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Océan Indien

Redistribution des cartes dans le secteur aérien

L’ouverture du ciel est devenue une réalité, même si elle bute encore sur les fameux « droits de trafic », et les acteurs historiques doivent désormais l’intégrer dans leur stratégie. Un exercice difficile sur un marché qui reste très saisonnier.



Une trentaine de compagnies interviennent dans notre région du sud-ouest de l’océan Indien (voir notre liste page 24). Parmi elles, des acteurs de premier plan comme Emirates, Etihad Airways ou encore Turkish Airlines, première compagnie européenne et Ethiopian Airlines, première compagnie africaine, qui ouvrent de nouvelles routes aériennes et commencent à capter de nouvelles clientèles touristiques. Certes, le marché reste tourné vers l’Europe de l’Ouest, et en premier lieu la France, mais il s’oriente peu à peu vers l’Europe centrale et de l’Est et surtout vers l’Asie et l’Afrique. Si elle réjouit les consommateurs et les professionnels du tourisme, l’arrivée de compagnies « Low Cost » comme AirAsia X, qui relie le « hub » de Kuala Lumpur à Maurice, et French Blue, prévue à La Réunion en juin 2017, met la pression sur les acteurs historiques. 

LE PROTECTIONNISME SÉRIEUSEMENT ÉBRANLÉ

L’ouverture du ciel est devenue une réalité, le résultat d’un processus qui s’est engagé timidement il y une vingtaine d’années, en phase avec l’évolution d’un monde dont le centre de gravité se déplace de l’Ouest vers l’Est. À ce propos, le phénomène des nouveaux touristes chinois est particulièrement révélateur. Le dernier Global Tourism Economy Forum (GTEF), qui s’est tenu à Macau les 15 et 16 octobre 2016, a souligné que leurs dépenses s’élevaient à 415 milliards de dollars par an. Imaginons que l’océan Indien capte seulement 1% de ce montant, cela représenterait près de 4 milliards d’euros. De quoi faire exploser toutes les recettes touristiques de la région. Mais cela passe par le développement des dessertes aériennes et l’ouverture du ciel qui est loin d’être achevée. Il faut compter, en effet, sur les fameux « droits de trafic », qui se négocient d’État à État, et sur une tendance récurrente au protectionnisme. Cela est flagrant dans le cas de La Réunion qui, en tant que département français d’Outre-mer, doit s’en remettre à Paris pour les dessertes hors de l’Union européenne. Pour sa part, l’État mauricien s’est montré protectionniste durant une longue période, ne souhaitant pas fragiliser Air Mauritius qui demeure, aujourd’hui encore, le principal outil de développement du tourisme.
Mais en donnant son feu vert, en 2002, à l’arrivée d’Emirates, il s’est montré sensible aux demandes des hôteliers qui réclamaient plus de sièges. Aujourd’hui, deux Airbus A380 de la compagnie de Dubaï se posent quotidiennement à Maurice. Une concurrence directe pour Air Mauritius et son partenaire Air France puisque ces avions transportent une grosse part de clientèle européenne. Seule consolation pour la compagnie nationale mauricienne, un partenariat lui permet de disposer d’un quota de sièges sur les avions d’Emirates. L’ouverture s’est poursuivie avec l’arrivée de Corsair, longtemps refusée à Jacques Maillot quand il dirigeait cette compagnie, et plus récemment avec l’arrivée de Turkish Ailines qui a irrité Emirates. 

L’OUVERTURE EST TOUJOURS PAYANTE

L’expérience montre, partout dans le monde, que l’ouverture du ciel augmente dans de grandes proportions le nombre de voyageurs, ce qui impacte évidemment le tourisme, mais aussi les relations commerciales. Par exemple, l’accord de « ciel ouvert » (Open Sky) signé en 2005 entre l’Union européenne et le Maroc a multiplié par quatre le nombre de lignes et le nombre de passagers a augmenté de 160%. Evidemment, l’ouverture du ciel n’a pas été facile à gérer par la compagnie nationale marocaine, Royal Air Maroc, qui a perdu beaucoup d’argent dans un premier temps avant d’engager un « redéploiement stratégique » et de réaliser des bénéfices. « Royal Air Maroc a opéré un nouveau positionnement marketing à travers une nouvelle organisation totalement orientée sur le client et ses attentes, une nouvelle stratégie produits et services et une politique tarifaire plus agressive », expliquait en 2007 Driss Benhima, Pdg de la compagnie (cf. www.leconomiste.com – 26/06/2007). Et aujourd’hui, même si Royal Air Maroc ne figure pas dans le Top 100 des meilleures compagnies du monde établi par Skytrax – un classement dominé par Emirates -, elle a été désignée en 2016 comme meilleure compagnie régionale en Afrique et s’est vu attribuer depuis 2015 une quatrième étoile. 

COMMENT SURMONTER LE HANDICAP DE LA SAISONNALITÉ

Les deux principaux marchés aériens de la région proche – ceux de Maurice et de La Réunion – présentent des visages très différents. Porté par la clientèle touristique pour celui de Maurice et par la clientèle locale pour celui de La Réunion. L’ouverture de nouvelles dessertes et l’intensification de la concurrence – avec notamment l’arrivée de compagnies « Low Cost » – pourraient atténuer ce clivage. Si les prix baissent, plus de Mauriciens pourront voyager et si les destinations se diversifient du côté de La Réunion, ce sera une opportunité pour le secteur touristique qui devra néanmoins renforcer ses capacités d’accueil. Mais les acteurs de l’aérien se heurtent à une saisonnalité très forte du marché. Le grand défi consiste à capter plus de voyageurs en contre-saison. Pour cela, le tourisme d’affaires est un excellent moyen. Comme quoi l’ouverture du ciel va de pair avec l’ouverture économique. Nul doute aussi qu’il faut renforcer les liaisons régionales de façon à développer des stratégies de « hub » qui pourraient être une réponse à la faiblesse du trafic. Si les aéroports (comme les ports) se trouvent en concurrence, ils doivent aussi développer une coopération intelligence. Car nos îles pèsent très peu sur le marché mondial de l’aérien, ce qui explique que le gros du trafic est encore porté par les compagnies domestiques. C’est d’ailleurs un partenariat avec Air Mauritius qui permet à la compagnie allemande Condor de desservir La Réunion. Une grande première car jusqu’à maintenant, au départ de l’Europe, La Réunion n’était desservie que par la France métropolitaine. Même si les compagnies de l’Union européenne sont totalement libres de la desservir. Mais il ne suffit pas d’ouvrir le ciel. Encore faut-il le rendre clément…