Des contribuables français pris au piège du dispositif girardin industriel
Poursuivis par le Fisc suite à des investissements réalisés dans le photovoltaïque à La Réunion, ils sont victimes d’un véritable imbroglio administratif. Un dossier qui entretient un sentiment d’insécurité en matière de défiscalisation.
Environ 10 000 contribuables (pour un montant de 60 millions d’euros) avait, en vue de défiscaliser sous l’empire du dispositif Girardin Industriel, confié leur argent à un important collecteur de fonds pour le compte d’un installateur de matériel photovoltaïque dans l’île. Ces investisseurs, en échange de leur investissement, bénéficiaient d’une réduction d’impôt représentant un pourcentage significatif de la somme investie. Or, il en est allé autrement pour ces contribuables. Ils ont dans un premier temps été rappelés par l’administration fiscale en 2009 qui leur signifiait que, les investissements photovoltaïques n’ayant pas été réalisés physiquement avant le 31 décembre 2008, il ne leur était pas possible de bénéficier du crédit d’impôt au titre de cette année là. En réalité, les panneaux avaient été installés, mais ils n’ont pas été raccordés au réseau EDF avant la date du 31 décembre 2008, l’électricien public ayant tardé à donner ses agréments.
Toujours au titre de l’année 2009, ils ont reçu en 2012 une lettre du Fisc les informant que le prix de construction des centrales photovoltaïques aurait été surfacturé de 100% ; ainsi, le crédit d’impôt accordé n’aurait dû prendre en compte que la moitié des montants investis. Le caractère intransigeant de Bercy transparaît dans la réponse que formule le ministre Moscovici en date du 7 mai 2013 à Mme Huguette Bello, députée de la Réunion : « Les investissements ont été réalisés une ou deux années après la date d’octroi de l’avantage fiscal et sur une base manifestement surévaluée, augmentant indûment cet avantage. » Le ministre précise malgré tout que dans la mesure où les contribuables sont de bonne foi, il est prêt à leur accorder « une réduction des pénalités ».
EDF serait également mise en cause pour son attitude ambiguë. Au début des montages Girardin, le groupe était censé racheter l’électricité solaire à 42 centimes/kwh. Le prix était évidemment plus élevé que ce que l’intérêt économique d’EDF commandait, mais cela était nécessaire dans le cadre de la transition énergétique souhaitée par tous les gouvernements successifs. Mais en octobre 2010, machine arrière toute, le photovoltaïque a été exclu par Bercy du champ des investissements éligibles au Girardin Industriel. Dans la foulée, EDF a procédé à un moratoire sur l’agrément des installations qui avaient été lancées auparavant, avant finalement de lever ledit moratoire et de fixer le prix d’achat, à la baisse, à 12 centimes/kwh.
Une affaire emblématique de la défiscalisation Outre-Mer
Cette attitude pousse naturellement les investisseurs à dénoncer une collusion d’intérêts entre l’État et l’électricien sur leur dos.
En réalité, cette affaire est emblématique de la défiscalisation Outre-mer. L’État a recours aux contribuables pour faire tourner l’économie dans les DOM avant de sanctionner lesdits contribuables pour, comme au cas d’espèce, des détails de date d’investissements. Cette insécurité chronique aboutit à décourager les investisseurs d’investir dans les DOM. Pour taxer toujours plus et financer son niveau de vie démentiel et donc abolir les « niches fiscales », l’État se cachera derrière quelques cas de fraude, pour tant isolés, pour, petit à petit, revenir sur les dispositifs de défiscalisation qui sont pourtant gagnant-gagnant pour les contribuables et les DOM. Les mécanismes de défiscalisation ont joué un rôle considérable dans le développement des DOM ces vingt dernières années. Ce rôle a été d’autant plus positif que nombre de contri bua bles domiens ont ainsi investi pour le développement de leur territoire. Vu de la Métropole, on a tendance à penser que les contribuables investisseurs sont nécessairement métropolitains, c’est complètement faux, le dispositif Girardin a, par exemple, permis à nombre de chefs d’entreprise des DOM d’investir dans leur propres entreprises. Il est donc regrettable de voir ces dispositifs remis en cause petit à petit et de constater que le gouvernement fait systématiquement machine arrière. Que le gouvernement comprenne un peu mieux les enjeux, qu’il fasse voter les lois adéquates une bonne fois pour toute et qu’il nous fiche la paix !
Titulaire d'un DJCE-DESS de droit des affaires et fiscalité (Université de Caen), cet avocat au Barreau de Paris est également diplômé des universités anglaises de Bristol et de Southampton (LLM). Guillaume Marguet a d'abord exercé au sein du cabinet Fidal, ainsi que dans le bureau parisien d'un cabinet anglais, avant de rejoindre La Réunion où il a exercé pendant trois ans au Barreau de Saint-Pierre aux côtés de Valérie Millancourt. Il exerce actuellement de nouveau à Paris, en qualité d'associé du cabinet Richelieu Avocats où il conseille des entreprises françaises et étrangères en droit des sociétés et fiscalité, tout en gardant un intérêt particulier pour La Réunion.