Dock flottant : le projet dans une mauvaise passe
Le dock flottant annoncé à Port-Réunion depuis cinq ans arrivera-t-il un jour ? Tout semblait bien parti, début 2022. Le Grand Port Maritime était sur le point de faire affaire avec un chantier naval en mesure de construire cet équipement permettant le carénage des bateaux de grandes dimensions en cale sèche, pour un montant à peu près conforme aux prévisions budgétaires (une dizaine de millions d’euros). Malheureusement, ce chantier se situait à Kherson, ville de l’est de l’Ukraine dévastée en quelques semaines par l’envahisseur russe. Très vite, il s’est trouvé dans l’impossibilité d’honorer la moindre commande. Le Grand Port Maritime a reçu une autre offre, d’un chantier chinois, qu’il a dû décliner : elle dépassait les 20 millions d’euros. Depuis, aucune solution alternative ne semble émerger. La situation devient d’autant plus problématique qu’un groupement d’entreprises réunionnaises de la filière navale s’était vu attribuer en 2021 la concession d’exploitation du dock flottant et a déjà investi pour s’y préparer. Dock Réunion, c’est son nom, regroupe 17 sociétés dont la filiale locale du groupe Piriou. Dans un premier temps, Piriou Réunion avait projeté d’investir en propre dans l’acquisition d’un dock flottant, avant d’y renoncer en raison de la durée de l’amortissement (une vingtaine d’années). Le 15 juin dernier, Dock Réunion s’inquiétait, dans un communiqué, du montant du loyer que le Grand Port fixerait s’il devait acheter un équipement à 20 millions d’euros. Les signataires demandaient à ce dernier de considérer une période d’amortissement de 40 ans pour proposer un montant de loyer supportable, tout en signalant combien le temps pressait.
Le 30 juin, la commission permanente de la Région a relayé cette impatience. La collectivité joue un rôle-clé dans l’opération en tant qu’autorité de gestion du Feder, le fonds européen en mesure de subventionner une partie de l’investissement. Elle confirme son intention de soutenir le projet et de maintenir le financement européen à 60 % de l’acquisition, même si son coût est nettement supérieur au montant initial. La Région demande le même effort aux autres partenaires institutionnels, à commencer par l’État. Au terme de sa délibération, la commission permanente du Conseil régional a demandé au Grand Port Maritime « d’accomplir toutes les diligences pour faire aboutir ce projet et de maintenir la concession d’exploitation accordée à Dock Réunion ». Mais le Grand Port n’a pas l’intention de créer une source de déficit durable et attend des garanties de soutien public. À l’île Maurice, le Chantier naval de l’océan Indien (CNOI) a tout à gagner de ces tergiversations : il est le seul de la région à pouvoir mettre au sec les bateaux de gros tonnage, notamment les palangriers de la pêche australe et les bâtiments de la Marine nationale basés à La Réunion.