Performance
Un budget qui suscite le scepticisme
Une campagne d’investissement sans précédent, de 65 milliards de roupies (1,3 milliard d’euros) dans des projets prioritaires dont 11,7 milliards de roupies (234 millions euros) dans un programme de gestion des inondations est lancée. Outre ces travaux pour les drains, a été annoncé la construction en cours de 12 000 unités de logements sociaux. Elle s’accompagne de mesure pour l’accession à la propriété foncière de primo-acheteurs.
Le ministre des Finances veut aussi « transformer et moderniser nos industries ». Pour cela, sera constitué un fonds de cinq milliards de roupies (100 millions d’euros). Géré par l’Industrial Financial Institution (IFI), elle accordera des facilités de crédit-bail à des entreprises à un taux préférentiel de 2,5 % par an allant jusqu’à neuf ans. À noter que l’IFI mettra en œuvre un Credit Guarantee Scheme (système de garantie de crédit) avec le Fonds de Solidarité Africain (une institution financière multilatérale de garantie basée au Niger).
Retour graduel des touristes mais sans évoquer Air Mauritius
La principale annonce du Budget portait sur la réouverture des frontières. Débutée le 15 juillet par l’accueil de visiteurs vaccinés uniquement dans les établissements hôteliers, Maurice va recevoir, sans restriction, dès le 1er octobre, tous les touristes vaccinés avec un test PCR négatif.
Mais preuve que le « new normal » a durement impacté le secteur : Maurice vise à accueillir 650 000 touristes l’an prochain. Contre 1,2 millions en 2016. Presque un autre monde.
La MTPA, l’office du tourisme mauricien, aura 420 millions de roupies (8,4 millions d’euros) pour viser la France, La Réunion, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Afrique du Sud et la Chine.
Mais paradoxalement la question de l’accès aérien et surtout de l’avenir d’Air Mauritius n’a pas évoqué. Or la compagnie nationale mauricienne, aujourd’hui à l’arrêt, assurait 55 % des arrivées sur la destination avant mars 2020 !
« Nous avons besoin d’une connectivité de vol fluide. Malheureusement, le Budget est silencieux sur cette question », s’offusque le cabinet Andersen.
Malgré une situation compliquée, le ministre a notamment maintenu la pension universelle à 9 000 roupies par mois (180 euros) pour ceux âgés de 60 ans et plus. « Le budget des pensions a multiplié par trois de 2014 à 2021. Il est maintenant de 28,9 milliards de roupies (578 millions d’euros) ». Pour en assurer le pérénité, il a introduit l’an dernier la (très) décriée Contribution Sociale Généralisée (CSG)… La réaction du patronat était très attendue surtout après ces critiques émises l’an denier contre la CSG. La crispation entre l’État et le secteur privé a atteint son apogée avec la plainte de Business Mauritius en Cour suprême contre cette mesure… Mais contre toute attente, le Budget a été bien accueilli par la communauté des affaires. « Ce budget (…) reflète un esprit de partenariat public-privé, nécessaire pour une relance réussie », se réjouit Kevin Ramkaloan, le CEO de Business Mauritius. Pour Business Mauritius, la prévision de croissance de 9 % est très ambitieuse mais pas impossible à atteindre…
La principale critique du Budget est venue de l’opposition politique. Les débats au Parlement ont été âpres entre le ministre des Finances et Xavier-Luc Duval, le chef de l’opposition. L’objet principal de la confrontation : le rôle de la Banque centrale (BoM). Et surtout la question de sa contribution de 28 milliards de roupies (560 millions d’euros), prélevées sur les 60 milliards de roupies (1,2 million d’euros) de ses réserves, au Consolidated Fund (un fonds dédié).
La question étant « s’agit-il d’un prêt (qu’il faudra alors rembourser) comme le soutient Xavier-Luc Duval ou d’une « contribution exceptionnelle et non d’un prêt (…) » lui répond Renganaden Padayachy. Pour lui, « en période exceptionnelle (…) des mesures non conventionnelles ».
Pour attirer des professionnels à compétences rares et des talents internationaux, l’État va revoir l’Occupation Permit (OP). Il passe de trois à dix ans ce qui permet à l’étranger d’envisager de faire une grande partie ou même sa carrière à Maurice. Une autre mesure, qui était un vrai frein pour accueillir des familles et qui était réclamée depuis longtemps, est confirmée : dorénavant les conjoint(e)s des titulaires d’OP qui souhaitent investir ou travailler à Maurice seront dispensés de permis. Un des membres de la famille ne sera plus contraint de mettre entre parenthèse sa carrière s’il devait venir sur l’île. Autre timide ouverture : le « Family Occupation Permit » de dix ans destiné aux familles d’expatriées qui contribuent à au moins 250 000 roupies (5 000 euros) au « Covid-19 Projects Development Fund » (un fonds dédié à la gestion et aux conséquences de la pandémie).
Le ministre propose un plan (trop?) ambitieux de produire, d’ici… 2030, 60 % de l’énergie du pays à partir d’énergies renouvelables (EnR). On peut s’interroger sur la possibilité de cet objectif à une échéance si rapprochée (9 ans) car la part des EnR dans le « mix » national était en 2019 de… 21 %.
Pour cela, il va s’appuyer sur la biomasse (dont le prix a été revalorisé), le solaire, l’éolien et la mer. Le projet Swac (climatisation marine) de Sotravic n’a même pas été mentionné !
Le CEB (l’EDF local) investira 5,3 milliards de roupies (106 millions d’euros) pour multiplier par 10 la capacité d’absorption d’EnR via l’augmentation de 4 MW à 40 MW de la capacité des batteries - c’est le talon d’Achille de ces énergies.
Il lancera aussi un appel d’offres pour créer une ferme éolienne de 40 MW qui demandera 2,4 milliards de roupies (48 millions d’euros) d’investissement. En outre les entreprises et les particuliers pourront fournir de l’énergie renouvelable directement au CEB, mais « si le prix est inférieur au tarif maximum fixé ». Cette précision voulant éviter les effets d’aubaine observés lors d’opérations précédentes. Pour permettre aux ménages d’acheter des kits de panneaux solaires, la Banque du développement accordera des prêts concessionnels de 2 % jusqu’à 100 000 roupies (2 000 euros).
Pour encourager l’utilisation de véhicules électriques, leurs propriétaires pourront installer un système photovoltaïque, ne dépassant pas les 10 KW, pour les recharger et exporter le surplus vers le réseau.
Pour attirer des investissements directs à l’étranger (IDE), le ministre a lancé « une réforme majeure de l’environnement des affaires » : le Regulatory Impact Assessment Bill. Il « exigera des organismes de réglementation qu’ils soumettent un impact des réglementations à venir ». Mesure concrète pour faciliter l’environnement des affaires ? Le principe du « silence vaut consentement ».
Renganaden Padayachy veut rationaliser 16 régimes délivrés par l’EDB. Parmi eux, le Premium Investor Certificate qui permettra aux entreprises investissant 500 millions de roupies (10 millions d’euros) de « bénéficier d’incitations négociables, sur recommandation d’un comité technique et après approbation ministérielle ».