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Serge Derick veut que la CEPAC gagne son pari

Ce « ch’timi » est à Marseille l’un des principaux dirigeants de la deuxième Caisse d’Épargne de France. Il mise sur les synergies après l’absorption de la Banque de la Réunion et veut bâtir une banque de nouvelle génération.

Il ne sont que quatre à siéger au directoire de la Caisse d’Épargne Provence Alpes Corse Réunion Antilles, dont Serge Derick, cet homme du Nord qui détonne dans le paysage marseillais. Plus froid, plus discret que les Méridionaux, mais pas dénué d’empathie ni de capacité à communiquer, d’autant qu’il vient des Ressources humaines (lire notre encadré à ce sujet). On lui a d’ailleurs confié la « com » en plus d’être en charge du Pôle Outre-Mer et Développement. En bon « ch’timi », il se révèle un gros travailleur et « quelqu’un qui va droit au but », selon ses collaborateurs. Une personnalité qui tranche avec celle de son prédécesseur, Alain Fabre, un provençal au verbe haut. Mais le pari reste le même, lancé en 2014 par Alain Lacroix, président du directoire (qui prendra sa retraite en avril 2018). Le pari du rachat de la Banque de la Réunion, numéro deux sur l’île, qui appartenait au groupe BPCE, puis de sa fusion dans la Cepac, abandonnant du même coup une marque qui existait depuis 1853. Pas facile dans une île où, comme dans toutes les îles, un certain nombrilisme se fait sentir et de la défiance vis-à-vis des continentaux. « Nous sommes peut-être passés pour arrogants à certains moments », reconnaît Serge Derick. Et le gros bug lors de la migration informatique n’a pas arrangé les choses. « Un défaut de configuration qui a été sous-évalué et qui s’est traduit par une dégradation de la relation client, avoue Serge Derick. Il faut maintenant renouer avec une qualité de service irréprochable. » Et ne pas laisser s’instaurer l’idée que les décisions ne sont pas prises localement. « Nos commerciaux ont les mêmes délégations que celles dont pouvait disposer la Banque de la Réunion. Au-delà, ça se décide à Marseille alors qu’auparavant, ça se décidait à Paris. C’est la seule différence. » 

DES OPÉRATIONS DE CROISSANCE EXTERNE QUI ONT COÛTÉ PLUS D’UN MILLIARD D’EUROS

Sur un marché bancaire en pleine mutation, qui exige des investissements, la Cepac a l’avantage de se suffire en liquidité et en fonds propres, évalués à 3 milliards d’euros. En 2016, elle a réalisé 788 millions d’euros de produit net bancaire et 158 millions d’euros de résultat net. Son radio de solvabilité se situe à 16 %. Avec le rachat de la Banque de la Réunion et d’autres banques aux Antilles et à Saint-Pierre et Miquelon, l’Outre-mer représente désormais 30 % de ses activités. Le groupe mutualiste a quand même déboursé plus d’un milliard d’euros pour ces opérations de croissance externe. La plus importante étant sans conteste à La Réunion où la Cepac était déjà présente mais loin derrière la Banque de la Réunion. « Le rachat nous a permis de devenir une banque de plein exercice alors qu’historiquement, à La Réunion, la Caisse d’Épargne était plutôt une banque de détail », commente Serge Derick. Grosso modo, La Banque de la Réunion, qui annonçait 100 millions d’euros de produit net bancaire et 20 millions d’euros de résultat net, en 2015, pesait deux fois plus que la Caisse d’Épargne sur le marché réunionnais. En 2016, la fusion-acquisition était achevée, mais la Cepac n’a pas dévoilé ses chiffres pour le seul marché réunionnais. On ne peut que faire une estimation aux alentours de 150 millions d’euros de Produit net bancaire pour cette année 2016. Serge Derick reconnaît que la banque a perdu 1,5 point sur le marché du crédit en raison de la migration informatique qui a fait stopper les opérations à partir d’octobre 2016. « Nos objectifs ont été atteints seulement à 80%. » Il a fallu aussi gérer des départs volontaires, reconfigurer les équipes car une fusion n’est jamais simple. Elle entraîne souvent un choc culturel. L’année 2017 est la première année complète et va témoigner de la réussite ou non de la fusion. Mais la Cepac risque fort de ne publier que les comptes consolidés à Marseille sans donner le détail pour La Réunion. 
 

Deux créations d’agences sont prévues en 2018. La première à l’espace Océan à Saint-Denis, fin janvier, et la deuxième à Beauséjour, ce nouveau quartier de Sainte-Marie (notre photo).
Deux créations d’agences sont prévues en 2018. La première à l’espace Océan à Saint-Denis, fin janvier, et la deuxième à Beauséjour, ce nouveau quartier de Sainte-Marie (notre photo).

 

L’INDUSTRIE BANCAIRE RESTERA RELATIONNELLE

Toujours proche des équipes, en bon spécialiste des ressources humaines, Serge Derick sait qu’elles feront de toute façon la différence. « Le métier de banquier a changé. 80 % des opérations des clients peuvent se faire gratuitement et sans passer à la banque. Nos collaborateurs aussi ont changé et il faut reconfigurer nos compétences pour apporter davantage d’expertise. Même s’il y a moins de clients dans les agences, il faut être là quand ils ont besoin de nous. » Le patron de la Cepac pour l’Outre-mer est persuadé que l’industrie bancaire restera relationnelle. « Le relationnel et le conseil de qualité, qu’on ne trouve pas sur le digital, feront la différence. » Dans le même ordre idée, il prépare l’émergence d’une nouvelle génération d’agences, des « agences collaboratives », dont la première a ouvert dans le quartier du chaudron, à Saint-Denis (voir notre encadré). « Les agences de la Banque de la Réunion n’étaient pas modernes et il nous faut investir. » En 2018, le budget d’investissement de la Cepac s’élève à 20 millions d’euros dont la moitié pour l’Outre-Mer. 
Avec la fusion, la banque s’est retrouvée avec 43 agences dont certaines dans le même périmètre. D’où d’inévitables fermetures, ce que Serge Derick appelle des « regroupements dans des agences modernisées ». « Il y aura huit à dix regroupements, mais aussi deux créations. La première à l’espace Océan à Saint Denis (qui était prévue pour fin janvier 2018 – NDLR) et la deuxième à Beauséjour (nouveau quartier de Sainte-Marie – NDLR). 
Pas d’ouverture dans l’immédiat à Mayotte où la Cepac exploite deux agences. « Mais nous croyons beaucoup dans le développement de Mayotte et souhaitons l’accompagner, souligne Serge Derick. Les opérations de financement d’entreprises ou d’infrastructures seront pilotées par nos pôles d’expertises basés à La Réunion ou à Marseille. Cela étant, nous restons en veille sur les opportunités d’une implantation complémentaire, particulièrement sur Petite Terre où nous ne sommes pas encore présents. »

LA VOLONTÉ DE S’ANCRER DANS LE TERRITOIRE

Au total, la Cepac dispose d’un effectif de 3 300 salariés dont 450 à La Réunion et 10 à Mayotte. Elle s’intéresse aux secteurs clés que sont le digital, la santé et les énergies renouvelables pour La Réunion. « Mais nous n’avons pas vocation à dire qu’on sait tout faire et qu’on le fait tout seul. Nous sommes ouverts aux partenariats car c’est l’écosystème qui porte l’économie. »
Bien entendu, la banque ne délaisse pas l’investissement immobilier pour lequel elle dispose de sa filiale Cepac Immobilier, basée à Marseille. Mais les prêts immobiliers classiques sont gérés localement par les agences ou le centre d’affaires. À noter que sa structure Cepac Promotion peut investir en fonds propres dans une opération au côté d’un promoteur. 
Traditionnellement, le groupe mutualiste s’implique pleinement dans les territoires où il est présent. C’est ainsi que sa filiale Créa-Sol, spécialisée dans le microcrédit, intervient à La Réunion depuis 2009. Au 31 décembre 2016, elle avait accompagné 2 269 personnes en microcrédit personnel et 154 entreprises en microcrédit professionnel. « On ne veut pas être seulement un banquier » commence Serge Derick qui veut aussi donner du temps au temps. « L’ancrage dans un territoire est un travail de longue haleine, mais, de toute façon, on n’est pas là pour faire des coups. » 

Pascal Magat
 

UN « CH’TIMI » ISSU DES RESSOURCES HUMAINES
Serge Derick, né à Lille, est un pur produit Caisse d’Épargne où il est entré en 1985, plus précisément à Roubaix, au sein de la Sorefi (Société régionale de financement). C’est un homme des Ressources humaines puisqu’il a commencé son parcours universitaire par un DUT (Diplôme universitaire de technologie) dans ce domaine. Après son service militaire, il obtiendra un diplôme d’ingénieur au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) de Lille, toujours dans les ressources humaines. Il complètera ces formations par un Executive MBA pour ne pas se cantonner aux ressources humaines. Son parcours au sein des Caisses d’Épargne le conduira à celle de Marseille en 2009 où il fait partie du directoire et se trouve en charge du Pôle Outre-Mer et Développement.   

L’agence du quartier du Chaudron, à Saint-Denis, inaugurée le 31 janvier, est la première agence collaborative de La Réunion.
L’agence du quartier du Chaudron, à Saint-Denis, inaugurée le 31 janvier, est la première agence collaborative de La Réunion.  
 

LES AGENCES COLLABORATIVES
La Caisse d’Épargne Cepac lance les agences collaboratives pour offrir le meilleur de l’expérience bancaire grâce à la digitalisation, à l’innovation et à l’attractivité de nouveaux services. Première du genre, l’agence du quartier du Chaudron, à Saint-Denis, a ouvert ses portes le 13 décembre 2017. Elle propose: – Une prise en charge plus rapide, fluide et efficace, quel que soit le mode de contact (venue en agence, appel téléphonique, envoi d’e-mail) ;
– Cinq salons de réception pour accueillir, conseiller et accompagner les clients en toute confidentialité ;
– Des services et dispositifs adaptés aux particuliers et professionnels : un espace libre-service accessible 7 jours sur 7, de 6 heures à 22 heures, pour retirer de l’argent, réaliser des virements et déposer billets et chèques pour un crédit sur compte dans l’heure – en cas de dépôt entre 5 h 30 et 20 h 30;
– Des horaires élargis : le lundi, mardi, mercredi et vendredi de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 16 h 15, le jeudi de 8 heures  à 12 heures et de 14 heures à 16 h 15 ;
– Une offre digitale renforcée avec des bornes internet, la mise en place d’une signature électronique des contrats et d’un coffre-fort numérique pour centraliser les contrats et documents.