Alioune Guèye ou le management à vocation africaine
Le Maroc, tout comme Maurice, affiche ses ambitions sur les marchés africains. Le Franco-Sénégalais Alioune Guèye, basé à Casablanca, estime que l’Afrique a des atouts dont principalement ses valeurs socioculturelles.
« Dans nos sociétés, on ne peut pas dire non à son père. Aussi, comme je savais qu’il ne voudrait pas que je crée mon entreprise, je l’ai mis devant le fait accompli en la créant, puis en l’informant après coup. » C’est par ce biais qu’Alioune Guèye entame sa carrière d’entrepreneur. Invité à la seconde édition de l’African Business & Social Responsibility Forum, qui s’est tenue à Maurice les 26 et 27 février, il est vrai que peu de choses destinaient ce docteur en sciences de gestion de la Sorbonne (Paris-I) à devenir le P-DG du groupe Afrique Challenge. Cette entreprise gère un portefeuille de 1 926 entreprises du Maroc à Madagascar et du Sénégal à Djibouti. Elle compte 24 salariés et une trentaine d’experts vacatai res. Son dernier chiffre d’affaires atteint pas moins de 22 millions de dirhams (2 millions d’euros).
Passion pour le management
Si Alioune Guèye est né à Paris, d’un père sénégalais et d’une maman bretonne (et enseignante), il a fréquenté les principales institutions catholique de Dakar. « J’ai grandi parmi des expatriés et une diaspora subsaharienne cosmopolite. N’oubliez pas que Dakar est le Quartier latin de l’Afrique de l’Ouest », rappelle, jovial, ce grand gaillard d’1 mètre 80. Il était destiné à une carrière de professeur, voire de diplomate, selon les vœux de son père, officier de marine. Mais jeune diplômé, il répond, en 1997, « par hasard », à une annonce du groupe marocain Réso Éducation, propriétaire de huit écoles privées de management.
À peine débarqué, le jeune métis est surpris « non seulement par le niveau des infrastructures – l’aéroport de Casa est aux portes de l’Afrique et de l’Europe – mais surtout par une nouvelle génération de dirigeants ambitieux et décomplexés. Entré comme enseignant, j’en suis devenu le directeur général. Surtout, je me suis pris d’une véritable passion pour le management. » À 27 ans, le jeune homme crée en 1999 Afrique Challenge, entreprise spécialisée dans le conseil aux dirigeants. Car si l’influence occidentale est très présente dans le royaume chérifien, « le copié/collé managérial, surtout anglo-saxon, est inopérant car il ne tient pas compte de nos réalités socioculturelles. Même si certains Marocains ont du mal à l’admettre, ils sont avant tout des Africains : la figure du chef est encore très prégnante ».
Cap sur l’Afrique 2.0
Le bouche à oreille – « le téléphone arabe », lance-t-il en riant – et surtout le réseau, fonctionnent à plein. Face aux demandes, l’universitaire devient un « serial entrepreneur ». Il étoffe son offre et ses filiales : Priorité Formation qui vise le « middle management » du privé et du public, Hyppocrate Training Center dédié à la maîtrise des dépenses de santé des organisations, ou encore Afrique Events qui organise des missions export pour dynamiser les échanges intra-africains.
« Nous accompagnons les investisseurs pour la mise en œuvre de projets. » Enfin, comme les dirigeants n’ont par définition pas le temps, il fonde Afrique Challenge Edition, éditeur d’African Business Journal, une revue trimestrielle qui traite des études de cas d’entreprise.
« Si le XXIème siècle sera probablement le siècle de l’Afrique, son défi est de créer chaque année 29 millions d’emplois. Bien sûr, ce continent doit s’appuyer sur les nouvelles technologies, mais cette Afrique 2.0 doit surtout se nourrir de ses valeurs culturelles », résume celui qui est classé parmi les 100 personnalités africaines les plus influentes en 2017, selon New African Magazine du groupe tunisien IC Publications.