Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

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Réunion

Les « rhumiers » jouent collectif

Regroupés sous la bannière « La Réunion des rhums », les fabricants de rhums, d’arrangés et de punchs resserrent leurs rangs pour défendre et promouvoir leurs produits, sur l’île et à l’export.

La petite famille du rhum réunionnais est désormais un peu plus soudée. Le 16 novembre, les deux organisations professionnelles du secteur se sont retrouvées dans les locaux de la Distillerie Rivière-du-Mât, à Beaufonds, qui venait d’inaugurer sa boutique « spiritouristique ». Elles ont lancé officiellement le site internet www.lareuniondesrhums.re, qui illustre la volonté nouvelle des « rhumiers » de faire cause commune. Encouragés par la progression de leurs ventes et le succès du nouveau segment des « arrangés » sur le marché métropolitain, ils se fédèrent pour lancer des actions collectives, sur l’île comme à l’export.

Le Syndicat des producteurs de rhum de La Réunion (SPRR) a récemment recruté Émilie Marty, ancienne journaliste du Journal de l’Île, pour animer cette démarche, qui va demander du doigté. Le rhum local est depuis longtemps dans le collimateur du milieu médical, qui réclame l’augmentation des taxes sur un produit dont le bas coût est considéré comme une des causes de l’alcoolisme insulaire. « Nous mesurons pleinement les enjeux de santé publique, nous avons été, sommes et serons toujours des acteurs de cette prévention », répète Alain Chatel, président du SPRR.

« Si les gens boivent de l’alcool pour fuir la réalité, c’est sur cette réalité qu’il faut travailler », insiste Jérôme Isautier, président de la Fédération interprofessionnelle des alcools de canne de La Réunion (Fiacre), qui regroupe depuis 2003 les distillateurs et les liquoristes.

Les distilleries investissent aujourd’hui de manière importante dans le renforcement de la capacité de vieillissement de leurs chais. Le rhum vieux réunionnais est considérablement monté en gamme depuis trente ans, jusqu’à faire jeu égal avec les meilleurs alcools antillais dans les concours. À tel point que Rivière-du-Mât, Savanna et Isautier peinent aujourd’hui à répondre à la demande. Ces rhums vieillis dans le bois de chêne ne représentent toute-fois qu’une infime partie des 137 000 hectolitres d’alcool pur (HAP) fabriqués annuellement sur l’île et exportés à 85 %. La grande masse est constituée d’alcools en vrac, destinés à divers usages agroalimentaires.

Face aux Antillais, les Réunionnais ont à mener une autre bataille que celle des dégustations à l’aveugle : celle des contingents. L’État accorde un vieux privilège fiscal aux alcools ultramarins, mais sur une partie seulement de la production. Or, sur les 153 000 HAP bénéficiant d’une fiscalité allégée sur le marché métropolitain, 29 000 seulement concernent La Réunion, qui ne désespère pas de voir son contingent remonter un jour.

L’enjeu de la mélasse : Les «  rhumiers  » de La Réunion sont très largement dépendants de Tereos, fournisseur de leur principale matière première, la mélasse. Ils sont aujourd’hui confrontés à la baisse de la production de canne à sucre, qui a pour corollaire celle du stock de mélasse disponible à la sortie des sucreries : 50 000 tonnes aujourd’hui, contre 70 000 tonnes il y a encore quelques années. Le sous-produit est désormais entièrement consommé pour la fabrication du rhum, alors qu’une production de bioéthanol pour alimenter la turbine saint-pierroise d’Albioma était encore possible il y a peu. À court terme, les distilleries risquent de ne pas pouvoir répondre à certaines commandes. De plus, les relations se sont tendues avec Tereos. Lors de la négociation de la convention canne, en milieu d’année, les « rhumiers » avaient proposé de mettre un peu d’argent sur la table pour soutenir la filière, à condition de figer le prix de vente de la mélasse, hors inflation. Tereos a refusé et les « rhumiers » se sont retirés de la négociation.