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Forum africain sur le peering et l’interconnexion – Dawit Bekele : « Maurice est la capitale de l’Internet en Afrique »

Du 20 au 22 août a eu lieu, à Balaclava, la 10e édition du Forum africain sur le peering et l’interconnexion (The African Peering & Interconnection Forum – AfPIF 2019). Un rendez-vous très attendu alors que le grand problème de l’Internet en Afrique reste précisément le manque d’interconnexion entre les réseaux.

Organisé par l’Internet Society et l’Association africaine des points d’échanges de l’Internet (AFIX), en collaboration avec Rogers Capital, l’AfPIF met non seulement en relation les principaux fournisseurs d’infrastructures, de services et de contenus en ligne du continent, mais identifie et discute des moyens qui permettent d’améliorer l’interconnexion des réseaux. Durant ces trois jours, plusieurs intervenants ont ainsi partagé sur leurs expériences en tant qu’acteurs africains, dans un contexte où le manque d’interconnexion entre les réseaux reste le principal problème.  
« Sans ces réseaux interconnectés, c’est comme si, pour aller d’un point A à un point B, soit deux réseaux de deux opérateurs différents, dans un même pays, vous deviez emprunter des routes qui vous mèneraient à l’étranger pour revenir ensuite dans le pays », explique de façon imagée Dawit Bekele, Éthiopien, directeur du bureau régional (Afrique) de l’Internet Society. Conséquences : une perte en efficacité et des dépenses infrastructurelles croissantes, les opérateurs devant investir continuellement et de façon absurde dans des câbles qui vont lier leurs réseaux aux réseaux extérieurs pour se connecter à des réseaux locaux… 

Sécurité du routage

« Une des raisons de cette situation est l’incompréhension, les concurrents ne se parlent pas. Il faut donc des acteurs neutres, comme nous à l’Internet Society, qui vont permettre aux différents acteurs de former un réseau de gens qui se connaissent et se font confiance. C’est une éducation à faire », explique Dawit Bekele, qui est également docteur en informatique. Autre anomalie, l’Afrique importe plus de 99 % du trafic Internet consommé. L’échange de trafic local par les Internet Exchange Points (voir glossaire) réduirait donc considérablement les coûts d’accès à Internet, les retards de réseau et augmenterait la vitesse d’accès au contenu. Sachant l’importance d’Internet pour le développement du continent, l’enjeu est colossal. 
S’intéressant aux enjeux liés à l’Internet au niveau mondial, il avance que celui qui requiert actuellement une attention particulière est celui de la sécurisation des routeurs (voir glossaire).  Or, les normes et les standards sont volontaires. « Certains opérateurs n’investissent pas parce que la vulnérabilité ne les affecte pas directement, ils ne gagneront pas plus de clients mais en n’investissant pas, c’est tout Internet qui devient vulnérable. Pour faire un parallèle avec l’environnement, il n’y a pas de solution magique : tout le monde doit s’y mettre, doit être sensibilisé quant à la nécessité de sécuriser Internet », explique Dawit Bekele. D’où l’importance de ce forum qui essaie de promouvoir la mise en place de  pledges  (accords) pour inciter les opérateurs à participer à la sécurisation des routeurs. « Internet a été créé pour être un réseau de gens bienveillants mais n’a pas été conçu pour être aussi grand », rappelle-t-il au passage. 
Au niveau de l’interconnexion, les gros opérateurs de contenus ont un rôle un jouer. Une des choses qui poussent les opérateurs à participer et mettre en place les points d’échanges est le fait d’avoir des organisations comme Google ou Facebook qui ont leurs serveurs aux points d’échanges. « Par exemple, si Google a son serveur au point d’échanges de Maurice, les opérateurs voudront venir ici. Sinon ils devront aller à Londres, par exemple, pour avoir accès à Google. » 

 

L’afPIF met  en relation les principaux fournisseurs d’infrastructures, de services et de contenus en ligne du continent africain.
L’afPIF met  en relation les principaux fournisseurs d’infrastructures, de services et de contenus en ligne du continent africain.
 

Opérateur dominant

Saluant les progrès et investissements concédés par Maurice dans les TIC, Dawit Bekele estime que « Maurice est la capitale de l’Internet en Afrique », ne serait-ce que par l’African Network Information Centre (voir glossaire) qui est incorporé à Maurice depuis 2004. Le pays a pris la décision d’avoir l’Internet et les nouvelles technologies de communication au centre de sa stratégie de développement. « Il y a une volonté indéniable de faire les bonnes choses mais ce n’est pas toujours simple du fait de la réalité. Par exemple, il y a un opérateur dominant qui ne veut pas toujours jouer le jeu et l’État ne peut pas toujours faire tout ce qu’il veut. »
L’Internet Society a pris l’engagement d’aider Maurice et dresse un bilan très positif de ce 10e forum. Il y a eu une très bonne participation et le taux de sponsorisation a dépassé celui du Cap. « La plupart des gens que j’ai rencontrés ont fait savoir qu’ils voient en ce forum la rencontre immanquable de l’année », avance Dawit Bekele avant de conclure : « Maurice a la volonté devenir un hub (centre) Internet quand bien même ce soit une île où l’on puisse parfois se sentir isolé. Mais à travers les câbles sous-marins, cela est tout à fait possible, à condition de faire ce qu’il faut avant les autres. Dans l’histoire d’Internet, ceux qui ont réussi sont ceux qui en ont vu les opportunités en premier, non pas qu’ils étaient les mieux positionnés géographiquement. Maurice a des atouts : vous êtes déjà bien avancés en termes d’éthique, plus que la plupart des pays africains et vous avez des gens très compétents. Vous pouvez capitaliser là-dessus. Je vous souhaite très bonne chance ! »

Internet Society, les pionniers de l’Internet 
L’Internet Society est une organisation mondiale non lucrative créée par les « pionniers et inventeurs de l’Internet », explique Dawit Bekele, directeur du bureau régional (Afrique). Créée aux États-Unis en 1992, l’organisation opère aujourd’hui à travers six bureaux régionaux et plus de 130 chapitres (antennes nationales) dont 35 en Afrique. Il n’existe pas de chapitre à Maurice en ce moment, faute de volontaires. L’Internet Society a pour vision l’« Internet pour tous » et s’est fixée pour mission de « promouvoir le développement, l’évolution, et l’utilisation de l’Internet au bénéfice de tous les individus à travers le monde ».

Glossaire

Adresse IP :  Numéro d’identification attribué de façon permanente ou provisoire à chaque appareil relié à un réseau informatique qui utilise l’Internet Protocol 
(IP). Les paquets de données transmis (les messages) obtiennent tous une adresse IP, tout comme les lettres possèdent une adresse postale pour s’assurer qu’elles arrivent bien au destinataire.

AFRINIC (African Network Information Centre) :  Le registre Internet pour l’Afrique, responsable de la distribution et de la gestion des adresses IP à travers le continent africain et dans la sous-région de l’océan Indien. 

Interconnexion et peering : L’interconnexion est le fait de relier deux réseaux à travers des supports physiques et des protocoles. Le peering est utilisé dans le cadre d’interconnexion d’opérateurs à un point d’échanges Internet. 

Internet eXchange points (IXP) ou points d’échanges : infrastructures physiques permettant aux différents fournisseurs d’accès Internet d’échanger du trafic Internet entre leurs réseaux grâce au peering.

Routeurs : Points intermédiaires chargés de diriger les paquets (messages) selon les adresses IP des destinataires.  Le routage est le mécanisme par lequel des chemins sont sélectionnés dans un réseau pour acheminer les données d’un expéditeur jusqu’à un ou plusieurs destinataires.