3 tonnes de gaz dans un conteneur, il faut 22 tonnes de ferraille, dit-il. J’ai donc investi dans des bouteilles, achetées à Shanghai, ainsi que dans un réservoir cryogénique qui me permet de stocker de l’oxygène liquide à -180°. Transporté à l’état liquide, l’oxygène est 854 fois moins volumineux qu’à l’état gazeux ! En produisant localement, les économies que je réalise sur la location et le transport des bouteilles payent l’usine. » Et son réservoir conservera son utilité, puisqu’il y stockera l’argon liquide importé. 
La société saint-pauloise, qui estime occuper 10 % du marché local, réalise un chiffre d’affaire d’environ un million d’euros. Avec ses quatre salariés, l’entreprenant gazier veut maîtriser une croissance dont il ne doute pas qu’elle sera au rendez-vous. « Face aux géants mondiaux, de petites unités de production autonomes se développent, constate Patrick Degrigny. Je me réserve le droit d’exporter mon modèle en métropole, ou ailleurs, en Afrique, à Madagascar, aux Antilles, à Tahiti… »