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« Cœur de Ville de La Possession » ou La Réunion de demain

Écoquartier, Smart City, maillage de logements résidentiels, de commerces et de bureaux, le projet Cœur de Ville de La Possession n’est pas seulement ambitieux, il dessine les contours de la ville réunionnaise de demain. Plongée au cœur d’un chantier innovant sur la forme comme sur le fond.

La Possession est ce qu’on appelle une ville-dortoir avec 32 000 habitants mais très peu d’activité économique et pas de véritable centre-ville. Paradoxalement, ce constat est presque une chance lorsqu’on s’attelle à un projet de l’envergure de Cœur de Ville de La Possession. En partant d’une feuille blanche, les parties prenantes ont pu imaginer et concevoir ce qui préfigure la ville réunionnaise de demain. « C’est une magnifique aventure, annonce en préambule Joël Personné, directeur général de la Semader. Elle est portée par la collectivité avec un très haut niveau d’engagement et d’exigence. Il n’y a pas de grands projets sans grandes ambitions. » 
Cette ambition, elle semble partagée par l’ensemble des acteurs qui, avant même le premier coup de pioche ou le premier coup de crayon, avaient déjà innové. « Nous avons vécu une mutation majeure du métier de l’aménagement sans nous en rendre compte », confie Joël Personné. Traditionnellement, ce type de projet se construit autour du triptyque, dans l’ordre : collectivité, aménageur, promoteur. Pour le Cœur de Ville, un groupement public-privé a été imaginé dès la genèse avec notamment la création de la société Immobilière Cœur de Ville (ICV), composée de la Semader, d’Opale et du groupe Chatel. 
« Cette dynamique partenariale a permis d’avancer de concert. L’aménageur conçoit le futur espace public pendant que le promoteur travaille en cœur d’îlot. On gagne en cohérence, en rapidité et on fait des économies », explique Estelle Techer, directrice de projet au sein de la Semader, à la fois aménageur, co-promoteur et bailleur social. Avec une concession obtenue en 2013, une première pierre posée en 2015 et des premiers locataires dès 2017, force est de reconnaître que le Cœur de Ville bat vite. Mais, au-delà de la vitesse, « l’enjeu n’est plus de simplement livrer une voirie à un promoteur mais de se poser les questions en amont, tous ensemble, pour construire une ville qui répondent aux besoins des usagers », complète Joël Personné.
 

De g. à dr., Jacques Tanguy, président de Immobilière Cœur de Ville (ICV) ; Sébastien Dumesgnil, président d’Opale ; Vanessa Miranville, maire de La Possession ; Vincent Le Baliner, dirigeant d’Inovista ; Estelle Techer, directrice du projet Coeur de ville.  Guillaume Foulon
 

La technologie n’est pas une finalité

Plus de 5 000 habitants d’ici 2025, 1 700 logements, 6 000 m² de commerces, 5 000 m² de bureaux, 10 000 m² d’équipements publics et 350 millions d’euros d’investissement, les chiffres de Cœur de Ville sont parlants. Ce n’est pourtant pas l’essentiel. « Notre plus grand défi est de mettre le citoyen au cœur de la démarche, de créer du lien et de faire en sorte que les habitants s’approprient le quartier », assure Estelle Techer, évoquant des projets avec les scolaires, des consultations publiques ou encore des discussions avec les actuels commerçants.
Déjà labellisé écoquartier, le Cœur de Ville se veut aussi la première Smart City d’Outre-mer. « La technologie n’est pas une finalité, précise la directrice de projet, elle est un outil au service de l’humain et du vivre-ensemble ». Capteurs de suivi énergétique, parking intelligents, jardins partagés et connectés, e-conciergerie, e-commerce, la Smart City sert l’écoquartier. « L’approche est plurielle et les exigences élevées pour construire une ville qui soit adaptée aux caractéristiques de La Réunion d’aujourd’hui », glisse Catherine Payet, directrice de l’agence Stratégies & Territoires et chargée de la communication autour du projet.
Une ville adaptée aux problématiques d’aujourd’hui, c’est nécessairement une ville green. « Pour avoir des espaces verts, 11 hectares sur les 34 du quartier, il faut monter en hauteur et c’est le choix que nous avons fait, assure Estelle Techer. Il faut également une gestion particulière de la voiture en privilégiant les modes de déplacements doux, via la proximité. Afin que le stationnement n’occupe pas l’espace public, nous avons imaginé le plus grand parking mutualisé de l’île ». Pourquoi mutualisé ? Parce que des populations différentes feront vivre le quartier. Des professionnels la journée, des habitants le soir et le week-end et des commerçants qui profitent d’une vraie zone de chalandise. La commercialisation des espaces de la Kanopée (voir notre encadré), le centre commercial à ciel ouvert, vient tout juste de débuter et, là aussi, « le cahier des charges est exigeant pour privilégier des commerces adaptés à notre vision de ce quartier », précise Catherine Payet.
 

Le centre commercial « La Kanopée », en cours de construction, veut redynamiser le coeur de ville de La Possession et ramener le commerce au centre de la ville.  DR
 

Le pari était de réussir l’accession à la propriété

La mixité voulue au sein du quartier se retrouve aussi dans le profil des futurs habitants. « Cette idée de foisonnement est importante pour nous, explique Estelle Techer. Seront construits des logements pour tous les types de familles. » Logement social, en PSLA (Prêt social location-accession) ou en libre, « nous avons réfléchi à la proportionnalité dans un soucis de mixité », précise-t-elle. Un dénominateur commun toutefois : des logements en résidence principale. « Pour créer une véritable vie de quartier et susciter l’envie de s’intégrer et s’impliquer, il faut privilégier la résidence principale », explique Catherine Payet. 
L’accent a également été mis sur l’accès à la propriété. Directeur général de Néovarim, Pierre-Yves Cuinet est chargé de la commercialisation des logements. Il explique : « Le pari était de réussir l’accession à la propriété des Réunionnais, en résidence principale mais également en investissement locatif. Dans le neuf, le schéma est bien différent de ce qui se faisait avant 2008. C’est pourquoi nous avons entièrement revu les prix et les conditions avant de lancer la commercialisation en septembre 2016. Nos logements s’adressent à des gens qui travaillent, ne sont pas endettés et veulent devenir propriétaires. »
La ville réunionnaise de demain commence peut-être par là. Une ville centrée sur son cœur, où l’on habite par choix et qui regroupe l’ensemble des services de proximité utiles. « C’est un projet dont nous devrons, je pense, tirer des enseignements », conclut modestement Joël Personné. Premier bilan en 2022 avec la fin de la deuxième tranche de travaux et rendez-vous en 2025 pour voir, de visu, si le Cœur de Ville doit inspirer l’immobilier réunionnais de demain. 

COMMERCIALISATION DES ESPACES DU CENTRE COMMERCIAL À CIEL OUVERT
Pour le projet Cœur de Ville, ce mois d’avril 2018 a coïncidé avec le lan-cement de la commercialisation des espaces commerciaux de la Kanopée, la deuxième tranche de travaux couvrant la période 2018- 2022. Au total, ce sont 3 000 m² de commerces répartis en 32 cellules, ainsi qu’une moyenne surface alimentaire de 2 500 m², qui doivent trouver preneurs entre juillet et septembre. Le loyer moyen est de 30 €/m², « un prix bien inférieur à ce qui se pratique dans les autres centre-commerciaux car nous souhaitons attirer de nouvelles enseignes », assure Vincent Le Baliner, gérant d’Inovista, société chargée de la com-mercialisation. Des espaces commerciaux rassemblés au sein d’un centre-commercial d’un nouveau genre puisque à ciel ouvert et en cen-tre-ville. « Cette tendance forte du retour vers plus de proximité et l’avènement d’une reconquête du commerce en centre-ville témoignent d’une évolution observée au plan national. Les populations urbaines souhaitent désormais allier commerce avec loisir, détente et flânerie », explique Vincent Le Baliner. Autre innovation, les activités des 32 cellules ont déjà été définies, ne reste plus qu’à trouver le commerçant. « Le fait d’avoir anticipé a permis d’adapter l’espace à la future activité. Ainsi, chaque restaurant aura par exemple sa terrasse. »