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Réunion

Didier Robert, président de la Région Réunion : « Les chiffres de 2017 dévoilent le nouveau visage du tourisme réunionnais »

Les données collectées par l’Observatoire régional du tourisme montrent que la barre des 500 000 touristes a été franchie en 2017 avec 507 563 arrivées. Un résultat historique. Le président de la Région Réunion s’en explique…

On constate en 2017 une spectaculaire progression des arrivées touristiques de 10,8 % par rapport à 2016, supérieure à la croissance mondiale du secteur qui, selon l’Organisation mondiale du tourisme, se situe dans les 7 %. Est-ce qu’on peut dire que La Réunion prend enfin le tourisme au sérieux ?
Didier Robert
: Les résultats que vous évoquez sont inédits, ils n’ont jamais été atteints dans l’histoire du tourisme à La Réunion. Ils sont clairement le fruit d’une stratégie multiple dont je veux rappeler qu’elle a consisté dès 2010, pour la Région, à placer le secteur du tourisme au cœur de l’économie réunionnaise. La collectivité, en tant que chef de file du développement économique et touristique, s’est d’abord attachée à fédérer l’ensemble des acteurs du tourisme, au premier rang desquels figure bien sûr l’IRT (Île de la Réunion tourisme –NDLR), véritable opérateur de la politique régionale dans ce secteur. Ces évolutions apportées à la gouvernance, tout comme le travail de transversalité opéré avec l’IRT et la FRT (Fédération réunionnaise de tourisme – NDLR) portent progressivement leurs fruits. Les acteurs du tourisme s’inscrivent aujourd’hui dans la politique tracée par le Conseil régional et nous mettons en œuvre ensemble cette dynamique nouvelle, réellement porteuse pour l’activité et l’emploi à La Réunion. Depuis sept ans, la Région consacre en moyenne, en plus des fonds européens, environ 20 millions d’euros par an au tourisme. Ces efforts, dans la mesure où ils s’inscrivent dans une stratégie pensée, donnent naturellement des résultats. 

Il a fallu du temps pour franchir cette barre des 500 000 touristes alors qu’en 2010, un objectif de 600 000 avait été fixé… pour 2014. Pourquoi n’a-t-il pas été atteint ?
Le tourisme est par nature une activité très sensible aux éléments conjoncturels qui peuvent impacter durablement l’image d’une destination. Dans le cas de La Réunion, en dépit de la politique très volontariste conduite par la collectivité et l’ensemble des acteurs de la filière, les objectifs fixés en termes de fréquentation touristique ont été contrariés par plusieurs types d’événements. C’est d’ailleurs ce qui rend les résultats de 2017 d’autant plus remarquables. Ils s’inscrivent dans une conjoncture défavorable au cours des dernières années, durant laquelle l’ensemble de la filière touristique a dû faire face à plusieurs crises. Qu’il s’agisse de la crise des requins à La Réunion, avec un effet médiatique amplificateur au plan national et international, ou de la crise économique et du pouvoir d’achat en Europe depuis 2008 qui a entrainé un impact sur les dépenses de voyages et de loisirs. J’ajoute que ces deux éléments de contexte défavorables se sont cumulés avec les effets délétères persistants de la crise du chikungunya qui a fortement dégradé l’image de l’île en 2006. Les efforts que nous avons menés ont dans un premier temps permis de redresser la barre, avant de pouvoir assurer la progression que nous constatons aujourd’hui. 

Au global, les recettes ont progressé de 9,5 %, à 356,2 millions d’euros. Mais si l’on prend les dépenses par touriste, on baisse très légère ment, à moins de 702 euros en 2017 contre 710 euros en 2016. Si l’on remonte beaucoup plus loin dans le passé, en 2003, on se situait à 825 euros, et cela fait quinze ans. On peut dire qu’il y une érosion continue de la dépense moyenne par touriste. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que le dispositif de continuité territoriale ne contribue pas à cette érosion ?
Notre objectif premier est de faire globalement progresser les recettes touristiques et cela de façon significative, comme vous l’avez illustré, et nous y parvenons aujourd’hui. Si la continuité territoriale vers La Réunion ne joue qu’un rôle extrêmement marginal dans l’augmentation de la fréquentation touristique, le dispositif permet néanmoins d’attirer des visiteurs supplémentaires. Ce que je vois aujourd’hui, c’est d’abord le travail accompli et les résultats obtenus pour La Réunion au regard de la situation de départ. Il reste des efforts importants à mener et nous travaillons, avec l’ensemble des acteurs, dans le sens d’une hausse de la dépense journalière par touriste. Nous visons d’une part l’accroissement de la part de la clientèle d’agrément, qui est la plus contributive en termes de consommation, et, au sein de cette dernière, nous ciblons les touristes à fort pouvoir d’achat. Nous le faisons en particulier au travers de notre stratégie d’internationalisation par laquelle nous nous attachons à attirer notamment les classes moyennes émergentes indiennes et chinoises. 

Le marché émetteur de la France métropolitaine reste dominant avec 78,3 % des touristes. On reste loin de la diversification des marchés ?
L’internationalisation de la destination est déjà une réalité, même si notre marge de progression sur ce volet reste considérable. Je vous rappelle que nous partons de très loin, pour ne pas dire de zéro, en la matière et le doublement de la clientèle chinoise, par exemple, se traduit par des chiffres certes encore assez faibles, mais il reflète cette dynamique que nous avons clairement impulsée pour une diversification des marchés.
Nos efforts en termes de promotion de la destination portent aujourd’hui sur les marchés européens que sont la Belgique, la Suisse et l’Allemagne ; sur le marché régional dont principalement l’Afrique du Sud et Maurice ; et sur la conquête que j’évoquais des marchés émergents tels que la Chine et l’Inde. La stratégie déployée par les Îles Vanille pour promouvoir sur la scène internationale la zone sud-ouest de l’océan Indien se révèle par ailleurs payante. Ce sont à ce jour plus de 90 000 touristes qui sont arrivés à La Réunion via les combinés inter-îles, dont Maurice-Réunion en priorité. 
Quant à la croissance de la capacité aérienne vers La Réunion, avec l’arrivée de nouvelles compagnies et la liaison directe vers de nouvelles destinations telles que Canton depuis un an, elle soutient naturellement cette stratégie.
 

« La Réunion n’a pas vocation à devenir une destination de masse, mais ses atouts naturels lui confèrent une vraie légitimité à se positionner sur certains segments de l’offre, tels que l’écotourisme. »  IRT/Serge Gelabert
 

Pour continuer à faire progresser les arrivées, il faut aussi augmenter l’offre. En 2016, on ne comptait que 6 354 lits, tous types d’hébergement confondu. C’est peu. On a l’impression que les investisseurs ne se bousculent pas. Il y a aussi les contraintes du parc national qui sanctuarise les deux tiers de l’île ?
Permettez-moi d’abord de rappeler que depuis 2010, la Région a accompagné 30 projets hôteliers pour un montant total de près de 10 millions d’euros. Ce soutien a permis de créer 789 chambres et d’en rénover 796. Douze nouveaux hôtels ont ouvert leurs portes sur l’île, ce qui a généré la création d’une centaine d’emplois. Au-delà de ces progrès rapides, force est de constater que la réalisation d’hébergements hôteliers se heurte moins à l’absence d’investisseurs qu’à la rareté de foncier stratégique libre d’occupation. À titre d’exemple, le littoral ouest de l’île recèle un certain nombre de terrains publics « pieds dans l’eau » qui appartiennent à l’État et dont l’utilisation qui en est faite reste pour l’heure incompatible avec l’accueil d’équipements touristiques générateurs d’emplois. 
Notre objectif est aujourd’hui de dégager du foncier maîtrisé par la puissance publique pour le mettre à disposition d’investisseurs sous forme de baux emphytéotiques. Le but étant d’attirer des enseignes hôtelières internationales à forte notoriété. Pour ce faire, il est primordial d’inciter les communes à constituer des réserves foncières par l’ac-quisition de terrains localisés dans des lieux stratégiques et en prenant des dispositions spécifiques dans leur Plan local d’urbanisme. Pour sa part, la Région a engagé cette année un recensement du foncier touristique stratégique afin de réaliser un véritable « atlas » à présenter aux demandes des investisseurs potentiels. En ce qui concerne le Parc national, il n’a de prérogatives réglementaires que sur la zone « cœur de parc », soit 42 % de l’île, constituée exclusivement d’aires naturelles, par essence non constructibles. Cependant, au sein des grands sites naturels localisés en « cœur de parc », la Charte prévoit l’implantation d’éco-lodges dans différents sites comme celui du volcan et du Maïdo.

Comment créer une vraie dynamique impliquant tous les Réunionnais dans le développement d’un tourisme durable qui soit aussi un secteur qui rapporte pleinement à l’économie ?
Les chiffres de 2017 dévoilent le nouveau visage du tourisme réunionnais, un secteur dynamique, qui bouge, qui se renouvelle, qui créé de la richesse et des emplois et qui invite chaque Réunionnais à prendre sa part au développement, à être un ambassadeur de son île. De façon plus globale, la collectivité a clairement inscrit au cœur de son projet depuis 2010 le développement durable pour notre territoire. Une priorité qui se décline naturellement dans le secteur du tourisme où la collectivité met un point d’honneur à faire de La Réunion une destination durable. Une enveloppe de 80 millions d’euros a été mobilisée dans la programmation 2014-2020 en faveur du tourisme durable.
La stratégie commune de l’Association des îles Vanille s’articule autour d’un tourisme écologique et responsable au travers de la promotion et la valorisation des « hot spots » reconnus par l’Unesco au patrimoine mondial dont les pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion. La demande d’inscription au patrimoine mondial du « chemin des baleines » s’inscrit elle aussi dans cette démarche. Il y a nécessité à conduire des actions de sensibilisation particulières envers la population sur les bénéfices que l’île peut retirer du tourisme, et instituer une culture du tourisme chez les Réunionnais afin qu’ils soient les acteurs premiers du développement touristique. C’est dans cet esprit qu’un blog a été mis en place par la Région afin de recueillir l’avis de la population dans le cadre des travaux de réactualisation du Schéma de développement et d’aménagement touristique de La Réunion (SADTR).

Quand on regarde ce qui se passe avec des mouvements qui s’en prennent aux restaurants de plage et autres projets, on se demande si le tourisme est une priorité à La Réunion alors que, pourtant, c’est le seul secteur à même de créer massivement des emplois. Qu’en pensez-vous ?
L’une des responsabilités des pouvoirs publics consiste à faire coïncider le développement économique et touristique du territoire avec le respect de notre environnement. Le sujet des restaurants de plage illustre parfaitement à la fois l’enjeu et la complexité de cette problématique. Je prône sur ce dossier, au-delà de la gestion passionnelle qui le caractérise aujourd’hui, la recherche du juste équilibre. N’offrir aux Réunionnais comme aux touristes venus de l’extérieur aucun espace aménagé sur les plages serait un non-sens. Des structures doivent pouvoir, dans le respect des règles, être implantées et contribuer au développement touristique de l’île. Sur ce sujet, il m’importe de rechercher les solutions les plus pertinentes et de rester complètement extrait d’un quelconque débat qui opposerait « zoreils » (métropolitains – NDLR) et créoles ; une polémique totalement dépassée et stérile mais dans laquelle certains se plaisent à s’engouffrer.

Peut-on croire par exemple au modèle d’un éco-tourisme haut de gamme qui mise plus sur la qualité (avec un bon niveau de dépenses par touriste) que sur la quantité ? 
La Réunion dispose de solides atouts que l’ensemble des acteurs locaux, accompagnés par la Région, ont su valoriser au cours des sept dernières années par différentes stratégies. Parallèlement, la notoriété de l’île s’est considérablement améliorée. Selon une étude conduite en 2017 par le ministère des Outre-Mer, La Réunion figure désormais dans le « Top 3 » des destinations sur son marché principal qu’est la Métropole.
La Réunion n’a pas vocation à devenir une destination de masse, mais ses atouts naturels lui confèrent une vraie légitimité à se positionner sur certains segments de l’offre, tels que l’écotourisme. Les tendances actuelles en termes de consommation touristique internationale restent sur ce point favorables à l’île. La population mondiale, qui vit à plus de 65 % dans un environnement urbain, exprime de plus en plus son besoin d’espaces naturels, de ressourcement, d’expériences hors des sentiers battu. Les derniers chiffres du tourisme nous montrent que nous avons raison de croire à une vraie progression de la fréquentation à La Réunion pour les prochaines années. Ils nous confortent aussi de toute évidence dans les efforts que déployons pour attirer une clientèle haut de gamme et favoriser la réussite d’un tourisme écologique et durable.

2017 : ANNÉE DE TOUS LES RECORDS
Record de fréquentation avec 507 563 touristes, en progression de 10,8 %. Record de recettes avec 356,2 millions d’euros, en progression de 9,5 % et record du nombre de croisiéristes, à 43 276, en progression de 11,6 %. À noter que ces croisiériste sont comptabilisés à part car non considérés comme des touristes selon la définition de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). 
LA TYPOLOGIE DES VISITEURS
Les touristes de loisirs (451 186) représentent 88,9 % du volume global des touristes extérieurs. Parmi ceux-ci, 59,1 % sont des touristes d’agrément (266 610 touristes). Toujours parmi les touristes de loisirs, 40,9 % sont des touristes affinitaires (184 721 touristes)