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Réunion

Yann Le Febvre premier acteur hôtelier

C’est l’amour, en la personne d’une épouse réunionnaise, qui l’a conduit dans l’île où il bâtit son groupe Exsel qui pèse aujourd’hui 600 chambres. Une expansion qui se poursuit même si le terrain est parfois miné.

Âgé de 43 ans, mélange de Breton et de Normand, Yann Le Febvre est du genre tenace. Un bâtisseur qui a créé sa première entreprise, dans la région parisienne, à l’âge de 19 ans. De quoi résister aux douches écossaises. Car en l’espace de quelques semaines, le chaud et le froid ont soufflé sur son activité. Il y a d’abord eu les bons chiffres du secteur avec, pour la première fois, le cap des 500 000 touristes franchi à La Réunion. « Une dynamique haussière qui se confirme », commente le P-DG du groupe ExselEx » pour excellence et « sel » pour « sélection »). Mais le 16 mars, voilà que le tribunal administratif ordonne la suspension des Autorisations d’occupation temporaire (AOT) accordées en juillet 2017 par la mairie de Saint-Paul à plusieurs restaurants de bord de plage et notamment au Coco Beach exploité par le groupe Exsel. Du chômage à la clé et une offre qui disparaît pour un restaurant pied dans l’eau. 
À se demander si le développement du tourisme est vraiment une priorité à La Réunion. Dix jours auparavant, on apprenait la liquidation de l’hôtel Le Saint-Denis, situé sur le Barachois et qui appartenait au groupe Apavou. Rien à voir avec Exsel donc, mais un mauvais signe pour le secteur. Une solution de reprise aurait été plus intelligente, mais la justice a préféré trancher dans le vif. Yann Le Febvre reconnaît lui-même que l’exploitation du Saint-Denis l’intéressait. Mais pas dans les conditions proposées. « Beaucoup d’investissements sont nécessaires et avec un loyer annuel de 760 000 euros, ce n’est pas viable car le chiffre d’affaires est de 3 millions d’euros. Un loyer ne doit pas dépasser 10 % à 15 % du chiffre d’affaires. »

De la grande distribution à l’hôtellerie

Issu du monde de la grande distribution, où il opère toujours avec un Super U à Ville-d’Avray, dans les Hauts-de-Seine (banlieue parisienne), il lui trouve des similitudes avec celui de l’hôtellerie. « Nous sommes dans des ‘métiers outils’, c’est-à-dire qu’on construit un outil qu’on va exploiter et il y a une taille critique à prendre en compte. La différence notable, c’est que dans la distribution on vend les produits des autres alors que, dans l’hôtellerie, on crée son propre produit et qu’on peut même créer sa marque. » C’est le cas avec Exsel Authentic Hotels qui fédère aujourd’hui dix établissements à La Réunion dont trois sous licence de marque. Les formules varient d’un hôtel à l’autre avec aussi des contrats de gestion ou d’exploitation, et le groupe est parfois propriétaire des murs comme pour l’Alamanda, à Saint-Gilles Les Bains, racheté en juin 2009. Un rachat qui marque le début de l’activité de Yann Le Febvre à La Réunion. À partir de là, il a bâti son groupe hôtelier, hôtel par hôtel. Et en décembre 2015, le rachat du Mercure Créolia à Saint-Denis a dopé la croissance externe avec 107 chambres en plus et la propriété des murs. Pour mesurer l’importance de cette opération, il faut rappeler que La Réunion ne dispose que de six hôtels de plus de 100 chambres.

Un entrepreneur dans l’âme

Rien ne prédestinait ce mi-Breton, mi-Normand, né à Versailles, à s’implanter dans l’océan Indien. Mais son union avec une Réunionnaise a changé le cours de son destin et il vit aujourd’hui dans l’île avec femme et enfants. « Je passe quand même dix jours par mois à Paris », précise cet entrepreneur dans l’âme qui, après avoir créé sa première entreprise à 19 ans, en a créé plusieurs autres en Île-de-France, dont certaines, dans l’informatique notamment, existent toujours et poursuivent leur croissance après avoir été revendues. En parallèle de son expérience entrepreneuriale précoce, Yann Le Febvre a poursuivi des études d’expert-comptable. « Je n’ai pas eu envie d’exercer ce métier, mais ces études m’ont permis de maîtriser les outils financiers. »
Issu d’une famille de commerçants, avec un grand-père boucher, il s’orientera vers la grande distribution. Mais aujourd’hui, son activité hôtelière pèse de plus en plus, avec 22 millions d’euros sur un chiffre d’affaires (toutes activités confondues) qui se situe entre 45 et 46 millions d’euros en 2017. C’est que l’entrepreneur Yann Le Febvre a plus d’une corde à son arc. Outre son activité de grande distribution en région parisienne, il développe d’autres activités à La Réunion avec EPHM Services, spécialisé dans l’installation et l’entretien des cuisines professionnelles, et avec CPM Ducrot, spécialisé dans les menuiseries bois et qui intervient notamment dans l’aménagement des agences du Crédit Agricole. En toute discrétion, il a développé également à Maurice, en association avec le Mauricien Thierry Harel, son activité d’installation de cuisines avec Cuisine Intégrale qui est devenu leader du marché, affichant un chiffre d’affaires avoisinant les 3 millions d’euros. 

Un éco-logde au Maïdo

Le groupe poursuit sa croissance dans l’hôtellerie en s’efforçant de bien appréhender le marché réunionnais. « On n’a pas eu toujours raison, mais pas trop souvent tort », souligne Yann Le Febvre qui a bien compris l’importance du marché intérieur pour l’hébergement, la restauration et les séminaires. « Beaucoup de gens passent une partie de leurs vacances à La Réunion. Il faut leur redonner goût aux prestations hôtelières. » Il peaufine donc son offre et ça fonctionne plutôt bien. L’Alamanda affiche un taux de remplissage de 92 %. Cet hôtel 2-étoiles, proposé à partir de 49 euros en basse saison, comprend 71 chambres et propose deux restaurants (dont un authentique Italien), trois bars, trois salles de séminaire et une piscine chauffée. Et le partenariat avec le casino voisin a permis de lancer le complexe Zarlor Ermitage Resort. Un espace naturel végétal d’un hectare pour que leurs clients respectifs puissent se promener et se mettre à l’écart. Le jardin a donc été pensé comme un concentré de La Réunion nature à travers la plantation d’une quarantaine des espèces endémiques les plus emblématiques de l’île. Des bambous aux allamandas, en passant par les frangipaniers pays, le complexe se veut le reflet miniature de la richesse réunionnaise. Il est aussi destiné à accueillir des événements culturels. « On est plus forts ensemble que chacun de son côté », commente Yann Le Febvre qui, à propos des hôteliers de l’île, aime parler de collègues plutôt que de concurrents, « même si l’on peut avoir des zones de friction ». Comme celle qui l’a conduit à quitter l’organisation professionnelle UHR pour l’UMIH où il était déjà présent avec deux restaurants. « L’UMIH est un vrai syndicat professionnel avec une vraie vision et une écoute au niveau national. » Le groupe Exsel, qui a fait entrer dans son capital un fonds d’investissement géré par Apicap, travaille aujourd’hui sur son projet d’éco-lodge au Maïdo, dont le bail à construction a été cédé par la commune de Saint-Paul. Un futur établissement de 69 chambres, classé 4-étoiles et dont la réalisation a été confiée au promoteur CBo Territoria. Il reste maintenant à consolider la marque Exsel qui s’appuie aussi sur son label Clé verte accordé à cinq établissements du groupe. « Un moyen de réaliser des économies en impliquant nos clients. Sur une île, une démarche d’économie circulaire est indispensable mais a l’avantage de se concevoir plus facilement. »