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Maurice

Clarel Michaud : « Je vois plus de concurrence que de complémentarité entre les ports de la région »

Ce professionnel de la logistique, à la tête de son entreprise Mc Easy Freight et qui représente aussi l’Américain Expeditors, dispose d’une longue expérience qui lui permet de prendre du recul et d’analyser la situation portuaire.

L’Eco austral : Port-Louis peut-il devenir un grand port de transbordement sur la région océan Indien ?

Clarel Michaud, CEO de MC Easy Freight : Port-Louis possède actuellement toute l’infrastructure pour rivaliser avec les autres ports de la région. Le tirant d’eau de ses quais, de 14 mètres actuellement, est le plus profond des îles de l’océan Indien. En comparaison, le port de Tamatave a une profondeur de 12 mètres. Mais il existe une forte concurrence entre les ports des îles de l’océan Indien pour avoir des parts du marché du transbordement et il existe aussi d’autres « hub » qui se situent aux contours de l’océan Indien, notamment Salaalah dans le sultanat d’Oman, Durban en Afrique du Sud et Djibouti. D’ailleurs, la compagnie maritime Maersk a récemment délaissé Port-Louis pour Salaalah. Ce port du sultanat d’Oman a transbordé deux millions de conteneurs équivalent vingt pieds l’année dernière, ce qui vous donne une idée de sa force de frappe comparée à celle de Port-Louis. De lourds investissements sont entrepris par le gouvernement mauricien pour que Port-Louis maintienne ses points forts par rapport aux autres ports de l’océan Indien. Cependant, le port de Tamatave ne veut pas se laisser distancer. Selon la presse malgache, en mai 2014, l’ambassadeur du Japon à Madagascar, Ryuhei Hosoya, a annoncé que des études portant sur l’extension du port seront à nouveau initiées. Il y a cinq ans, des fonds de 290 millions de dollars américains étaient requis pour mener à terme ce projet.

Port-Louis peut-il faire la différence ?

Il existe deux zones d’ombre pour le port de l’île Maurice. Sa productivité, c’est-à-dire le nombre de mouvements des portiques par heure, est inférieure à celle de Tamatave. L’entrée d’un éventuel partenaire stratégique privé dans le capital de la Cargo Handling Corporation Ltd, organisme chargé de la manutention des conteneurs, pourrait avoir une incidence positive sur la productivité. D’autre part, Port-Louis dépend d’un nombre restreint de compagnies maritimes, ce qui réduit sa capacité de négociation. Cette faiblesse relative risque de s’accentuer dans les mois à venir car les deux plus grosses lignes maritimes qui desservent l’île Maurice – Maersk et MSC (Mediterranean Shipping Company) – projettent d’opérer au sein d’une alliance, la 2M. Ces deux armateurs contrôlent annuellement plus de 70% du marché des conteneurs entrant et sortant de Port Louis. Si cette alliance se concrétise, le nombre de compagnies maritimes en concurrence faisant escale à Port-Louis va encore diminuer. Les autorités portuaires de l’île Maurice se doivent de faire le maximum d’efforts pour attirer de nouvelles compagnies maritimes et ainsi faire jouer pleinement la concurrence au niveau des tarifs de fret.

Sommes-nous seulement dans la concurrence entre les ports de la région ou existe-t-il des complémentarités ?

Il est difficile de parler de complémentarité pour deux principales raisons. D’abord, la concurrence va primer sur toute complémentarité afin de pouvoir attirer le marché du transbordement de conteneurs. Plus un port reçoit de boîtes d’une compagnie maritime et plus il réalise des économies d’échelle et peut ainsi proposer des tarifs de manutention plus compétitifs. L’autre facteur qui empêche la complémentarité est la différence de modèle économique. Le port de Tamatave, à Madagascar, est géré par un partenariat public-privé qui a été établi depuis juin 2005 entre l’opérateur portuaire des Philippines ICTSI (International Container Terminal Services) et la Société de gestion du port autonome de Toamasina (SPAT) pour une période de vingt ans. ICTSI a pour objectif d’identifier et de développer des opportunités d’investissement profitables, c’est inscrit dans sa « mission statement », la raison d’être de cette entreprise. Maximiser le retour sur investissement est une de ses priorités, comme toutes les entreprises privées d’ailleurs. Le port de La Réunion est désormais géré par une entité sous contrôle de l’État comme c’est le cas du port de Maurice. Leur vision n’est donc pas forcément la même, de même que leur flexibilité et leur capacité à s’adapter au changement. L’absence d’une compagnie de cabotage inter-îles, dans laquelle les différents pays pourraient s’associer, constitue aussi un obstacle à la coopération et donc à la complémentarité entre les différents ports de l’océan Indien.