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Océan Indien

Un drame presque tombé dans l’oubli : les esclaves oubliés de Tromelin

Alors que la ratification du traité de cogestion entre Maurice et la France sur l’île de Tromelin a été reportée sine die, Sylvain Savoia déterre un drame presque tombé dans l’oubli : celui des esclaves oubliés de Tromelin.



Le 31 juillet 1761, l’Utile, un navire de la Compagnie des Indes Orientales, transportant des esclaves destinés à être vendus sur l’Ile de France (l'actuelle île Maurice) s’échoue sur l’île de Sable. Cet îlot sans végétation, sans abri et perdu au milieu de l'océan Indien, est à 500 kilomètres de la terre la plus proche… Parmi les survivants, on compte une centaine de marins français et quatre-vingt-huit esclaves malgaches. Ils tentent de survivre avec ce que contient le navire. 

Les Noirs se laissent alors convaincre d'aider les Blancs à construire un bateau pour quitter les lieux. Et après deux mois d'un travail de Titans, les Français regagnent Madagascar, laissant les malheureux esclaves sur l’île en promettant de venir les rechercher bientôt.
Les Noirs se laissent alors convaincre d'aider les Blancs à construire un bateau pour quitter les lieux. Et après deux mois d'un travail de Titan, les Français regagnent Madagascar, laissant les malheureux esclaves sur l’île en promettant de venir les rechercher bientôt.

Promesse qui ne fut jamais tenue…
Ce n’est que quinze ans plus tard, le 29 novembre 1776, que le chevalier de Tromelin (qui donnera son nom à l'îlot) accoste sur l’île et recueille les survivants : sept femmes et un bébé de huit mois.
Une fois connu en métropole, ce « fait divers » sera dénoncé par Condorcet et les abolitionnistes, à l'orée de la Révolution française…
Telle est la trame de cet ouvrage que nous propose Sylvain Savoia. il s'est pris de passion pour cette histoire après la lecture d’un article du Monde sur les fouilles archéologiques menées, deux siècles et demi après le drame, par Max Guérout. Cet ancien de la Marine nationale a invité le dessinateur à le rejoindre lors d'une expédition d'un mois sur l'îlot. De là est né ce livre.

La grande originalité de cette œuvre est le choix de raconter ce drame en bande dessinée. Sylvain Savoia intercale, avec des dessins précis et agréables, le récit de la survie de ces esclaves, tout en formant un journal où passé et présent font acte de mémoire. Il a fait le choix d'entremêler le récit (imaginé) d'une jeune esclave et le journal de bord de la mission archéologique.
La grande originalité de cette œuvre est le choix de raconter ce drame en bande dessinée. Sylvain Savoia intercale, avec des dessins précis et agréables, le récit de la survie de ces esclaves, tout en formant un journal où passé et présent font acte de mémoire. Il a fait le choix d'entremêler le récit (imaginé) d'une jeune esclave et le journal de bord de la mission archéologique.

Il prend également le point de vue des esclaves : seuls leurs dialogues sont compréhensibles, les paroles des Blancs sont du charabia !
Sylvain Savoia offre aux lecteurs une inédite et bouleversante histoire où les esclaves doivent composer avec le soleil brûlant, les cyclones, l'eau insalubre et le manque de nourriture. Avec le désespoir qui s'installe dans le coeur des esclaves en même temps que la mort qui les décime.
Les deux traits de Sylvain Savoia sont bien différents pour les deux histoires dont les planches entremêlées se complètent très logiquement. Il propose des aquarelles sans case délimitées pour le journal de bord et une présentation plus classique pour les esclaves de Tromelin.

L'auteur a donné un souffle à cette aventure tragique qui se devait d’être racontée pour en garder le souvenir intact.
Dans la verve du non moins poignant « La fantaisie des Dieux » de Patrick de Saint-Exupéry et Hippolyte, Sylvain Savoia nous donne une magnifique leçon d'humanité.

« Les esclaves oubliés de Tromelin » par Sylvain Savoia – Dupuis (24 avril 2015), 120 pages, 20,50 euros.

Pour célébrer cet événement, une exposition « Tromelin, l'île des esclaves oubliés » est présentée jusqu'au 30 avril à Nantes. Elle fera ainsi escale au musée de la Compagnie des Indes de Lorient, puis à Bordeaux, Bayonne, Marseille et sur l'île de Tatihou, au large du Cotentin.

Sylvain Savoia - ©Chloé_Vollmer_Lo Sylvain Savoia

Sylvain Savoia est né à Reims en 1969. Il fait des études de 1988 à 1991 à l'École supérieure des arts Saint-Luc de Bruxelle, ce qui lui permet faire connaissance de milieux professionnels de la BD belge : dessinateurs, éditeurs, libraires. 
Avec sa compagne, Sowa Marzena, il illustre les souvenirs de sa jeunesse passée en Pologne et il élabore un tout autre style graphique pour la série « Marzi », dont « Petite Carpe » sera le premier volume en 2004 aux éditions Dupuis. Des histoires pleines de charme, d'humour et d'exotisme pour le public franco-belge habitué dès la naissance à l'abondance dans tous les domaines.