Climatisation marine : les travaux démarrent enfin
Le SWAC (Sea Water Air Conditioning), ou climatisation marine en français, est l’un des volets les plus porteurs de l’économie bleue car il permet de développer des activités annexes à forte valeur ajoutée. Mais nous n’en sommes encore qu’aux préliminaires.
S’inspirant du modèle hawaïen, le projet Deep Ocean Water Application (Dowa), porté par le groupe Sotravic, consiste à capter de l’eau de mer à 1 100 mètre de fond depuis une station de pompage à terre, à Bain-des-Dames (près de Port-Louis). L’eau à 5°C est maintenue dans un circuit fermé et acheminée vers de grands immeubles de la capitale mauricienne pour les climatiser. Dans un premier temps, un total de 22 bâtiments a été identifié : Assemblée nationale, bureau du Premier ministre, Banque de Maurice, Air Mauritius, Mauritius Telecom, State Bank of Mauritius, Mauritius Commercial Bank, Caudan Waterfront…Les négociations sont en cours. Mais il semble bien que la situation se soit débloquée alors que le dossier a pris beaucoup de retard. La construction de la station de pompage doit démarrer et le début des opérations est programmé pour fin 2018 « si tout se passe comme prévu », tempère Philippe Ong-Seng, le CEO d’Urban Cooling, la filiale de Sotravic qui met en œuvre le projet.
Le bon modèle d’Hawaï
Dowa permet d’enlever 13 MW de la facture énergétique nationale, une économie de 45 millions de roupies (un peu plus d’un million d’euros) et 51 000 tonnes de CO2 en moins par an. Sotravic prévoit des investissements de 2,5 milliards de roupies (62,5 millions d’euros) pour ce projet qui intéresse la Banque africaine de développement (BAD). Une délégation de ce bailleur de fond est venue en février dernier à Maurice pour discuter de son financement. « Elle n’a pas encore arrêté le montant de son apport », précise Philippe Ong-Seng, ancien secrétaire financier auprès de l’État (haut fonctionnaire chargé des finances), qui a ses entrées dans les principales institutions financières internationales comme la BAD et la Banque mondiale.
Le projet Dowa est d’ailleurs doublement intéressant puisqu’il ouvre des perspectives d’activités annexes à travers l’exploitation de l’eau de grande profondeur après qu’elle a servi à la climatisation. En anglais, on parle d’« upstream » pour la climatisation et de « downstream » pour le réseau secondaire. En fait, au lieu de rejeter l’eau à la mer après usage pour la climatisation, il s’agit de la distribuer à des entreprises dans divers domaines d’activité : aquaculture, thalassothérapie, mise en bouteille après osmose inverse, produits cosmétiques… C’est que cette eau de grande profondeur, indemne de toute pollution depuis des milliers d’années, a de grandes propriétés. Pour l’aquaculture, l’avantage est de pouvoir alimenter des bassins hors mer, ce qui élimine tout risque requin.
Pionnier dans le Swac et le développement d’un réseau secondaire, Hawaï est un bon modèle. Cet État américain produit et distribue quotidiennement 800 000 bouteilles à l’export, vendues à 4,5 dollars la bouteille de 1,5 litre et à 2 dollars la bouteille de 50 cl.
« La partie ‘downstream’ est toujours d’actualité. Cette partie du projet va créer beaucoup d’emplois, d’investissements et de valeur ajoutée. Toutefois, si des emplois vont être créés durant la construction, il est trop tôt pour parler du montant des investissements pour le ‘downstream’. Comme il s’agit de nouvelles filières, chacune d’entre elles aura son propre Business Plan. Et pour chacune des activités, nous ferons appel à des spécialistes », tient à souligner Philippe Ong-Seng.
Pour la thalassothérapie, Urban Cooling pense ainsi s’associer au groupe mauricien Eclosia qui gère deux établissements hôteliers au Caudan, le Labourdonnais et le Suffren. « Pour le projet d’aquarium d’Eclosia, Dowa pourrait fournir de l’eau. Comme notre pipeline sera très proche de l’aquarium, Eclosia n’aura pas à mettre en place des installations coûteuses pour s’approvisionner en eau de mer. Et bien sûr, le bâtiment de l’aquarium pourrait également être refroidi par le Swac. Ce serait une situation gagnant-gagnant », assure le CEO d’Urban Cooling.