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Monde

Ultra-trailers : quelle transformation nous annoncent les éclaireurs des temps actuels ?

Chaque année à La Réunion a lieu la fameuse course de la « Diagonale des fous » avec pas moins de 2 600 ultra-trailers en lice. Mais d’où nous vient cette prodigieuse motivation à nous dépasser ou à nous surpasser ?

Depuis l’apparition de l’homme sur Terre, il y a toujours eu quelques téméraires  pour repousser les limites  de l’homme. Ce sont en quelque sorte des éclaireurs, ils annoncent un certain futur pour leurs congénères. Ces téméraires représentent des tendances de fond de la société à laquelle ils appartiennent. 
Les Christophe Colomb et Magellan ont ouvert la voie aux transports maritimes ; les Antoine de Saint-Exupéry, Louis Blériot, Roland Garros ont quant à eux ouvert la voie aux transports aériens. Les Neil Armstrong et Youri Gagarine nous ont ouvert en grand les portes de l’espace sidéral ! Qu’en est il avec les sportifs de l’extrême ? On a coutume de dire qu’avec la révolution numérique, nous sommes entrés dans la « société de la connaissance ». 
Nos sportifs de l’extrême semblent refléter les valeurs phares d’une société qui enjoint à l’individu d’optimiser ses ressources physiques et cognitives pour produire la meilleure performance. Le sportif de l’extrême met ses capacités cognitives et mentales au service de sa pratique ; il exprime une dimension savante et autogérée de sa pratique, caractéristique d’une société de la connaissance.
Même s’ils sont parfois les chantres d’un discours antinormatif, ils reproduisent les transformations touchant, depuis les années 1980, d’autres espaces comme ceux du travail ou de l’école.  Ce qui ne les empêche pas d’avoir leurs contradictions. Comme le fait que, d’un côté, ils pratiquent une hyperconnectivité grâce à tout un ensemble d’outils pour autogérer leur performance et que, de l’autre, ils semblent se placer en retrait du monde.
Autre trait qui donne à réfléchir : comme chacun semble courir pour soi au milieu des autres, on ne voit pas de projet collectif d’éducation corporelle ou mentale. L’hyperconnectivité déborde complètement la vie de ces personnes, pourtant elles apparaissent souvent très seules. S’il y a une vraie recherche d’authenticité des relations humaines chez elles, il y a aussi une hiérarchie plutôt « sans pitié » entre ceux qui réussissent et gagnent beaucoup et les autres…Ces éclaireurs préparent-ils une race d’hommes capables de s’autogérer et de développer des performances au travail et dans la vie comme on n’en a jamais vues ? Donc des « surhommes » capables de toutes les prouesses ? Est-ce un retour à la loi de la jungle où ne survivraient que les plus forts ?

PHILOSOPHIE DU SURHOMME

Des films modernes comme Hunger Games ou Divergente illustrent la philosophie de la loi du plus fort. Ces films mettent en scène des adolescents tout à la fois mannequins, moines et soldats qui s’enrôlent dans des croisades de toutes sortes, donnant l'impression vitale et euphorisante de participer à un grand destin commun. Quel est le côté le plus positif de cette philosophie du surhomme ? N’est ce pas précisément celle qui annonce un être humain capable d’utiliser plus que jamais ses potentiels, ceux dont chacun est doté à sa naissance ? En ce sens, le développement du management vocationnel s’y inscrirait complètement.  
Mais ce nouveau monde serait-il fait pour qu’on n’ait plus que des surhommes ? Pourrons-nous tous le devenir ? Dans ce nouveau monde, les pessimistes y voient l'idée que le sens de la vie se révèle pour qui obtempère à des fanatiques et s'enrôle dans des guerres comme on s'adonne à des jeux vidéo. L'idée que sans ennemi nul ne peut grandir, accéder à l'autonomie. Vision pessimiste, vision optimiste ? Je choisis la citation d’Helen Keller : « Aucun pessimiste n’a jamais découvert le secret des étoiles, navigué jusqu’à des terres inconnues ou ouvert un nouveau chemin pour l’esprit humain. » 

Bernard Alvin