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Maurice

Candidature de Jean-Claude de l’Estrac à la Francophonie : une opportunité pour l’océan Indien

La partie sera difficile pour l’actuel secrétaire général de la COI qui vient d’être présenté officiellement par Maurice comme candidat à la succession d’Abdou Diouf. Mais ses chances sont bien réelles…

 

Symboliquement, Maurice a choisi la journée internationale de la Francophonie, le 20 mars, pour annoncer officiellement qu’elle proposait Jean-Claude de L’Estrac comme successeur d’Abdou Diouf au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Une succession qui devra se faire en novembre prochain. L’enjeu est de taille puisque l’OIF gère un dispositif institutionnel voué à promouvoir la langue française et les relations de coopération entre 77 États et gouvernements membres ou observateurs.

PLUS DE FRANCOPHONES QUE D’ANGLOPHONES EN 2030

Le dernier rapport en date de l’Observatoire de la langue française, publié en 2010, estime les francophones à 220 millions de locuteurs répartis sur les cinq continents. En 2030, leur nombre devrait être supérieur à celui des anglophones (selon le réseau Démographie de l’Agence universitaire de la francophonie). En 2050, on estime qu’il y aura 750 millions de personnes à parler le français dans le monde. Contrairement à une idée reçue, le français est donc très loin de décliner face à l’anglais. Et Maurice en représente sans doute le plus bel exemple. Cas unique d’une ancienne colonie britannique où l’homme de la rue parle plus facilement et naturellement la langue de Molière que celle de Shakespeare. Un atout pour Jean-Claude de L’Estrac qui devra, dans les prochains mois, convaincre les réseaux de la Francophonie. « Les candidats sont présentés par les États et la désignation se fait (plus ou moins au consensus et au dernier moment) et, de ce fait, il n'y a ni campagne électorale ni dépôt de candidatures, mais bien entendu, rien n'empêche des réseaux comme le nôtre de manifester leurs préférences, leurs soutiens ou leurs désapprobations », explique Joël Broquet, militant de longue date et fin connaisseur de la Francophonie. Ce dernier préside le Carrefour des acteurs sociaux qui œuvre beaucoup en faveur du co-développement à travers le Partenariat eurafricain. « L’objectif de ce Partenariat est de donner un contenu doctrinal et opérationnel en terme politique, économique et social aux concepts de co-développement et de développement solidaire. Loin des dogmatismes idéologiques, le Partenariat eurafricain s’appuie sur les travaux de consultants indépendants. »
En vertu d’une loi non écrite, mais jamais démentie (une coutume en quelque sorte), le secrétariat général est dévolu à une personnalité du Sud, en pratique issue d’un pays sub-saharien, alors que le poste d’administrateur revient à un pays du Nord, actuellement Claude Duhaime, Québécois. Quelques candidats sont déjà en piste, à commencer par la Canadienne Michaelle Jean, femme de confiance de la reine d’Angleterre (elle est ancienne gouverneure du Canada) et soutenue par Ottawa. Deux raisons de hérisser les Québécois… et les Français, du moins ceux qui contestent la prégnance de l’oligarchie mondialiste rarement favorable aux intérêts français en Afrique. Elle a pour elle d’être d’origine haïtienne, recyclée canadienne. Mais cela ne suffit pas à en faire une Africaine.
 

ON PARLE DE DEUX ANCIENS PRÉSIDENTS AFRICAINS

Par conséquent, Michaelle Jean ne semble pas être la « candidate » la plus dangereuse face à Jean-Claude de L’Estrac qui, selon Joël Broquet, est « plus conforme aux intérêts de la francophonie, représentatif d’un Sud à la fois insulaire et tourné vers l’Est indien, se distinguant d’une Afrique en pleine turbulence ».
Mais face à lui, des poids lourds pourraient émerger, comme l’ancien président malien, Alpha Oumar Konaré, qui est pressenti par ses amis sans qu’on connaisse exactement ses intentions. Il est très fortement appuyé par l’influente communauté malienne de France. Autre Africain souvent cité : Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, mais dont le mandat présidentiel n’aura pas expiré fin 2014. « Parmi les rumeurs les plus sérieuses, il faut retenir celle qui évoque la candidature de Michel Sleimane, président du Liban, dévoile Joël Broquet. Reste qu’il n’est pas exactement représentatif du Sud, mais que, par hypothèse, le Liban sait être l’espace de toutes les transitions… et transactions. »
Une chose est sûre, les réseaux d’influence jouent un grand rôle et Jean-Claude de L’Estrac en est bien conscient. Son point faible est de n’avoir été ni chef de gouvernement ni chef d’État, mais il a été deux fois ministre des Affaires étrangères de Maurice, un pays qui, comme nous l’indiquions ci-dessus, porte une grande valeur symbolique dans la francophonie.

DIPLOMATE, ENTREPRENEUR ET ÉCRIVAIN

Le travail de Jean-Claude de L’Estrac depuis deux ans, en tant que secrétaire général de la Commission de l’océan Indien (COI), a révélé son dynamisme et sa capacité à mobiliser le monde économique jusqu’alors plutôt dubitatif vis-à-vis de la COI. Il a l’avantage d’avoir fait ses preuve dans le monde de l’entreprise, à la tête du groupe de presse La Sentinelle durant une dizaine d’années. Ce groupe édite le quotidien L’Express, où Jean-Claude de L’Estrac avait commencé comme journaliste avant de se lancer dans la politique. En le réintégrant comme directeur général en avril 1995, l’ancien ministre y impulse une stratégie de développement qui passe par la croissance externe à Maurice, avec le rachat d’un hebdomadaire populaire à fort tirage « Cinq Plus » et la participation à une radio, et une implantation à Madagascar. Le groupe mauricien détient 49% du quotidien « L’Express de Madagascar » et a impulsé dans la Grande île la création d’un hebdomadaire et d’un autre quotidien, en langue malgache celui-là. Ce travail a valu à Jean-Claude de L’Estrac d’être élu par sondage « Entrepreneur de l’année » en 2005 et de recevoir le Tecoma Award. Une élection organisée par L’Eco austral. Son action d’entrepreneur ne l’a pas empêché d’écrire une histoire de Maurice en plusieurs tomes qui, très « vulgarisée », a connu un joli succès de librairie. Homme de culture française, mais qui maîtrise également la langue anglaise, Jean-Claude de L’Estrac est à l’image de Maurice qui est à la fois membre de la Francophonie et du Commonwealth. Dans le cas où il accéderait au poste de secrétaire général de l’OIF, sa vision d’entrepreneur sera un avantage non négligeable. D’autant qu’il existe, en marge de cette organisation, un « Forum francophone des affaires » (lire notre encadré à ce sujet). Les milieux économiques de l’océan Indien ont tout à y gagner à un moment où Maurice entend se positionner comme une porte d’entrée vers l’Afrique.
 

LA FRANCOPHONIE INSTITUTIONNELLE

Depuis 1970 et la création de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) – devenue aujourd’hui l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) – les francophones peuvent s’appuyer sur un dispositif fixé par la Charte de la Francophonie adoptée en 1997 au Sommet de Hanoi (Vietnam) et révisée par la Conférence ministérielle en 2005 à Antananarivo (Madagascar) :
• Le Sommet des chefs d’État et de gouvernement – le Sommet de la Francophonie –, qui se réunit tous les deux ans, est la plus haute des instances politiques décisionnelles ;
• Le Secrétaire général de la Francophonie est la clé de voûte de ce dispositif. Abdou Diouf, ancien président de la République du Sénégal, occupe cette fonction depuis 2003 ;
• L’Organisation internationale de la Francophonie met en œuvre la coopération multilatérale francophone au côté de quatre opérateurs : l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5Monde, la chaîne internationale de télévision, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et l’Université Senghor d’Alexandrie.
La Francophonie dispose aussi d’un organe consultatif : l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF).

 

LE FORUM FRANCOPHONE DES AFFAIRES

Cette association internationale, qui siège à Paris, a été créée en 1987 lors du Sommet des chefs d’États et de gouvernements francophones. Le Forum francophone des affaires (FFA) est la seule organisation économique qui est associée à ce rendez-vous de la Francophonie. Il a pour vocation à fédérer les acteurs économiques de ces pays et s’efforce de faciliter le développement des relations et des échanges entre acteurs économiques publics et privés. Grâce aux accords passés dans les pays arabophones, francophones, hispanophones et lusophones, le FFA est présent sur tous les continents et se revendique comme le premier réseau mondial d’entreprises.