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Réforme de la formation professionnelle : l’écran de fumée

Un texte de 37 pages qui ne s’attaque pas aux vrais problèmes. La seule réforme qui soit vraiment urgente, c'est celle de l'Éducation nationale elle-même. Mais ce sujet demeure tabou

Le 14 décembre 2013, les désormais fameux partenaires sociaux se sont livrés à une nouvelle mascarade dont le gouvernement raffole : la signature d'un accord sur la formation professionnelle, supposé améliorer la formation des chômeurs et lutter contre le chômage. Bien entendu, personne, en dehors de quelques initiés désœuvrés, n'a lu les 37 pages de cet accord, mais chacun s'engouffre dans la brèche pour louer les bienfaits de la démocratie sociale, cette grande cérémonie d'une république finissante où les corporations défilent dans les rues pour montrer que l'ordre règne dans la société. Ainsi va la gouvernance en France : l'enjeu n'est plus de régler les problèmes, mais de donner l'illusion qu'on a envie de les traiter. Pour le reste, comme aurait dit Fellini, que le navire vogue, Dieu seul sait où il accostera.
Que cet accord ne serve à rien, aucun esprit sérieux ne le conteste réellement et plusieurs bonnes raisons expliquent cette inutilité. Première raison : le manque de formation des chômeurs ne commence pas avec leur période de chômage, mais commence généralement bien plus tôt. Avec 15% d'une classe d'âge qui sort chaque année du système scolaire sans qualification et une massification de l'enseignement qui constitue un véritable trompe-l'oeil (la France produit moins de bacheliers généraux aujourd'hui qu'il y a vingt ans !), la question du chômage est d'abord celle de l'Éducation nationale et de son incapacité à former correctement les jeunes qu'on lui confie.

UN PRÉTEXTE POUR FAIRE VIVRE DES USINES À GAZ

Lorsque des partenaires sociaux sous contrôle de l'État s'entendent pour faire payer aux entreprises le prix de cet échec public, il y a évidemment tromperie et maldonne. La seule réforme de la formation professionnelle qui soit vraiment urgente, c'est la réforme de l'Éducation nationale elle-même. Mais ce sujet est tabou, et chacun compte sur le cerf-volant Peillon pour répéter les numéros de prestidigitation qui reportent toujours un peu plus ce choc indispensable au salut du pays. Deuxième raison : la formation professionnelle est d'abord un prétexte pour faire vivre des usines à gaz comme les organismes collecteurs, qui sont autant d'écrans entre le besoin effectif des entreprises et la réalité des formations dispensées. La raison d'être ultime de ces organismes collecteurs est bien connue : le financement des organisations syndicales, qu'elles soient patronales ou salariales. C'est pour cette raison que la CGPME a refusé de signer l'accord qui était déposé sur la table : le risque de voir une partie des fonds ne plus passer par la collecte et être directement utilisée par les entreprises sonne le glas de son financement. Troisième raison : ceux qui seront chargés de former les chômeurs le feront à l'aveugle, c'est-à-dire sans la moindre idée de la bonne formation à dispenser à ceux qui sont à la recherche d'un emploi. Comme la dépense sera plus ou moins obligatoire, on retrouvera ici la logique de loterie et d'occupation qui prévaut déjà dans l'orientation scolaire. Il faut former les gens, non parce qu'ils en ont besoin, mais parce que la loi y oblige. Le bon sens serait aujourd'hui de proposer à chaque chômeur un pécule formation-création d'entreprise pour porter un accompagnement à un projet personnel d'avenir. Mais la France a mis en place une bureaucratie de la formation professionnelle qui a besoin d'activité pour survivre… Et qui ne pourrait accepter ce recours au marché.

http://www.eric-verhaeghe.fr