Exception, excellence et émotion : le nouveau triptyque du luxe
Le marché du luxe, qui a toujours intéressé Maurice et a contribué à son image, n’est plus placé sous le signe de l’ostentation. Il s’agit désormais d’offrir une expérience unique et riche de sens à une nouvelle clientèle à fort pouvoir d’achat, aussi bien locale qu’étrangère.
Sept millions quatre cent mille.

C’est le nombre de téléspectateurs restés scotchés en 2017 – avec un pic à 8,8 millions – devant leur petit écran pour assister en direct à l’élection de Miss France 2018. Ce score incroyable (37,7 % du public), et cette immense visibilité sur la première chaîne européenne, TF1, ont incité l’État et le secteur privé mauriciens (Air Mauritius et Beachcomber) à inviter, en 2018, les 30 Miss régionales pour un voyage de préparation d’une semaine.
Une opération largement relayée par la plupart des médias hexagonaux et dont le montant reste confidentiel : « Il serait inélégant de vous communiquer ce chiffre », nous écrit Ornella Thathiah, la chargée de communication du ministère du Tourisme. Port-Louis cultive ainsi son image glamour, exclusive, bref luxueuse.
Cette stratégie très people n’est pas nouvelle. Maurice l’utilise régulièrement depuis les années 1970, avec Brigitte Bardot et plus tard Stéphanie de Monaco. Vraies stars ou « célébrièvetés » (mot-valise inventé par le journaliste de Paris-Match, Jérôme Béglé, pour décrire ces jeunes propulsés au rang d’idoles le temps d’une émission de téléréalité), c’est en tout cas une excellente vitrine publicitaire pour l’industrie touristique locale, en particulier sur le marché français. Il est vrai qu’en 2017, sur le 1,34 million de touristes que l’île a accueillis, près de 420 000 visiteurs venaient de France et de La Réunion, près d’un tiers des arrivées ! Avec cette opération, Maurice vise à la fois son cœur de cible familial et le segment des happy few à hauts revenus, adeptes du luxe et largement courtisés par d’autres destinations, en particulier balnéaires.
Le marché mondial du luxe repart à la hausse
Mais qu’est-ce que le luxe ? Laura Perrard, la créatrice du Journal du luxe et co-fondatrice du Salon du luxe Paris, dans une tribune publiée dans le magazine Forbes, le résume en trois mots : exception, excellence et émotion. Hier signe d’ostentation, aujourd’hui gage d’authenticité et de sensations, le luxe devient plus que jamais le support d’une expérience unique et riche de sens pour une clientèle à fort pouvoir d’achat.
Maurice a tout intérêt à cibler cette catégorie car, selon la seizième édition de l’étude sur le marché mondial des biens personnels de luxe, publiée par Bain & Company (l’un des trois principaux cabinets mondiaux de conseil en stratégie et management), le marché mondial des produits de luxe repart à la hausse. Il a même atteint une valeur record de 262 milliards d’euros en 2017 ! Surtout, Bain & Company prévoit un maintien de cette tendance avec un taux de croissance (à change constant) de 4 % à 5 % par an pour les deux prochaines années, pour atteindre des ventes de 295 à 305 milliards d’euros d’ici 2020.
Des groupes hôteliers internationaux mais aussi locaux accompagnent la tendance avec des établissements de très grand standing. Prince Maurice, Royal Palm, Touessrock, Saint Régis, Saint Géran, Lux Le Morne, Club Med d’Albion… ces hôtels mythiques proposent des services et des prestations de classe mondiale valant largement celles proposés par certains palaces parisiens, londoniens ou new-yorkais. Et il ne se passe pas une semaine sans que l’un de la centaine d’hôtels de la petite île de l’océan Indien ne soit récompensé. Preuve ultime de leur excellence, trois hôtels – le Constance Prince Maurice, le Maradiva Villas Resort and Spa Wolmar et le Royal Palm Beachcomber – font partie du très select The Leading Hotels of the World, consortium hôtelier rassemblant 375 hôtels de luxe dans 75 pays (pour en faire partie, l’établissement doit impérativement être classé dans la catégorie « luxe » de son pays).
Immobilier de très haut standing
Pour faire face aux nouvelles demandes (un tiers des touristes sont des repeaters, des voyageurs qui connaissent déjà la destination) et pour attirer de gros investisseurs, Port-Louis s’est également lancé sur le marché de l’immobilier de luxe. Pour Arnaud Mayer, le Chief Executive Officer (CEO) du groupe Evaco et l’un des pionniers du secteur, « positionner Maurice comme une destination de luxe passe immanquablement par des biens immobiliers de haut standing ». Longtemps spécialisé dans les projets Real Estate Scheme (RES), son groupe vient de lancer Secret, un projet immobilier de 65 villas qui composent la seconde tranche de la résidence Clos du Littoral à Grand-Baie, dans le nord de l’île.
« Jamais le luxe n’aura pris cette dimension à Maurice », s’enthousiasme le CEO. Et d’expliquer : « Secret est un hôtel de luxe offrant des villas privées de très haut standing. Il allie le savoir-faire traditionnel, comme les services en chambre et de conciergerie, et les dernières technologies.» Le résident prend littéralement les commandes pour activer à distance tout un système de gestion allant des éclairages, du son, de la climatisation, du chauffage de piscine, à la toiture électrique. « Il s’agit d’allier technologie, tradition, exclusivité et… humain », résume Arnaud Mayer.
Mais malgré ses exigences particulières, le luxe n’est plus réservé aux riches. Au contraire, on pourrait dire qu’il se démocratise car aujourd’hui on compte parmi ses adeptes, par exemple, des jeunes mariés qui désirent une lune de miel mémorable ou encore des voyageurs prêts à débourser des sommes considérables pour vivre une expérience unique. Cette nouvelle tendance s’incarne avec les Millennials. Cette fameuse génération Y regroupe, en Occident, l’ensemble des personnes nées entre 1980 et 2000. Ultra-connectée, souvent diplômée de l’enseignement supérieur, adepte de l’économie collaborative et sensible aux enjeux environnementaux, on pourrait s’attendre à ce qu’elle se montre réfractaire au luxe. Or, c’est le contraire qu’on observe aujourd’hui ! Les Millennials sont, paradoxalement, adeptes des marques de luxe, même les plus traditionnelles, dès lors qu’ils se reconnaissent dans l’image qu’elles incarnent à leurs yeux. Et pour les grands noms du luxe, l’enjeu est important. Car au cours des dernières années, ce sont eux qui ont porté leur développement. On prévoit même qu’en 2025, les industries du luxe réaliseront 45 % de leur chiffre d’affaires auprès des 18-35 ans !
Les « Millennials » mauriciens aussi
Comme d’autres groupes hôteliers internationaux et locaux, Lux* vient de lancer l’hôtel Salt qui vise précisément cette nouvelle clientèle, qui ne vient pas seulement de l’étranger… En effet, on s’aperçoit en étudiant le rapport publié en 2018 par le cabinet Kantar TNS sur les Millennials mauriciens que leurs aspirations sont identiques à leurs cogénérationnaires de l’étranger. Par exemple, ils accordent une grande importance au sentiment d’accomplissement (28 %) et de liberté (23 %) comme valeurs terminales, ce qui les démarque fortement des autres générations de l’île.
Si elle représente 26 % de la population mauricienne, cette génération Y constitue 40 % de la main-d’œuvre locale. Ses aspirations ont de vraies et profondes implications pour le pays. Outre ce changement sociologique, il y a également une élévation du pouvoir d’achat.
Selon l’AfrAsia Bank Africa Wealth Report 2017, publié par la banque éponyme et qui porte sur les perspectives du marché du patrimoine financier en Afrique, Maurice compterait 3 800 millionnaires en dollars américains (personnes qui possèdent un million de dollars – 880 000 euros – hors résidence principale). Il s’agit d’une augmentation de 230 % entre 2006 et 2016 !
Mais outre ces ultra-riches qui restent une niche, le pouvoir d’achat des Mauriciens a fortement augmenté. Selon ce même rapport, l’île affiche le plus haut niveau de richesse par habitant, en Afrique, en 2017 avec 32 700 dollars. Il faut également ajouter le poids économique des expatriés, environ 25 000 en 2016, selon l’ex-Board of Investment (BOI, l’organisme chargé de la promotion des investissements).
Caviar au petit-déjeuner
L’impact de ce changement, et peut-être le plus spectaculaire, se trouve dans le secteur de l’automobile. Si le marché des véhicules neufs a augmenté de 21,4 % entre 2016 et 2017 (de 9 185 véhicules à 11 151), le segment Premium représente 10 % des ventes ! Dans cette catégorie, BMW se taille la part du lion en réalisant 43,7 % des transactions (657 véhicules). Mais il s’écoule aussi en moyenne une cinquantaine de véhicules du constructeur Porsche par an. On compte ainsi sur l’île 250 (heureux) propriétaires de cette marque mythique (en fait, il y a en un peu moins puisqu’il existe des multipropriétaires !). Détail intéressant, « 80 % de nos acheteurs sont Mauriciens », précise Kevin Kim Lim, le Sales and Marketing Manager du centre Porsche situé à Phoenix. La moyenne d’âge des acheteurs va de 40 à 60 ans, donc loin de la génération Y…
Gastronomie de luxe
Autre secteur où le marché local prend une place importante : celui de la gastronomie de luxe. « Le service traiteur et les ventes de produits et de solutions culinaires proposés dans mes trois épiceries fines représentent 40 % de mon chiffre d’affaires (en 2017, 202 millions de roupies, plus de cinq millions d’euros – NDLR) », assure Emmanuelle Coquet, la directrice de The Gourmet Emporium et nominée à l’IBL Tecoma Award 2018. Si elle observe chaque année une hausse de produits alimentaires de luxe comme le caviar, pendant les fêtes « il m’est difficile de connaître la proportion de clients mauriciens et expatriés. La demande la plus insensée que l’on m’ait faite ? De la viande de cobra et de zèbre. Je n’ai pas pu honorer cette commande car… l’obtention de certificat vétérinaire est très complexe », sourit-elle.
Miser sur une démocratisation du luxe en particulier dans le secteur hôtelier, c’est le pari lancé et relevé par Christopher Rainer. En créant en 2013, MariDeal.mu avec trois millions de roupies (75 000 euros) d’investissement, il a permis à « la classe moyenne mauricienne et aux expatriés » de profiter à des coûts (hyper)compétitifs – certaines promotions de dernière minute peuvent aller jusqu’à 40 % de réduction –du parc hôtelier local, et du luxe de certains établissements. Car les hôteliers mauriciens ont (enfin) compris que leur offre est périssable : « Au lieu d’avoir des chambres vides, il vaut mieux les vendre moins cher », lance Christopher Rainer. Preuve de la pertinence du raisonnement, c’est le dernier gagnant de l’IBL Tecoma Award 2018.
La quatrième édition de l’AfrAsia Bank Mauritius Open, premier tournoi de golf tri-tours au monde, a accueilli 159 golfeurs, du 29 novembre au 2 décembre 2018, au Four Seasons Golf Club, à Anahita. Le golf est un sport dont l’image reste associée au luxe et à l’exclusivité. Maurice entend bien faire son trou et prendre sa part d’un marché estimé à 90 millions de joueurs, à très fort pouvoir d’achat. Le prix global du tournoi s’élève à un million d’euros, la somme la plus élevée jamais versée pour un évé-nement de cette sorte à Maurice. Il apporte une visibilité sans précédent à la destination golfique mauricienne car 320 millions de téléspectateurs ont accès aux images de l’événement.
Après les projets Marguery Villas et Mythic Grand Gaube, le groupe immobilier français MJ Développement lance le Legend Hill, Conciergerie, Spa & Resort, sur la côte ouest de l’île, à flanc de la montagne de La Tourelle. Ce projet immobilier de luxe propose 52 biens s’inspirant des maisons lodges d’Afrique du Sud : 23 villas de luxe, 25 appartements -dont neuf appartements « boutique hôtel » – et quatre penthouses (appartements sur toit-terrasse). Le prix d’appel des appartements est de 775 000 euros et à partir de 1,7 million d’euros pour les villas. La livraison est prévue fin 2021.
Comme son nom l’indique le Legend Hill, Conciergerie, Spa & Resort propose également des services dignes d’un resort 5-étoiles sécurisé, comme un club house, des services exclusifs de conciergerie, deux restaurants – un gastronomique et un bistronomique accessibles aux non résidents -, un spa signé Salin de Biosel (précurseur de la cosmétologie naturelle), une piscine, des cours de yoga et de coaching personnalisé proposés dans la salle de fitness du site.