Eco Austral

Découvrez tous nos articles en illimité. Je m’abonne

Logo Eco Austral
n

Eco Austral

Monde

Quelles sont vraiment les conséquences économiques du Brexit ?

Après le vote des Britanniques, l’analyse d’un économiste et financier iconoclaste qui avait prédit les malheurs de la Grèce et aime citer Soljenitsyne : « De temps en temps un rocher tombe dans un fleuve et en détourne le cours. »

La cause première de ce vote est toute simple. Un pouvoir ne subsiste dans nos sociétés que s’il est légitime. Et la légitimité est une notion classique en science politique mais assez diffuse. Dans nos sociétés, il est d’usage de considérer que la légitimité provient du suffrage universel et qu’elle se ressource dans des élections fréquentes et concurrentielles tant et si bien que l’on en est arrivé à confondre légitimité et légalité. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Par exemple, l’Union Soviétique avait bâti sa légitimé sur le fait qu’elle était censée représenter le « prolétariat », c’est-à-dire le nouveau messie et qu’elle s’appuyait sur l’œuvre de Marx qui permettait de prévoir le déroulement de l’Histoire et dont Sartre disait que c’était l’horizon indépassable de la pensée humaine. Et cela a marché jusqu’à la publication de « L’Archipel du Goulag » par Soljenitsyne qui fit éclater ces deux idioties. Du coup, l’Union Soviétique disparut quelques années après parce qu’elle avait perdu toute légitimité. Curieusement, la même chose s’est produite avec la construction européenne et monsieur Juncker nous a dit tout récemment qu’il n’y avait pas de sortie démocratique aux institutions européennes, ce qui revenait à affirmer que les peuples européens avaient perdu pour toujours leur souveraineté. Voila qui était afficher un chiffon rouge devant le peuple anglais qui, immédiatement, se chargea de démontrer à ce fraudeur fiscal non élu que la souveraineté britannique était antérieure et supérieure aux traités européens sur lesquels on ne leur avait jamais demandé leur avis… Et donc, la première conséquence que je tire du vote britannique est que la construction européenne telle qu’imaginée par Jean Monnet et tous ses successeurs a perdu toute légitimité. Ce que Soljenitsyne a fait à l’URSS, le peuple Britannique vient de le faire à cette espèce d’URSS molle qu’était devenue la construction européenne et de cela, elle ne se remettra JAMAIS. Première bonne nouvelle.

DE CETTE RÉALITÉ, JE PEUX TIRER QUELQUES CONSÉQUENCES

Depuis longtemps, j’annonce le « réveil des peuples ». L’embêtant était qu’aucun pays ne voulait jouer le rôle du petit garçon dans le conte d’Andersen « Le Roi est nu », tant peu de pays avaient une histoire démocratique convenable. Dès que l’un d’entre eux commençait à manifester quelques velléités d’indépendance comme la Grèce ou l’Italie, on organisait un coup d’État pour virer le premier ministre et le remplacer par un Quisling de service, au nom de la « reductio ad Hitlerium ». C’est un coup qu’on pouvait faire à TOUS les pays Européens, mais pas à la Grande-Bretagne puisque c’est elle qui avait battu Hitler. Et du coup, l’obstacle a sauté et tous les autres pays vont à un moment ou à un autre redemander leur souveraineté. Et le jour où un pays situé dans l’Eurozone organisera un référendum (la Hollande ?), l’euro sautera et l’Europe pourra recommencer à croître normalement. Le bâtiment de la BCE à Francfort va être mis en location ou en vente dans peu de temps. Deuxième bonne nouvelle.

VENDEZ TOUTES LES OBLIGATIONS D’ÉTAT EN ZONE EURO !

La quasi totalité des hommes d’affaires que je connais vont donner des ordres pour interrompre TOUS les investissements à long terme. Il faut être fou comme un lapin pour construire une usine dans un pays sans savoir dans quelle monnaie les produits de cette usine seront vendus deux ans plus tard. Voila qui va créer une récession considérable et cette récession va amener à une hausse très forte des taux d’intérêts sur les obligations à dix ans au Portugal, en Espagne, en Italie, en France et cela va accélérer le mécontentement des peuples. Pour ceux qui en auraient encore, vendez toutes les obligations d’État dans la zone euro, y compris les obligations allemandes puisque le secteur financier allemand, bourré d’obligations françaises, italiennes et espagnoles, va faire faillite et devra être nationalisé et recapitalisé par l’État allemand. L’offre de « bunds » va beaucoup, beaucoup monter et vous aurez tout le temps d’en acheter. En ce qui concerne les actions cotées en Europe, n’ayez que des titres de sociétés qui ne vendent presque rien dans le vieux continent et strictement rien aux États locaux. La volatilité que les politiciens européens avaient essayé de supprimer en se prenant pour des demi-dieux va revenir en force et voila qui va faire mal.

UNE CURE DE DÉSINTOXICATION EST TOUJOURS PÉNIBLE

Pas vraiment une bonne nouvelle, mais rien ne sera possible tant que nous ne serons pas passés par là. J’aurais préféré que les hommes politiques reconnaissent leurs erreurs et organisent le démantèlement de toutes ces idioties, en bon ordre. Hélas, ce sont les marchés qui vont se charger du sale boulot, et je crains que tout cela ne soit un peu chaotique. Devant ce désastre qui s’annonce, les oints du Seigneur et autres hommes de Davos tombent les masques. Jacques Attali nous explique gravement que les peuples ne devraient pas être autorisés à voter sur les sujets qui les dépassent tandis que de menus personnages tels Gaspard Koenig, une sorte de sous-BHL, nous annonce « qu’il déteste les Nations et les Peuples et qu’il va quitter la Grande-Bretagne » qui, à mon avis s’en remettra assez facilement. On sent chez tous ces gens-là une crainte considérable : à la place d’être subventionnés par les classes technocratiques comme ceux qui faisaient partie de l’association des écrivains en URSS autrefois, ils vont être obligés de se mettre au travail et de gagner leur vie honnêtement. Le drame est qu’ils risquent d’être payés à leur vraie valeur. Honnêtement, je considérerai ça comme une bonne nouvelle.

ET LA GRANDE-BRETAGNE DANS TOUT ÇA ?

La livre sterling est en train de devenir sous évaluée et contre le dollar et contre l’euro et pour tout ce qui est le cash, je ne vois pas très bien pourquoi un Français ne devrait pas mettre son cash en Livre sterling. Après tout, la Livre remonte à Charlemagne et, à mon avis, elle sera encore là dans deux ans ; en revanche, je ne suis pas sûr qu’il en soit de même pour l’euro. En ce qui concerne les obligations, je ne vois pas pourquoi il faudrait en acheter tant leurs prix ont été manipulés par les banques centrales, à l’exception des obligations longues US qui gardent une capacité de protection et des obligations en renminbi dont j’ai souvent parlé. Et enfin, en ce qui concerne les actions, la zone asiatique centrée autour de la monnaie chinoise devrait résister de façon satisfaisante. Pour ceux qui DOIVENT avoir des actions en Europe, j’achèterais en Grande-Bretagne, en Suède, en Suisse, au Danemark, tous pays qui ne font pas partie de la zone euro.
À titre indicatif, les actions Britanniques aujourd’hui devraient être favorisées par rapport aux actions de la zone euro ou française. Comme le disait Lénine, parfois, en quelques semaines, il se passe plus de choses que pendant bien des années précédentes. Il me semble que nous sommes en train d’arriver dans l’une de ces périodes. Gardez votre poudre bien au sec !

Charles Gave
(*) Charles Gave

Économiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001, « Des Lions menés par des ânes » (Editions Robert Laffont), où il dénonçait l’euro et ses fonctionnements monétaires. Dans « L’État est mort, vive l’état », publié aux Éditions François Bourin en 2009, il prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal research (www.gavekal.com) et président du « think tank » L’Institut des libertés.