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Plus d’un milliard d’euros de recettes à l’export : les vrais chiffres du commerce extérieur de La Réunion

Si l’on ne regarde que les statistiques douanières, le montant des exportations demeure modeste (278 millions en 2018), mais il ne s’agit que des marchandises. En prenant en compte les exportations de services et l’activité des entreprises réunionnaises implantées à l’étranger, on peut multiplier le montant par deux. Et si l’on ajoute les recettes des touristes venus de l’extérieur, la barre du milliard d’euros est franchie.

Selon une étude de l'Insee publiée en février 2019, La Réunion compte 1 550 entreprises exportatricesde biens et services. L'inconvénient de cette étude est qu'elle est basée sur des données concernant l'année 2015, mais son point positif est qu'elle prend en compte les exportations de biens mais aussi de services, ce qui, à notre connaissance, n'avait jamais été fait auparavant. Pour la plupart de ces 1 550 entreprises, l'export est cependant accessoire : pour la moitié d'entre elles, il représente moins de 5 % de leur chiffre d'affaires.
Seules 62 entreprises locales réalisent un chiffre d'affaires à l'export supérieur à 1 million d’euros, contre 950 entreprises qui réalisent moins de 30 000 euros.
Ces 62 entreprises représentent 80 % du total des exportations. L'Insee note que l'export est une activité qui réussit à celles qui s'en donnent les moyens : « Les entreprises pour lesquelles plus de 20 % du chiffre d’affaires est lié aux exportations ont un taux de valeur ajoutée et un taux de marge plus élevés que l’ensemble des entreprises réunionnaises. »
Concrètement, leur taux de valeur ajoutée est de 62 % (contre 46 % pour l'ensemble des entreprises réunionnaises) et leur taux de marge est de 66 % (contre 44 % pour l'ensemble des entreprises de La Réunion).
Sur les 1 550 entreprises qui exportent, 700 appartiennent au secteur des services : études de marché, activités comptables, ingénierie, prestations informatiques, formation, activités financières.
Selon l'étude de l'Insee, les exportations réunionnaises de biens et services ont atteint 764 millions en 2015. Comme les Douanes on calculé de leur côté que les exportations de marchandises s'élevaient à 322 millions d’euros (la même année), les exportations de services s'élèvent dont à 764 – 322 = 442 millions d’euros, soit 57,8 % du total. 

 

Club Export
Le Club Export Réunion, association créée en 1998, propose à ses membres des missions de prospection dans la zone et organise les rencontres du développement durable Maurice-Réunion.  ©Droits réservés
 

Les chiffres ne mentent pas mais il faut savoir les interpréter

Si l’on applique ce ratio aux chiffres dont on dispose pour l'année 2018, à savoir 278 millions d’euros d'exportations de marchandises, on peut estimer les exportations réunionnaises de services à 380 millions d’euros et le chiffre d'affaire total à l'export des entreprises réunionnaises à 278 + 380 = 658 millions d’euros. Mais on peut
aussi aller plus loin, sachant que les normes statistiques en vigueur comptabilisent parfois les recettes touristiques dans les exportations. En 2018, La Réunion a accueilli 534 630 visiteurs extérieurs (+ 4,1 %). Ces derniers ont dépensé localement 432,4 millions d’euros (+ 21 %).
Si l’on additionne les recettes touristiques aux exportations de biens et services, La Réunion dépasse le milliard, 1 090 millions d’euros très exactement. Le bilan est d’autant plus paradoxal que, selon les statistiques douanières, le déficit commercial s'est creusé, passant de 4,76 milliards d’euros en 2017 à 4,83 milliards d’euros en 2018 (+ 1,48 %) et le taux de couverture a baissé, passant de 6,18 % à 5,44 %. Mais en réalité, la situation s'améliore.
L'essentiel des échanges de marchandises (import + export) se fait avec la France métropolitaine (57,50 %), qui reste le premier partenaire commercial de La Réunion, loin devant  l'Asie (18,62 %) et l'Europe hors France (15,44 %). Les autres îles de l'océan Indien (COI) ne comptent que pour 1,33 % dans les échanges de marchandises.
La France représente 48,6 % des exportations de marchandises de La Réunion (135 millions d’euros, soit + 3,24 %) et 58 % de ses importations (2,9 milliards d’euros, soit -1,25 %).
On parle d'un côté en millions et de l'autre en milliards, mais c'est inévitable, étant donné que La Réunion importe de France des marchandises à forte valeur commerciale (400 millions d’euros de voitures, véhicules utilitaires et pièces automobiles, 46 millions de téléphones) et exporte vers l’hexagone essentiellement de l'agroalimentaire : 21 millions d’euros d'alcool, 14 millions d’euros de sucre, 10 millions d’euros de fruits et 4 millions d’euros de poisson congelé.

 

Pêche à la crevettes
Pêche à la langouste dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) par l’armement réunionnais Sapmer. Les exportations de produits de la mer talonnent les exportations de sucre. Mais elles dégagent beaucoup plus de valeur ajoutée.  ©Droits réservés
 

Baisse des importations

Mais ce qu'il faut regarder c'est le trend : les importations baissent de – 1,25 % vis-à-vis de la Métropole et les exportations augmentent de + 3,24 % !
Si La Réunion progresse vis-àvis de la Métropole et que globalement la situation se détériore, forcément il faut regarder ce qui se passe avec le reste du monde et analyser les chiffres plus en détail. Première constatation : les importations sont restées relativement stables (5,1 milliards d’euros contre 5 milliards d’euros en 2017, soit + 0,6 %), ce sont nos exportations qui ont plongé, passant de 314 millions à 278 millions d’euros, soit – 12,6 %.
Si l’on retire les 135 millions d'export vers la Métropole, il reste 143 millions d’euros d'export hors Métropole. Selon les statistiques des Douanes, en 2018, La Réunion a exporté 40 millions d’euros de sucre vers L 'Espagne, l'Italie et le Portugal (- 35 %), 11,5 millions d’euros de poisson congelé vers la Chine, Singapour, Hong-Kong et le Vietnam
(-43 %), 9 millions d’euros de préparations alimentaires pour animaux vers Madagascar (- 37 %) et il n'y a que les exportations de déchets métalliques vers l'Inde et le Pakistan qui progressent, avec 8,9 millions d’euros (+ 11 %).
En ce qui concerne le poisson congelé, la baisse est en trompe l'œil. En réalité, les exportations progressent mais le poisson débarqué à La Réunion est de plus en plus procédé dans des ateliers bénéficiant d'un statut « sous douane », de sorte qu'il échappe aux statistiques. En clair, il n'est pas comptabilisé à la débarque et il n'est pas comptabilisé à l'export.
Le phénomène avait déjà été observé en 2018 (cf. L’Éco austral n°329). Pour le sucre, 2018 a été une année noire pour les planteurs et les usines de La Réunion. Il y a tout d'abord eu le cyclone  Berguitta (11-18 janvier) et la forte tempête tropicale Fakir (24 avril) qui ont ravagé les champs en début d'année.
Ensuite, il y a eu un début de campagne compliqué, avec des pannes à répétition à l'usine de Bois-Rouge. Enfin, la crise des gilets jaunes a perturbé le trafic routier à compter du 15 novembre. Comme si tout cela ne suffisait pas, Tereos a décidé de fixer la fin de la campagne au 18 décembre 2018, alors que beaucoup de canne était encore au champ. Tous ces éléments font que « la campagne sucrière 2018 est une des pires de ces 50 dernières années », selon le syndicat de planteurs FDSEA et cela se vérifie dans les chiffres.
En 2018, La Réunion a exporté 14 millions d’euros de sucre vers la Métropole (contre 18 millions l'année précédente, soit -22 %) et 40 millions d’euros vers le reste du monde (contre 57 millions d’euros en 2017, soit – 35 %). La forte baisse des exportations de sucre en 2018 est réelle mais pas alarmante car elle est due à des aléas.
En attendant, le poisson congelé et le sucre étant les deux principales exportations de marchandises vers le reste du monde, si les chiffres de ces deux activités sont en baisse, forcément, cela plombe les résultats du commerce extérieur.

Exportations

Maurice, premier partenaire

En 2018, la France métropolitaine représentait 57,50 % des échanges de marchandises, contre 58,07 % en 2017 : l’économie réunionnaise s'ouvre donc un peu plus au monde. Dans le détail, on note un accroissement des échanges avec les autres îles de l'océan Indien et notamment Maurice, qui est le premier partenaire commercial de La Réunion dans la région. La Réunion a importé pour 30 millions d’euros de marchandises mauriciennes (+ 3,6 %) et a exporté vers l'île soeur pour 8,2 millions d’euros (+19 %).
Les chiffres sont en revanche moins bons en ce qui concerne Madagascar. La Réunion a importé pour 15,5 millions d’euros de marchandises (- 13 %), essentiellement du poisson, des crustacés et des légumes secs, et les exportations vers la Grande Île s'élèvent à 14,7 millions d'euros (- 31 %), constituées à 60 % (9 millions) de nourriture pour animaux, La Réunion abritant depuis 2006 une usine ultra-moderne de 4 600 mètres carrés spécialisée dans la fabrication de nutriments sans OGM, antibiotiques ni farines animales, destinés aux élevages de crevettes malgaches.
En ce qui concerne les Seychelles, l'année 2017 avait été exceptionnelle, La Réunion ayant réussi à exporter 530 000 euros de marchandises (essentiellement de l'agroalimentaire), mais hélas, pour 2018, les exportations vers les Seychelles sont retombées à 220 000 euros. En revanche, les produits seychellois ont trouvé ici un marché et les importations ont doublé, passant de 735 000 euros en 2017 à 1,5 million en 2018. Les Comores enfin : les exportations réunionnaises vers ce pays passent de 980 000 euros en 2017 à 1,2 million en 2018 et les importations de 175 000 à 55 000 euros.

Qui sont ces Réunionnais qui partent s'installer à Maurice ?
Maurice n'est pas un paradis fiscal, car les autorités mauriciennes collaborent avec le fisc français. Mais on peut quand même se poser des questions quand on observe que les déménagements vers l'île sœur constituent l'essentiel des exportations de La Réunion vers Maurice. En effet, en 2018, sur 8 271 581 euros très exactement d'exportations réunionnaises, il y a 3 799 143 euros de déménagements, soit 46 % du total ! Plus troublant, ce chiffre est en très forte hausse : il a triplé en un an (+ 291 %), après avoir déjà doublé l'année précédente (+ 179 %). 
Selon un professionnel travaillant dans le domaine du luxe, plusieurs personnes très riches vivant à la Réunion quittent l'île à cause du climat social qui se détériore et la crise des Gilets jaunes n'a fait qu'amplifier le phénomène. Certains parlent carrément de chasse aux riches ! Chez les concessionnaires de marques premium, plusieurs voitures de luxe doivent faire l’objet de travaux de carrosserie car elles ont été caillassées. Certains yachts ont également quitté discrètement La Réunion.