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Do you speak français ?
Monde

Do you speak français ?

Il y des télescopages dans l’actualité décembre, lors de l’ouverture du CEO Summit à Tananarive, le président malgache Andry Rajoelina a déclaré que son pays était le troisième plus grand producteur de riz en Afrique et que son objectif était d’en faire le « grenier agricole du continent africain ». « Un bon président, c’est celui qui sait nourrir sa population », a également glissé Andry Rajoelina. Deux semaines plus tôt, la Corée du Sud faisait un don de 10 000 tonnes de riz, évaluées à 9,4 millions de dollars, pour soutenir les populations du Sud malgache touchées par les changements climatiques. Pour les deux tiers d’entre elles, l’insécurité alimentaire règne, voire la famine dans 10 % des cas. À vrai dire, la sècheresse et son corollaire, la famine, frappent régulièrement le sud de la Grand Île depuis la fi n du XIXe siècle, bien avant qu’on parle de changement climatique. En tout cas, le président malgache a du « riz sur la planche » s’il veut nourrir sa population tout en faisant en sorte que son pays devienne le grenier agricole de l’Afrique.

Sur le papier, Madagascar a tout pour réussir ce pari, avec d’énormes surfaces de terres fertiles inexploitées et un climat propice sur les hautes terres.

Rétablir l’État de droit

On a l’impression que l’île-continent a été bénie des Dieux, mais ceux-ci ont dû trouver qu’ils l’avaient trop avantagée et ont placé quelques bâtons dans les roues de ce peuple malgache qui souffre et s’appauvrit d’année en année. Si bien que le roman national malgache pourrait s’appeler « Illusions perdues » si ce titre n’avait pas été pris par Balzac.

Mais bon, je veux bien y croire une fois de plus, suivant la Grande Île depuis 1985, année où Didier Ratsiraka abandonnait sa révolution socialiste lancée en 1975 et choisissait l’ouverture avec un code des investissements très attractif. Mais il ne suffira pas de construire des routes, de développer l’agriculture et l’industrie qui va avec. Il faudra aussi rétablir l’État de droit, ce qui est une autre paire de manches.

Pour en revenir au CEO Summit, on ne sait pas encore si la montagne accouchera d’une souris ou de bien d’autres choses. Il semble apporter un second souffle à un Forum économique des îles de l’océan Indien, organisé par les Chambres de commerce depuis une vingtaine d’années et qui développe les mêmes sujets. Ainsi, il n’y a pas dû y avoir une seule édition où l’on n’ait pas abordé la question d’une compagnie maritime régionale.

Quoi qu’il en soit, le CEO Summit a déjà eu un effet positif mesurable, il a poussé La Réunion à jouer collectif sous sa nouvelle marque territoriale. Il a aussi confirmé le charisme grandissant de la présidente de la Région Réunion, Huguette Bello, qui est également plus proche des milieux économiques.

Victimes de l’anglomanie

Pour rester sur le sujet CEO Summit, il y a quelque chose qui me chiffonne, c’est qu’il s’appelle justement CEO Summit. Pourquoi utiliser un anglicisme alors que le français permet de dire la même chose et de façon aussi claire ? De même qu’un centre de données n’a rien à envier à un Data Center. Cela dit, je suis mal venu de me faire le chantre de la francophonie alors que L’Éco austral organise le Tecoma Award. Mais la rédemption est toujours possible. On s’aperçoit qu’on se laisse grignoter peu à peu par les anglicismes, sous l’effet de la mode et aussi parce qu’évidemment l’anglais est la langue dominante. Ce qui d’ailleurs n’est pas forcément une bonne chose pour la langue de Shakespeare qui, dans bien des cas, devient un « anglais d’aéroport ». L’écrivain Britannique William Golding (1911-1993), prix Nobel de littérature, s’était d’ailleurs exprimé sur le sujet.

Pour ma part, c’est un certain Daniel de Poli qui a éveillé ma conscience francophone. Il porte d’ailleurs bien son nom puisqu’il envoie des mails très polis aux éditeurs de presse et journalistes qui usent d’anglicismes inutiles. Ces mails commencent toujours ainsi : « Je me permets de vous écrire car j’ai lu avec intérêt votre article à la page suivante… » Et il entre alors dans le vif du sujet. Daniel de Poli peut se montrer plus « méchant » quand il s’agit de faire respecter la Loi Toubon, toujours active. C’est alors l’association Francophonie Avenir, dont il est membre, qui intervient pour défendre le français, ce qui est le propre de la Loi Toubon. Francophonie Avenir a fort à faire tant l’anglomanie se développe à grande vitesse en France. Et l’on constate que nombre d’entreprises privées et publiques ainsi que des collectivités sont en infraction avec la Loi Toubon. Celle-ci est très restrictive puisque même un affichage bilingue français-anglais est en contradiction avec son article 4. On peut toujours penser que c’est exagéré, mais, sur le fond, il est clair que la défense d’une langue est fondamentale dans la préservation d’une culture.

À ce sujet, rappelons que l’anglais n’est pas la langue officielle de la République de Maurice, contrairement à ce que disent bon nombre de sites et guides touristiques. Tout simplement parce que la Constitution ne mentionne aucune langue officielle, sauf pour le Parlement (qui s’exprime en anglais), tout en précisant que les députés peuvent poser leurs questions en français. Mais pas en créole, ce qui est sans doute une séquelle de la colonisation.