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Madagascar

AINA RAVELOSON, PRÉSIDENTE DE LA CONFÉDÉRATION DU TOURISME : « Les femmes peuvent évoluer sans complexe de genre »

Avec plusieurs cordes à son arc, Aina Raveloson s’est forgée une réputation de « leader ». La présidente de la Confédération du tourisme de Madagascar (CTM) retrace les chemins qu’elle a parcourus et partage son opinion sur les femmes dans le monde professionnel.

L’Éco austral : Qu’est-ce qui vous a décidé à passer du secteur public au secteur privé ?
Aina Raveloson
 : Après avoir décroché mon baccalauréat, je me suis envolée vers la France et les États-Unis pour poursuivre mes études. Revenue à Madagascar, j’ai décidé de consacrer ma vie au pays, en travaillant pendant environ quinze ans dans le secteur public. J’ai occupé plusieurs postes, d’abord au Sénat, puis au ministère des Finances. Ensuite, j’ai travaillé pendant treize ans pour le projet Pôles intégrés de croissance (PIC), qui est un projet du gouvernement financé par la Banque mondiale. Plus tard, j’ai décidé de basculer dans le secteur privé, avec comme ambition de contribuer à faire réaliser les investissements sur lesquels j’ai tellement travaillé dans le secteur public. Je me suis dit qu’il était temps pour moi d’être là où je pouvais avancer dans du concret. Ainsi, depuis cinq ans, je travaille pour le groupe privé malgache Talys, en étant sa directrice de développement. C’est à ce groupe, qui a spectaculairement évolué, qu’on doit par exemple l’implantation des hôtels Radisson à Madagascar. Je préside parallèlement depuis deux ans la Confédération du tourisme de Madagascar (CTM).

Vous êtes aussi vice-présidente du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM). De quelle manière les femmes sont-elles perçues et représentées dans ce groupement ?

Intégrer le bureau du GEM est d’un grand support puisque j’ai autour de moi des collaborateurs, des entrepreneurs et des collègues qui me soutiennent. Il faut savoir que c’est très important d’avoir confiance en soi quand on est une femme et qu’on évolue à ce niveau de responsabilité. Ce groupement est un exemple à suivre dans la promotion et la valorisation des femmes dirigeantes. Et cela peut être constaté dans les efforts de parité mis en œuvre dans la composition de son bureau. Je pense que le monde professionnel fait aujourd’hui de plus en plus de place aux femmes. Et il y a vraiment la possibilité pour les femmes d’évoluer sans qu’il y ait un complexe de genre. Il m’a toutefois fallu travailler sans relâche. Cette persévérance m’a permis de me faire une place et d’être respectée.

« La persévérance m’a permis de me faire une place et d’être respectée. » © 2424.mg

Comment gérez-vous vos responsabilités dans le monde professionnel ?

C’est plus compliqué pour moi qui suis une femme. Déjà, nous, les femmes, avons des obligations à gérer dans notre vie privée. Dans le milieu professionnel, les gens attendent également que nous fassions nos preuves. J’ai dû donc redoubler d’efforts pour prouver la valeur de mes performances. C’est ce que je me suis efforcée de faire, face aux préjugés que j’ai dû affronter, notamment dans le secteur public qui est un univers assez machiste. Il m’a également fallu parvenir à éviter les prédateurs. C’est un risque auquel les femmes peuvent être exposées. J’ai moi-même été déjà victime de harcèlement.

Comment peut-on mieux contribuer aux réussites entrepreneuriales féminines dans une société où le patriarcat peut être dominant ?

Le contexte à Madagascar est un peu paradoxal. Nous avons des générations ou des régions conservatrices et patriarcales. Et il y a, d’autre part, des milieux plus professionnels et plus cosmopolites où les femmes occupent des postes à grandes responsabilités. En ce qui me concerne, j’ai évolué depuis mon enfance dans un milieu très masculin. Ce qui forge forcément le caractère. Ne pas se laisser troubler par l’environnement et tracer sa route devraient être le credo de chaque femme. Elle doit savoir démontrer la valeur de ses qualités professionnelles. J’affirme qu’une femme entrepreneure, dirigeante ou leader est une guerrière. Les femmes ont d’ailleurs beaucoup d’atouts, à commencer par leur persévérance. Et il y a le fait qu’elles peuvent être multitâches et prévoyantes. Ce sont autant de qualités qui sont très utiles pour être un bon manager.

Mais comment inspirer les femmes et les amener à s’affirmer et à devenir des leaders dans leur domaine ?

La plupart des femmes manquent effectivement de confiance en elles et nous devons travailler pour les aider. Elles peuvent être inspirées par des femmes qui ont réussi dans la vie et se rendre compte que c’est possible. Oui, elles doivent réaliser que c’est possible d’avoir des enfants qui réussissent, d’avoir un mari heureux et d’avoir un travail qui avance bien en même temps. Je ne suis pas activiste dans la cause féminine car j’estime que peu importe le sexe de la personne, c’est la performance dans le travail qui compte. Je suis toutefois engagée dans le soutien aux femmes pour qu’elles puissent gagner la confiance en elles et se développer personnellement, que ce soit en tant que femmes professionnelles ou en tant que mères de famille, entre autres. En tout cas, c’est vraiment important pour moi que les femmes aient les mêmes chances que les hommes de réussir dans la vie.

Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur et dans lesquels vous êtes impliquée aujourd’hui ?

Ce qui me tient à cœur dans ce contexte post-crise covid, c’est de travailler pour que le tourisme puisse vraiment regagner sa place. C’est un secteur qui fait vivre directement et indirectement près de 300 000 familles dans le pays et qui peut contribuer jusqu’à 15 % du PIB. C’est également un secteur économiquement stratégique. Le projet que j’essaie de porter, que ce soit auprès du gouvernement ou dans les discussions avec les partenaires techniques et financiers du pays, c’est de remettre en place le contexte favorable à la relance du tourisme. Ceci amène à considérer plusieurs points dont, entre autres, les routes, les lignes aériennes, la sécurité et la formation des jeunes.

Les missions de la Confédération du tourisme de Madagascar : Dirigée par Lova Ratovomalala (un homme) et présidée par Aina Raveloson, la Confédération du tourisme de Madagascar (CTM) est une institution influente, proactive et innovante, représentative du secteur privé. Elle se veut le « fer de lance de l’économie touristique » dans la Grande Île et s’est fixée plusieurs grandes missions : Lobbying auprès des institutions : Lobbying auprès des institutions, de l’administration et des autorités de régulation pour un environnement des affaires favorable au tourisme. Participation au dialogue public-privé et sa facilitation : Participation au dialogue pour une visibilité et une reconnaissance des opérateurs touristiques et de leur contribution au développement économique et social. Facilitation de ce dialogue pour rapprocher les métiers, discuter et mettre en place des solutions communes répondant aux intérêts d’une majorité de membres. Information des membres sur l’actualité du secteur : Notamment les informations touchant au climat des affaires et des investissements et les grandes tendances du marché (offre et demande), mais aussi celle concernant l’insécurité, les catastrophes naturelles et les épidémies. Renforcement des capacités : Renforcement des capacités par une communication efficace vers les publics prioritaires (dont le secteur public), l’augmentation du nombre d’adhérents pour une représentativité optimale, la gouvernance pour asseoir une crédibilité, la recherche de partenariats et la mobilisation des membres dans les activités.