AfrAsia Bank rachetée par l’Ivoirien Atlantic Financial Group
L’information a fait l’effet d’une bombe dans le petit monde feutré des banquiers. L’homme d’affaires ivoirien Koné Dossongui, à la tête d’Atlantic Financial Group (AFG), est en passe de prendre 74,5% du capital d’AfrAsia Bank et confirme ainsi ses ambitions panafricaines.
Une petite précision pour commencer : Atlantic Financial Group (AFG) n’a rien à voir avec la Banque atlantique, présente en Afrique de l’Ouest et détenue par le groupe marocain Banque centrale populaire (BCP). À travers sa holding, AFG a conclu un accord de rachat avec le groupe mauricien IBL et la National Bank of Canada (NBC), les deux principaux actionnaires à hauteur respectivement de 30,29 % et 20,52 %, et d’autres actionnaires moins importants, pour acquérir 74,5 % du capital d’AfrAsia Bank. On peut penser notamment à Intrasia Capital, un family office d’origine singapourienne détenteur de 9,53 %, et, bien sûr, à certains des petits porteurs dont font partie les salariés de la banque. À noter que la NBC n’a rien d’une banque centrale, comme son nom peut le laisser supposer, mais se trouve être la première banque du Québec.
Comme bien souvent, le montant de l’opération n’a pas été dévoilé, mais, au vu de la belle rentabilité de la banque d’affaires, sur une pente ascendante, on peut penser à un montant très confortable. Dans son dernier exercice, clôturé le 30 juin 2022, AfraAsia a réalisé un résultat net de 1,4 milliard de roupies (environ 30 millions d’euros). Pour sa part, le quotidien Le Mauricien a évoqué une somme de 3,5 milliards de roupies (environ 74 millions d’euros) pour les seuls 30,29 % détenus par IBL. Ce qui fera du cash à l’heure où le groupe mauricien investit en Afrique, mais aussi à La Réunion si la reprise des hypermarchés Run Market se confirme. Et comme chacun sait : « Cash si king. »
Ce rachat représente en tout cas une belle opportunité pour IBL dont la banque n’est pas le cœur de métier et qui n’entretenait pas d’excellentes relations, loin s’en faut, avec les Québécois. Le pari de lancer en 2007 une nouvelle banque sur un marché déjà fort encombré était risqué. Mais la stratégie consistant à viser une niche de marché et à déployer une forte activité à l’international, dans la banque privée et la gestion de patrimoine, a été payante. La « petite banque » a même réussi un gros coup en étant le principal sponsor du plus grand tournoi de golf de l’océan Indien, l’AfrAsia Bank Mauritius Open, qui profite de belles retombées médiatiques dans le monde entier (voir à ce sujet notre Journal du Golf).
L’autre enseignement de ce rachat, c’est la montée en puissance d’un groupe africain, Atlantic Financial Group, qui ne se cantonne plus à l’Afrique de l’Ouest. Maurice et Madagascar avaient déjà vu arriver le groupe marocain BCP. C’est maintenant un groupe ivoirien qui se développe dans l’océan Indien. En octobre 2020, Koné Dossongui avait déjà racheté 51 % de la Banque pour l’industrie et le commerce (BIC) aux Comores que détenait BNP Paribas. Son ambition est d’en faire une banque digitale pour assurer les transferts de fonds au sein de la communauté comorienne expatriée, notamment en région parisienne et à Marseille. Et il vient d’obtenir une licence bancaire à Madagascar.
« Une fenêtre de tir s’ouvre pour des entités comme la nôtre. AfrAsia, qui s’est développée sur le segment B, nous permettra d’accéder aux outils de trade finance au moment du développement de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca) », souligne Léon Koffi, vice-président d’Atlantic Group.
Maurice va en Afrique ou s’ef-force d’y aller sans toujours sa-voir comment s’y prendre, mais c’est aussi l’Afrique qui vient à Maurice.
Atlantic Financial Group : un groupe diversifié : Fondé en 2006 par l’homme d’affaires ivoirien Koné Dossongui, Atlantic Financial Group est très diversifié. Son cœur de métier est la banque et l’assurance, mais il évolue aussi dans l’agriculture (plantations d’hévéa, de palmier à huile, d’agrumes), dans l’agro-industrie (transformation de cacao en Côte d’Ivoire, pays qui pèse 40 % du volume mondial, et au Cameroun), dans l’hôtellerie et les télécoms. Le groupe détient au Cameroun une filiale technologique, dénommée DBS (Digital Business Solution), pour asseoir la digitalisation des services dans les secteurs de la banque et de l’assurance, et contribuer efficacement à l’inclusion financière. Koné Dossongui, parfois désigné sous le sobriquet de « Dangote ivoirien » – en référence au nigérian Aliko Dangote, magnat des affaires et surtout l’homme le plus riche d’Afrique avec une fortune estimée à 14 milliards de dollars – connaît déjà Maurice. Il y a créé la filiale AFG océan Indien, une holding qui loge, entre autres, la Banque pour l’industrie et le commerce (BIC) des Comores qu’il a rachetée en octobre 2020.