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SMALL IS BEAUTIFUL

Il est temps de boucler cet éditorial qui fait toujours grincer quelques dents et en fait sourire d’autres. On pourrait ouvrir le bal avec la grand-messe de l’industrie réunionnaise qui s’est tenue ce 16 octobre, sous la forme de l’assemblée générale de l’ADIR, placée au cœur d’une question : « La Réunion RUP de l’océan Indien : subir ou agir ? » Pour les non initiés, rappelons que RUP signifie Région ultra périphérique de l’Union européenne et qu’on trouve sous ce statut La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Saint-Martin, Mayotte, les Açores, les Canaries et Madère. Un statut qui permet de bénéficier de certaines libéralités, mais sous réserve de pouvoir prouver le bon usage des fonds structurels. Alors, subir ou agir ? La question ne se pose plus vraiment. La Réunion comme toutes les RUP doit subir et agir en même temps. Subir le diktat de Bruxelles qui leur demande une « spécialisation intelligente » et agir forcément car il n’existe plus de rente de situation. Le Forum des RUP, qui s’est tenu à Bruxelles les 30 septembre et 1er octobre, est resté très ouvert car on se trouvait dans la période charnière du remplacement des commissaires européens. Johannes Hahn, le commissaire chargé entre autres des RUP, qui avait compris leur importance stratégique – leur domaine maritime notamment – passe le relais à la Roumaine Corina Cretu, ancienne journaliste au profil très différent.
Quoi qu’il en soit, La Réunion s’en tire plutôt bien avec une enveloppe de 2,2 milliards d’euros pour la période 2014-2020 contre 1,9 milliard précédemment. De quoi faire des choses en prenant en compte cette fameuse « spécialisation  intelligente » et sachant que cette manne éveille de nouveaux appétits comme celui du CHU (Centre hospitalier universitaire), par exemple, dont le directeur général, David Gruson, est venu participer au Forum des RUP.
Une grand-messe là aussi où le plus intéressant se passe dans les couloirs et à laquelle participait officiellement Mayotte pour la première fois, en tant que nouvelle RUP depuis le 1er janvier. Le dernier département français d’Outre-mer, toujours revendiqué par l’Union des Comores, est d’ailleurs venu en force et quelques discussions « libres » avec des membres de cette délégation ont permis de vérifier que le risque de « colonisation comorienne », évoqué dans notre précédent éditorial, n’était pas une vue de l’esprit. Pour le reste, et pour revenir dans nos îles, le retour de Marc Ravalomanana à Madagascar n’est pas fait pour rassurer les investisseurs qui pensaient un peu vite que l’économie malgache allait repartir sur les chapeaux de roues. On ne fera pas l’affront à la Grande île, une nouvelle fois, de citer la boutade du général de Gaulle sur un « pays d’avenir qui le restera », mais on peut se poser des questions. C’est d’ailleurs plus largement sur le continent africain qu’on peut se poser des questions, comme le montre dans ce numéro une analyse quelque peu dérangeante de Bernard Lugan. Le continent noir ne décolle pas car sa croissance démographique se révèle plus forte que celle de sa production agricole. Et l’émergence des « classes moyennes » dont on nous rebat les oreilles est très relative quand on considère leur pouvoir d’achat. Si l’on poussait le bouchon un peu plus loin, on en viendrait à se demander si l’Afrique n’est pas un mirage.
Mais la chance de nos économies insulaires est d’être, comme leurs entreprises, de taille réduite. Des niches de marché leur suffisent pour doper la croissance. Il suffit de voir, comme nous le montrons dans un dossier sur les relations entre la France et Maurice, le volume des investissements directs étrangers à Maurice pour le comprendre. Les investissements en provenance de France, qui occupe la première place, se montent à moins de 70 millions d’euros en 2013. Et il suffit que les traités de non double imposition, signés avec des pays africains, attirent quelques investisseurs pour booster ces chiffres. Il est d’ailleurs intéressant de noter la place non négligeable de La Réunion qui, à travers l’armateur Sapmer, occupe une place de premier plan. Avec cinq bateaux de pêche immatriculés à Maurice, à 20 millions d’euros l’unité, et une usine de transformation à 4 millions, on peut mesurer cet apport au regard de l’enveloppe globale des investissements directs étrangers. « Small is beautiful ». Une chance pour nos îles.