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Océan Indien

S’inspirer d’Hawaï pour doper l’économie bleue

Dans cet État américain d’Océanie, archipel aux 137 îles, l’exploitation des fonds marins génère un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros dont seulement 57 millions pour la climatisation marine ou SWAC (Sea-Water Air Conditioning). Un bon modèle pour l’océan Indien…



Dans les activités liées à l’exploitation de l’eau de mer, il y a l’« Upstream » et le « Downstream ». Le premier consiste à puiser l’eau froide au fond de l’océan afin de climatiser des bâtiments et de se passer ainsi des énergies fossiles. Cette activité est connue comme le Sea-Water Air Conditioning (SWAC), la climatisation marine, que l’entreprise mauricienne Sotravic doit implanter à Port-Louis d’ici 2017. On parle aussi de la venue du Japonais Hitachi Plant Technologies pour climatiser l’aéroport avec le SWAC, mais le Board of Investment (BOI) se montre encore très discret sur ce projet. Dans le nord de La Réunion,  plus exactement à Saint-Denis et Sainte-Marie, le Français Engie (ex-GDF Suez) devait mettre en œuvre un projet ambitieux, évalué à plus de 150 millions euros, mais rien ne s’est encore passé. Dans le sud de La Réunion, un projet plus modeste, conduit par EDF et visant à climatiser l’hôpital de Saint-Pierre, se trouve au point mort lui aussi. Des développements qui pourraient pourtant conduire au « Downstream » en permettant d’exploiter l’eau puisée en grande profondeur plutôt que de la rejeter à la mer après qu’elle a servi à climatiser. 

UNE MULTITUDE D’ACTIVITÉS À FORTE VALEUR AJOUTÉE

En clair, le modèle économique consiste à profiter des lourds investissements nécessaires pour capter l’eau à 1 000 mètres et l’acheminer, et d’en tirer de la valeur ajoutée à travers de multiples activités possibles : aquaculture, parapharmacie, aquarium, conditionnement de l’eau en bouteille après osmose inverse, thalassothérapie, pisciculture…  Sans parler du captage de gaz rares. Comme le montre le modèle développé par Hawaï depuis trente-quatre ans, le « Downstream » peut générer un chiffre d’affaires impressionnant, sans commune mesure avec celui du SWAC. Dans cet État américain situé en Océanie, en zone tropicale, et constitué de 137 îles, le NELHA (Natural Energy Laboratory of Hawaii Authority), organisme parapublic, a vu le jour dès 1974 et a lancé en 1982 un réseau secondaire de distribution afin d’optimiser l’exploitation de l’eau de mer. Grâce aux installations de Makai Ocean Engineering, une entreprise américaine de référence dans le SWAC, le NELHA distribue en moyenne 113,6 millions de litres d’eau chaque jour pour la climatisation marine et d’autres activités. L’organisme a jusqu’à présent octroyé le contrat de franchise de « Hawai Deep sea Water » à cinq entreprises, dont la pionnière demeure Koyo USA Corporation. Cette entreprise dessale l’eau puisée des grands fonds marins et la com-mercialise sous la marque « Mahalo ». Cette eau est vendue à 4,5 dollars la bouteille de 1,5 litre et à 2 dollars la bouteille de 50 cl. Environ 800 000 bouteilles de cette eau, chargée de nutriments, sont exportées quotidiennement vers les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
 

Greg Barbour,  Executive Director du NELHA (Natural Energy Laboratory of Hawaii Authority) : « Notre modèle peut être dupliqué dans d’autres territoires tropicaux et nous avons d’ailleurs été approchés par La Réunion. » - NELHA
Greg Barbour,  Executive Director du NELHA (Natural Energy Laboratory of Hawaii Authority) : « Notre modèle peut être dupliqué dans d’autres territoires tropicaux et nous avons d’ailleurs été approchés par La Réunion. » – NELHA
 

L’OCÉAN INDIEN NE DOIT PAS RATER LE COCHE

Au total, une trentaine d’entreprises sont clientes du NELHA dans différentes activités liées à l’exploitation de l’eau de grande profondeur. Un chiffre d’affaires estimé à 3 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) et dans lequel le SWAC ne pèse que 65 millions de dollars (57 millions d’euros). Pour en arriver à ce résultat, Greg Barbour, Executive Director du NELHA, explique que la collaboration entre les secteurs public et privé est indispensable. Afin d’encourager la recherche et l’innovation avec le développement de nouvelles technologies, le NELHA opère en étroite collaboration avec les laboratoires nationaux et les instituts de recherche comme l’université d’Hawaï à Manoa, l’université d’Hawaï à Hilo et l’Hawaii Community College. « Cela permet aussi d’éviter le phénomène mondial de « mismatch », soit l’écart entre l’offre et la demande des entreprises », souligne Greg Barbour. 
Le modèle hawaïen est d’autant plus intéressant que l’archipel du Pacif ique présente des caractéristiques communes avec La Réunion, Maurice, les Seychelles et même Rodrigues : un climat tropical, une faible population et un vaste domaine maritime à exploiter. Greg Bar bour précise d’ailleurs que « le modèle développé par le NELHA peut être dupliqué dans d’autres territoires tropicaux » et qu’il a été approché par La Réunion, aussi bien que par le Japon, la Corée et la Chine. 
Il faut juste espérer que l’océan Indien ne rate pas cette opportunité qui représente un véritable relais de croissance. Pour le moment, alors que plusieurs projets de SWAC semblent en bonne voie, on parle peu des activités annexes, ce fameux « Downstream » qui est pourtant le plus rémunérateur. L’erreur serait d’attendre que les projets de SWAC soient réalisés car un réseau secondaire de distribution de l’eau de mer doit se concevoir dès le départ.

UNANIMITÉ DES EXPERTS SUR UN POTENTIEL ÉNORME

Selon l’European Marine Board (EMB), organisation européenne de la recherche marine et maritime, les fonds marins couvrent 65% de la planète et représentent 95% de la biosphère mondiale. Pour sa part, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), l’agence américaine responsable des études maritimes et atmosphériques, souligne que seuls 5% du monde sous-marin a été exploré à ce jour. Un avis partagé par l’Ifremer, organisme de recherche français, pour lequel les grands fonds recèlent d’« immenses richesses énergétiques, minérales et biologiques » alors que nous n’en sommes qu’aux « balbutiements d’une exploration qui a commencé il y a seulement une trentaine d’années ». 

ET SI L’EAU DE MER COULAIT DANS NOS VEINES ?

René Quinton a déjà établi des pistes dans ce sens. En 1897, le physiologiste français remplaça 485 g du sang d’un chien mourant par 532 ml d’eau de mer après l’avoir ajustée à l’environnement corporel de l’animal. Le chien vivra cinq ans après cette expérience et mourra après avoir été renversé par un autobus. Depuis, l’eau de Quinton, commercialisée sous le nom de « plasma de Quinton », est utilisée comme alternative du sang lors des transfusions sanguines et sous forme d’injection intraveineuse en prévention et en traitement des maladies telles que la gastro-entérite, la tuberculose et le choléra. Les laboratoires français Quinton commercialisent aussi des compléments nutritionnels à base d’eau de mer, certifiés ISO 9001, ISO 14001 et GMP (Bonne pratique de fabrication), permettant d’optimiser l’organisme en sels minéraux en hiver, mais aussi d’éviter l’oxydation et la déshydrations des cellules en été.