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Quels sont les atouts de l’innovation sociale pour replacer l’humain au cœur des projets ?

Le Tecoma Business Forum, organisé par L’Eco austral en partenariat avec Nexa, s’enrichit de la collaboration du cabinet de coaching Conseil & Services afin d’aller plus loin dans la réflexion et, surtout, de favoriser un travail d’intelligence collective. Ainsi, dans le prolongement de chaque forum, il est proposé deux ateliers composés d’un maximum de six ou sept per-sonnes. En clair, le forum s’efforce de poser les bonnes questions et d’identifier des pistes, et si certains participants sont prêts à aller plus loin, les ateliers se mettent en place. Les résultats de leurs travaux seront publiés en fin d’année par L’Eco austral.

En ce mois de février, pour le premier Tecoma Business Forum de 2017, c’est le thème de l’innovation sociale qui se trouvait au centre du débat. « La Réunion est le territoire par excellence pour développer de l’innovation sociale, souligne Gaston Bigey, directeur général de Nexa. Pour apporter des solutions à des besoins nombreux de sa population qui ne sont pas satisfaits. Comment créer un terreau plus fertile encore, pour faire mieux au service de l’humain, et pour transformer nos handicaps en atouts. » Ce dernier point est une des priorités de la Région Réunion dans le cadre de sa Stratégie de spécialisation intelligente (S3).

L’EXPÉRIENCE DES ENTREPRENEURS SOCIAUX
En partageant les expériences des intervenants dans le champ de l’innovation sociale, l’identification de valeurs, de convictions et de mots-clés permettra de poursuivre une réflexion sur une base commune. « C’est en rassemblant des points de vue différents que l’on crée l’intelligence collective, définit Laurent Gajac, coach animateur du Tecoma business Forum avec son partenaire Louis-Laurent Léger. Cela permettra de formuler une définition commune de l’innovation sociale, base de travail pour la recherche de plans d’action. » L’expérience des entrepreneurs sociaux est particulièrement enrichissante. Directrice de l’association nationale « Avec Nos Proches », Claude Van Leeuwen se consacre aujourd’hui à l’innovation sociale. « Le moteur de mon action est de mettre l’intérêt général au cœur des projets.

L’association apporte un appui innovant aux aidants familiaux, à travers une plateforme téléphonique collaborative. » Elle est aussi coordonnatrice régionale du Mouvement des entrepreneurs sociaux et membre de l’association « Make Sense » qui organise des ateliers collaboratifs pour les entrepreneurs sociaux. « Après la révolution industrielle et la révolution informatique, l’heure de la révolution empathique est venue. Pour amorcer un progrès social cumulatif et continu », affirme Claude Van Leeuwen.

RÉFLÉCHIR À DE NOUVEAUX TYPES DE GOUVERNANCE
Une expertise en innovation technologique n’empêche en rien de se positionner dans le champ de l’innovation sociale. Ingénieure dans le domaine de l’environnement, Sabrina Codeville a réorienté sa carrière en créant le cabinet conseil VIEES (Valorisation des initiatives économiques, environnementales et sociales). « J’ai créé mon entreprise pour devenir un des acteurs de demain, et je rencontre beaucoup de professionnels qui le souhaitent également. En matière d’innovation sociale, beaucoup de chemin reste à faire car elle n’est pas connue des cadres institutionnels actuels. Dans les entreprises, le mode de gouvernance peut aussi être un frein à l’innovation sociale qui a une vocation économique et territoriale. Il nous faut réfléchir à
d’autres types de management pour aller au-delà de nos certitudes. » VIEES conseille et accompagne les entreprises dans leurs démarches de RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise).

Sabrina Codeville est aussi membre fondatrice du réseau réunionnais de l’association « La Ruche Qui Dit Oui ». « C’est une innovation sociale par la mise en valeur du savoir-faire local et des produits locaux, par la création de circuits courts. Un moyen de consommation en direct qui permet au producteur, adossé à l’outil internet, d’anticiper la production et de réduire les pertes », décrit Sabrina Codeville.

LE PARTAGE D’EXPÉRIENCES EST UN APPORT PRÉCIEUX
La MESS (Maison de l’économie sociale et solidaire) permet d’accueillir, d’informer et d’accompagner les personnes désireuses d’entreprendre dans le champ de l’ESS. « Avec le dispositif CAPAB, piloté par l’ALIE (Association locale d’insertion par l’activité économique), un de nos objectifs est d’accompagner le développement opérationnel de l’innovation sociale, présente Sarah Lavina, animatrice et chef de projets ESS pour la MESS, en proposant un guichet unique d’accès aux dispositifs et aux partenaires de la création d’activité. Je travaille sur des projets de pure innovation sociale, d’intérêt territorial et créateurs d’emplois. » Ces projets concernent un nouveau mode de transport doux, l’implantation de coworking de quartier à vocation sociale ou encore le chantier d’insertion permanent « Le Jardin de Cocagne » pour la production et la vente de paniers bio. « Une phase d’ingénierie sociale et de travail de terrain est indissociable de l’innovation sociale. En prenant aussi en compte les transformations structurelles autour de l’emploi, comme la transition numérique. »

Avec l’ADRIE (Association pour le développement des ressourceries, l’insertion et l’environnement), Axel Naillet développe des ateliers-chantiers d’insertion où l’on reçoit des formations qualifiantes. « C’est la pratique de terrain qui permet d’évoluer au-delà des erreurs que l’on peut commettre. Le partage d’expériences, venant d’autres acteurs, est un apport précieux », confie Axel Naillet, responsable de l’ADRIE.

UNE APPROCHE ÉCOLOGIQUE AU SENS GLOBAL
Avec son cabinet L.A. Conseil, un des objectifs de Laurence Assouline est de créer des liens entre des acteurs locaux pour développer des synergies et de l’activité. Un territoire est un ensemble qui nécessite du dialogue pour penser collectivement et pour que les entreprises soient des acteurs parmi d’autres dans ce champ de développement. « L’innovation sociale et sociétale se place dans une approche écologique au sens global. Lorsqu’on touche à l’humain et à la société, c’est bien plus complexe qu’une innovation technologique. La démarche doit être multidisciplinaire, multichamps, multiacteurs, multipartenaires, et cela demande davantage de souplesse, en compréhension et en interaction. C’est aussi vrai pour l’efficacité des process d’accompagnement et pour avoir une action publique qui encourage l’innovation. Ils ont besoin d’être révisés, redynamisés, pour évoluer en efficacité », note Laurence Assouline.
« Pour Être Bien Chez Soi » est une entreprise fondée par Mona Kanaan, docteur en pharmacie, qui souhaitait innover dans la prise en charge de patients à domicile avec des prestations complémentaires de services et de soins personnalisés. Et une attention particulière au management et au travail collaboratif. « Pour mener à bien un projet d’innovation sociale, je pense qu’il faut avant tout beaucoup d’humilité et de confiance en soi », confie Mona Kanaan. Fondée il y a dix ans, son entreprise prend en charge, aujourd’hui, près de 1 400 patients et emploie une vingtaine de collaborateurs.

L’INNOVATION SOCIALE PAR LE SPORT
La santé passe par le sport, et l’innovation sociale également, comme en témoigne l’APELS (Agence pour l’éducation par le sport) qui a pour but d’accompagner les associations, les collectivités et les entreprises dans la construction de projets visant à développer une société solidaire par le sport. « Il faut oser l’innovation sociale, témoigne Guy Leblond, qui a développé l’APELS à La Réunion, car il n’était pas habituel d’y associer le monde du sport et nous avons dû réadapter complètement le principe de fonctionnement de l’association au territoire réunionnais. » L’association identifie de jeunes talents sportifs qui sont en difficulté sur le plan scolaire et les accompagne vers la formation et l’insertion. Le succès de cette activité innovante se traduit par de nombreuses embauches de jeunes au sein d’entreprises locales. « La façon de communiquer à propos de l’innovation sociale est importante, ajoute Guy Leblond, il faut mettre en avant les réussites et non pas les échecs. Il faut aussi transmettre l’innovation sociale en menant des actions dans de nouveaux milieux. » Responsable de l’antenne Mission Locale Sud à Saint-Joseph, Fred Avril est aussi référent pour l’APELS. « La première ressource de l’innovation sociale, ce sont les valeurs apportées par le porteur de projet. Son implication est déterminante, mais il faut aussi aborder la notion d’engagement. Celui du porteur de projet et celui d’autres acteurs qui seront partenaires au sein de l’écosystème », déclare Fred Avril.

RÉINVENTER L’EXPÉRIENCE DU BÉNÉVOLE
Dans le domaine du numérique, Simplon Réunion propose, depuis fin 2015, des formations gratuites au langage numérique et au code à des personnes éloignées de l’emploi. Appartenant au réseau de « fabriques », Simplon.co est une entreprise de l’ESS délivrant des formations qualifiantes ou certifiantes ouvertes sur critères sociaux, sans aucun prérequis technique. « À Saint-Denis, les actions de Simplon s’adressent aux quartiers prioritaires de la ville. Nous sommes au cœur de l’humain, du social et de la solidarité », explique Nicolas Ludovic, Lead formateur chez Simplon Réunion. Certaines formation sont délivrées en partenariat avec l’ADRIE pour ses ateliers-chantiers d’insertion. Le numérique a ouvert un champ de possibilités pour l’innovation sociale collaborative qui n’en devient que plus agile. « Pour l’association « Avec Nos Proches », La Réunion est un territoire pilote pour développer l’accompagnement aux aidants familiaux par une ligne virtuelle collaborative, révèle Claude Van Leeuwen.

Cette innovation importante permet de réinventer l’expérience du bénévole qui se connecte depuis son domicile selon ses disponibilités et selon les besoins affichés par notre plateforme virtuelle interactive. » En matière de changement et d’innovation, il faut compter avec de nombreuses résistances au changement. « Comment être disruptif sur des points où la société doit changer, comment change-t-on nos process, comment change-t-on l’humain ? », interroge Philippe Jean-Pierre, président du Comité régional pour l’innovation (CRI).

DES SOLUTIONS COLLECTIVES AUX DÉFIS DU TERRITOIRE
Quelle définition de l’innovation sociale peut-elle être adoptée comme base commune de travail pour la recherche de plans d’actions ? « L’innovation sociale doit répondre à des besoins qui s’expriment dans des domaines multiples. Elle doit innover dans la manière d’y répondre avec un élément central, la participation de tous les acteurs concernés dans une implication citoyenne. En admettant le droit à l’erreur et une construction permanente », formule Philippe Holstein, chargé de l’intelligence territoriale chez Nexa. L’expérience n’est-elle pas aussi importante que le résultat ? « Une des finalités est peut-être d’acquérir des éléments qui ne sont pas observables », remarque le coach Louis-Laurent Léger.

DÉFINIR CE QU’EST L’INNOVATION SOCIALE
La définition de l’innovation sociale, adoptée par l’ensemble des participants à l’issue des échanges, est la suivante : « Oser le changement pour construire des solutions collectives en réponse aux défis du territoire ». « Nous avons une définition de l’innovation sociale et notre groupe de recherche, à l’étape suivante, définira une thématique de l’innovation sociale pour y rechercher des projets d’actions », conclut Laurent Gajac. L’idée première pourrait être de chercher à identifier des exemples représentatifs des valeurs et des mots-clés sélectionnés au cours de ce Forum. Ceci introduit la notion de tiers-lieux comme endroits d’échange d’idées et de partage d’expériences pour faire progresser la notion d’innovation sociale dans tous les milieux possibles. « Il faut des tiers-lieux pour libérer les imaginaires », ajoute Gaston Bigey. C’est aussi l’une des raisons d’être du Tecoma Business Forum.


SEPT PARTICIPANTS POUR DES ATELIERS DE TRAVAIL
Dans le prolongement du Tecoma Business Forum, deux ateliers de travail, avec un nombre de participants plus restreint, seront animés par le cabinet de coaching Conseil & Services dans le but de favoriser l’intelligence collective et de faire des propositions concrètes pour favoriser l’innovation sociale. Sept acteurs de terrain on décidé de s’y impliquer : Mona Kanaan, Sarah Lavina, Axel Naillet, Claude Van Leeuwen, Guy Leblond, Sabrina Codeville et Laurence Assouline.
