Eco Austral

Découvrez tous nos articles en illimité. Je m’abonne

Logo Eco Austral
n

Eco Austral

« Tous les experts s’accordent à dire que les tensions au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales sont loin d’être terminées. »
Monde

WILLIAM GERLACH, « COUNTRY MANAGER » FRANCE CHEZ IBANFIRST : « Plutôt que de démondialiser, il faut mondialiser autrement »

Le « Country Manager » France de la fintech iBanFirst, spécialisée dans les paiements internationaux, examine les chaînes logistiques et d’approvisionnement dans l’ère post-covid. Sans remettre en cause la mondialisation, il propose une nouvelle approche.

« Tous les experts s’accordent à dire que les tensions au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales sont loin d’être terminées. »
« Tous les experts s’accordent à dire que les tensions au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales sont loin d’être terminées. »
 

L’Éco austral : Comment expliquer l’explosion du coût du commerce maritime ? 
William Gerlach
: C’est ce qu’on appelle l’effet bullwhip. Ce terme anglais renvoie aux répercutions croissantes au niveau de la chaîne d’approvisionnement d’une variation forte de la demande au fur à mesure qu’on s’éloigne du consommateur final. Dans le cas présent, pendant la pandémie, les entreprises ont réduit leurs commandes et les fournisseurs ont fait de même, mais dans des proportions encore plus importantes (car ils anticipaient que les commandes futures seraient également réduites). 
Lorsque la phase de réouverture de l’économie a démarré au printemps dernier, en Europe et aux États-Unis, il n’y avait pas assez de capacités de production pour répondre à l’accroissement important de la demande. Se sont ajoutés à cela des engorgements sans précédent dans les ports et des problèmes aigus de transport (on pensera au blocage temporaire du canal de Suez fin mars 2021 et au fait que beaucoup de conteneurs ne se trouvaient pas là où ils étaient nécessaires pour acheminer des marchandises). 

Y a-t-il également des perturbations liées au Brexit ? 
À la marge, on observe aussi des perturbations au niveau des chaînes d’approvisionnement depuis le Brexit en janvier dernier, mais qui concernent uniquement certaines marchandises bien spécifiques (il en est ainsi, par exemple, des pièces détachées automobiles destinées aux systèmes d’éclairage). Là où il fallait quelques jours pour obtenir une marchandise en provenance du Royaume-Uni, il faut parfois jusqu’à trois semaines, du fait des nouvelles contraintes douanières et réglementaires. Toutefois, ces difficultés restent encore très localisées et ont un impact négatif sur la chaine d’approvisionnement globale faible par rapport à l’effet bullwhip. 

Combien de temps vont durer les perturbations ? 
Tous les experts s’accordent à dire que les tensions au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales sont loin d’être terminées. Non seulement, l’effet bullwhip est toujours présent, mais on ne peut pas exclure que la pandémie entraîne des perturbations supplémentaires à l’avenir (exemple : en juin 2021, la Chine avait décidé la fermeture temporaire du troisième plus grand terminal de conteneurs au monde, à Shenzhen, pour cause de cas de covid, ce qui avait abouti à des semaines de retard dans les livraisons et avait entrainé une hausse supplémentaire des coûts d’acheminement vers l’Europe et les États-Unis). 
En tablant sur le fait que la pandémie va bien finir par être endiguée grâce aux efforts sur le front de la vaccination, ce ne sera certainement pas avant fin 2021, voire fin du premier trimestre 2022, qu’on aura un retour de la normalité au niveau du commerce international. Cela signifie que le coût prohibitif de transport des marchandises par voie maritime va continuer d’être une problématique sérieuse pendant encore plusieurs mois pour les entreprises. Et cette explosion va aussi nourrir des tensions inflationnistes qui ne sont pas bienvenues en cette période de reprise de l’activité économique. 

Le rôle primordial de la Chine dans les chaînes d’approvisionnement est-il remis en cause ? 
La Chine est le gagnant incontestable de la crise de la covid. Son économie est solide et sa classe moyenne ne cesse de grossir. Apple compte par exemple deux fois plus d’utilisateurs de son iPhone en Chine qu’aux États-Unis. Et General Motors vend plus de voitures en  Chine que dans la zone Canada/ États-Unis/Mexique. En 2022, la taille de l’économie chinoise sera supérieure de 10 % à 2019, tandis que ce n’est que début 2022 que l’Allemagne et la France retrouveront leur niveau de PIB d’avant-crise. À ce titre, la Chine va continuer d’être au coeur des chaînes d’approvisionnement et de logistique dans les années à venir. Toutefois, le mouvement de délocalisation des activités à faible valeur ajoutée de la Chine vers le sud-est asiatique (surtout le Vietnam) va s’accentuer. Le mouvement est entamé depuis plusieurs années et pourrait, à terme, aussi concerner des activités à haute composante technologique. On sait que le Vietnam cherche à ce que son économie monte en gamme sur le segment des technologies de communication et d’information. 

 

« Beaucoup de conteneurs ne se trouvaient pas là où ils étaient nécessaires pour acheminer des marchandises… »
« Beaucoup de conteneurs ne se trouvaient pas là où ils étaient nécessaires pour acheminer des marchandises… » ©CMA CGM
 

La covid remet-elle en cause la mondialisation des échanges de marchandises ? 
À l’instar des autres crises de grande ampleur, la crise sanitaire a constitué un test de résistance inédit, qui appelle au rééquilibrage de la mondialisation et non à sa remise en cause. La pandémie a interpelé nos croyances en la mondialisation : les chaînes d’approvisionnement ont été fragilisées, la spécialisation des activités s’est montrée vulnérable… Dans le tourment de la crise, certains pays ont même cédé aux sirènes du protectionnisme. Cependant, en dépit de certaines faiblesses, le bilan de la mondialisation est globalement positif sur une longue période, surtout pour les pays les moins développés qui ont pu se spécialiser et sortir leur population de la pauvreté et permettre l’apparition d’une classe moyenne. La relocalisation d’activités, si souvent évoquée, n’est en rien aisée. Plusieurs modalités de relocalisation existent : certaines peuvent être rapides (changement de fournisseur si l’offre existe), d’autres peuvent être plus longues, plus chères et plus ardues. Mais la relocalisation ne se décrète pas, elle se construit dans le temps. Elle engendre des coûts pour les entreprises… et pour les consommateurs qui devront les supporter. 
La création d’une base industrielle nécessite, dès lors, un acte politique fort, d’avoir une vision stratégique sur le long terme et de travailler conjointement avec les industriels. Il conviendrait notamment de bien étudier chaque filière, de répondre aux besoins concrets des entreprises, de lever les éventuels blocages réglementaires, d’identifier les zones d’accueil… Mais, surtout, investir dans des secteurs d’avenir en s’appuyant sur le socle existant. Recenser nos savoir-faire, les développer en profitant des ruptures technologiques pour se positionner sur les marchés d’avenir avec des investissements fléchés pour disposer d’un avantage comparatif. 
Plutôt que de relocaliser, il faut localiser. En outre, il est primordial d’adopter une approche coordonnée à l’échelle européenne afin de créer des économies d’échelle. En même temps, il faut diversifier, dès à présent, nos importations en identifiant les pays qui fabriquent les produits dont notre économie a impérativement besoin pour fonctionner afin de ne plus être captive d’une seule source d’approvisionnement étrangère.

iBanFirst 

iBanFirst est une fintech française spécialisée dans les paiements internationaux. Elle aide les PME et ETI européennes à se développer à l’international grâce à une plateforme de transactions multidevises et des services financiers auxquels ces entreprises n’avaient pas accès auparavant. Elle ambitionne d’être le leader européen des paiements transfrontaliers B-to-B et continue d’améliorer ses services en déployant de nouvelles capacités d’open banking.