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Monde

BAROMÈTRE RISQUES PAYS ET SECTORIELS COFACE : Illusions perdues et grandes

Forte de 75 ans d’expérience, la Coface est spécialisée dans l’assurance-crédit et la gestion des risques. Son baromètre risques pays et sectoriels du 8 juin 2023 indique des perspectives plutôt ternes pour 2023. Mais le spectre de la récession semble s’éloigner, à l’exception de l’Allemagne, principale victime collatérale du conflit en Ukraine.

Après un début en fanfare, 2023 ne devrait pas être l’année à laquelle les observateurs s’attendaient. La première moitié de l’année a permis de renforcer certaines des convictions de la Coface : non, l’inflation ne reviendra pas spontanément et sans douleur à sa cible dans les pays développés (2 %) ; non, les banques centrales ne « pivoteront » pas d’ici la fin de l’année ; non, la seule levée des restrictions sanitaires ne permettra pas à la Chine de jouer un rôle de moteur pour l’économie mondiale. Deux éléments essentiels que le marché avait perdu de vue sont également revenus sur le devant de la scène : l’accès à une énergie abondante et bon marché demeure central dans le fonctionnement du système économique mondial, et la politique monétaire a plus d’effets directs sur la valorisation des actifs et la stabilité financière que sur les prix à la consommation.

Résilience confirmée pour l’économie mondiale

Les perspectives économiques demeurent étroitement liées à l’évolution de l’inflation et à la réponse des banques centrales, et les prévisions de la Coface sujettes à de nombreux aléas baissiers, au premier rang desquels figurent l’offre d’énergie et de crédit.

Les chiffres de croissance du début d’année dans les principales économies ont confirmé que le spectre de la récession s’était éloigné pour l’instant (à l’exception de l’Allemagne). Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord l’Europe a su éviter la rupture de ses approvisionnements énergétiques. Ensuite, la résilience est venue d’un sursaut de la consommation en Amérique du Nord et en Chine. Enfin, les économies émergentes ont également confirmé leur bonne tenue. Tout cela a amené la Coface à revoir à la hausse sa prévision de croissance pour l’économie mondiale en 2023 qui s’établit désormais à 2,2 %.

Ces différents éléments trouvent un prolongement dans ses évaluations pays avec 13 reclassements, ceux-ci concernant surtout des pays émergents. Sept des 13 reclassements sectoriels concernent les transports, qui bénéficient de la reprise du tourisme et de l’apaisement des tensions sur les chaînes d’approvisionnement.

Les perspectives économiques demeurent néanmoins ternes pour 2023 et au-delà, en particulier dans les économies avancées.

La prévision de 2,3 % de croissance pour 2024 indique que la croissance mondiale ne devrait pas rebondir significativement. La quasi-stagnation de l’économie mondiale est en effet appelée à se prolonger, avec une persistance de la faiblesse aux États-Unis, une timide reprise européenne et une croissance chinoise en deçà de ses standards d’avant-pandémie.

L’inflation baisse, mais n’est pas vaincue

Dans la liste des principaux risques pour les mois à venir, celui d’une inflation persistante occupe une place de choix. Le recul « mécanique » de l’inflation au premier semestre s’est confirmé, les répercussions du conflit en Ukraine sur les prix de l’énergie s’estompant dans la plupart des économies. En revanche, les signaux d’une inflation plus durable se sont aussi confirmés avec une inflation sous-jacente stabilisée à des niveaux élevés en zone euro, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Un regain des tensions inflationnistes est par ailleurs toujours possible. La reprise chinoise n’a pas encore pris toute sa mesure et devrait exercer des pressions sur l’approvisionnement gazier. De son côté, le marché pétrolier est plus tendu après les annonces de réduction de production de l’OPEP+. L’organisation a ainsi retiré du marché l’équivalent de 3,7 % de la demande mondiale. Pour l’heure, la Coface maintient sa prévision d’un prix autour de 90 USD/baril en moyenne annuelle.

Outre les prix de l’énergie, les matières premières agricoles sont également à surveiller. Alors que la baisse des derniers mois n’a pas nécessairement été répercutée sur les prix à la consommation, de nouveaux risques haussiers se dessinent déjà. Au-delà du conflit russo-ukrainien qui continuera d’exercer des pressions, le phénomène météorologique El Niño pourrait influencer la production et les prix en 2023- 2024 avec des températures plus chaudes et des déficits hydriques dans certaines parties du monde.

Les effets sur l’inflation du resserrement monétaire passé sont encore largement attendus, particulièrement sur l’évolution des prix des services. Ceux-ci continuent de progresser avec des niveaux peu compatibles avec les cibles d’inflation à 2 %. Néanmoins, certaines des principales banques centrales ont décidé de faire une pause dans les hausses de taux, à commencer par la Banque du Canada, la Reserve Bank of Australia et, probablement, la FED.

Les turbulences du secteur bancaire peuvent susciter des préoccupations quant à un resserrement du crédit, déjà perceptible. Le ralentissement des nouveaux prêts aux ménages et aux entreprises, qui tire à la baisse la demande, l’activité économique et donc in fine l’inflation, plaide également pour une attitude prudente de la part des banques centrales. Les entreprises seront de fait confrontées dans les mois à venir à un environnement adverse de renchérissement et de durcissement des conditions d’octroi de crédit, tout en faisant face à une
demande domestique atone. De plus, après avoir vu, dans l’ensemble, leurs marges progresser en 2022, les entreprises verront vraisemblablement leur profitabilité opérationnelle décliner sous les effets conjugués d’une baisse progressive de l’inflation sous-jacente
et de la hausse des coûts salariaux unitaires.

Les économies émergentes tirent la croissance

L’augmentation marquée des défaillances d’entreprises depuis le début de l’année dans la majorité des économies avancées devrait se poursuivre, voire s’amplifier, au cours des prochains mois.

Les économies émergentes continueront de tirer la croissance mondiale, mais des poches de vulnérabilité persistent. Si les économies avancées verront leur croissance diminuer en 2024, les pays émergents devraient accélérer, avec une croissance de 3,9 %, soit la plus forte depuis 2018. Le principal facteur sera la reprise progressive de l’économie chinoise, qui profitera aux producteurs de matières premières. Le second facteur est la pause dans le cycle de resserrement monétaire de la FED.

La Coface procède de ce fait au reclassement de pays exportateurs d’énergie comme l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Nigéria et le Kazakhstan. En parallèle, la Malaisie et les Philippines, qui bénéficieront de l’afflux de touristes chinois, retrouvent leurs évaluations d’avant-pandémie. Il convient toutefois de souligner que le resserrement des conditions de financement au niveau mondial a plongé bon nombre de pays en risque de défaut de paiement. L’Égypte avait ainsi été déclassée en 2022, et le Ghana en février dernier. Dans cette même logique, la Coface a procédé, au premier trimestre 2023, au déclassement du Kenya et de la Bolivie.