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Réforme des retraites ou de l’emploi ?

Sous l'effet des réformes des retraites qui toutes ont reculé l'âge légal de départ, le taux d'emploi des 50-64 ans s'est nettement amélioré : il est passé de 53,5 % en 2003 à 62,4 % mi-2019, selon l'Insee, contre 65,5 % pour l'ensemble de la population en âge de travailler. Mais là où le bât blesse, c'est qu'il diminue très nettement à l'approche de la cessation d'activité, dépassant de peu les 30 % pour les 60-64 ans alors que la moyenne européenne est supérieure à 45 %. On reproche aux séniors un manque de motivation, un sentiment d’inutilité… Bref, ils seraient comme « inemployables » !
On évoque la notion de perte de sens, appelée aussi « brown out », et bien des personnes démissionnent pour survivre à cela ! La retraite est comme le gong qui sonne la fin de la partie, à partir de là c’est la délivrance, une délivrance de certaines chaînes, mais peut-être aussi un saut dans le vide… En tout cas, plus les années passent et plus les salariés sont matures et se posent la question du sens de leur travail.
Certains en sont à se demander s’ils contribuent réellement au résultat de leur entreprise. Selon le philosophe, « ce qui rend joyeux, c’est de mesurer le résultat de ce que l’on fait ». Il n’est pas nécessaire d’être philosophe pour adhérer à cette idée ! Gageons que parmi les grévistes de l’hiver métropolitain, il y a un pourcentage non négligeable de personnes pour lesquelles le travail n’a plus guère de sens et ne dispense aucune joie depuis longtemps… De la même façon, un certain nombre de salariés quittent leur entreprise parce qu’ils estiment qu’on ne leur confie pas assez de responsabilités ; ils deviennent alors leur propre patron. Beaucoup de diplômés des grandes écoles changent complètement de voie après quatre ou cinq ans en devenant auto-entrepreneurs, car une bonne position sociale et un salaire conséquent ne compensent pas toute sensation de dépossession.
Les personnes veulent être auteurs et acteurs de ce qu'elles entreprennent. Au fond, n'est-il pas logique que des salariés peu motivés par leur job aient envie de partir en retraite plus tôt et si possible avec suffisamment d’argent pour s’adonner à d’autres activités plus motivantes ? Pourquoi est-ce si compliqué pour les pouvoirs publics de comprendre cela ?
L’ennui est que le débat sur les retraites n’est pas allé jusque-là, on est trop souvent resté à la négociation sur l’âge du départ et les montants perçus. Considèrerait-on le travail comme impossible à réformer, nécessairement pénible et dénué de sens ? Tous condamnés au tripalium (*) depuis la nuit des temps et pour l’éternité ? Plutôt qu’une réforme des retraites, n’est-ce pas une réforme du travail qu’il faut mener en remettant au centre des discussions la notion de sens et celle qui lui est fortement liée, de motivation ?
Estimant qu’ils ont encore quelques forces, une partie des populations jeunes essaient de réaliser leur révolution copernicienne en changeant de métier, de carrière, d’entreprise, en devenant entrepreneur etc. Sauf que cette réflexion n’est pas toujours bien menée et peut aboutir à une impasse
Prenons l’exemple de l’essaimage. J’ai le souvenir de deux grandes entreprises où j’étais intervenu et j’avais eu connaissance des résultats de leurs politiques d'essaimage. Comme les salariés devenus entrepreneurs par essaimage ont la possibilité de réintégrer leur entreprise au bout d’un certain temps, j’ai ainsi observé que beaucoup d'entre eux, sinon tous, étaient revenus au bercail notamment pour y finir leur carrière. Il est vrai que certaines grandes entreprises peuvent offrir un certain confort qu’on peut préférer à ce qu’on pourrait gagner si on insistait dans la voie de l’entrepreneuriat !
De même que les pédopsychiatres nous disent que pour l’éducation des enfants, tout se joue avant 6 ans, peut-on dire aussi que pour le travail des salariés, tout se joue avant… 30 ans, voire 25 ou 20 ans ?
(*) Le tripalium, instrument de torture romain à trois pieux,est à l’origine du mot travail
Il est à la tête de son propre cabinet, Bernard Alvin Conseil, fondé en 1995 et spécialisé dans l’accompagnement des hommes dans le domaine du développement des potentiels. Bernard Alvin a « coaché » ses premiers cadres et dirigeants dès 1991, faisant figure de pionnier avant que n’arrive la mode du coaching. Cherchant à aller plus loin, il fera émerger le concept de « management vocationnel » à partir de 2005. Il a pratiqué son métier en France métropolitaine, dans les DOM-TOM et dans plusieurs pays dans le monde, dont le Brésil. Il intervient en effet en français, en anglais et en portugais.