ÉCOQUARTIER « CŒUR DE VILLE » DE LA POSSESSION Les débuts de la première écocité tropicale insulaire
L’écoquartier « Cœur de ville » de La Possession, dont la réalisation a commencé en 2012, est devenu une référence. Et cette véritable ville nouvelle est la première pierre de l’écocité tropicale insulaire qui, outre La Possession, implique les communes du Port et de Saint-Paul.
En arrivant à proximité de ce fameux Cœur de ville, sur la commune de La Possession, on distingue surtout des immeubles et des grues… On se dit qu’on a affaire à une cité dortoir où domine le béton. Mais dès qu’on en franchit le seuil, cette impression s’estompe très vite. La verdure est omniprésente, on découvre même des jardins partagés, très bien entretenus, où poussent salades et tomates. Les commerces ne manquent pas, tout est pensé pour que les 1 800 habitants actuels aient le moins possible besoin de leur voiture, y compris pour emmener leurs enfants à l’école.
Et ce n’est qu’un début. « Nous avons commencé la construction de la Kanopée, le cœur du Cœur de ville, précise Benoit Zimberger, directeur du développement au sein du groupe Opale-Alsei qui porte ce projet ambitieux de zone d’aménagement concerté (ZAC). La Kanopée, ce sera plus de 5 000 m² de surface commerciale, 3 800 m² de bureaux, 7 500 m² d’esplanades arborées, 242 logements et 390 places de parking mutualisées. Ce qui caractérise l’écoquartier, outre des développements en ventilation naturelle des bâtiments (voir notre hors-texte à ce sujet), c’est la mixité sociale avec un tiers des logements en social, et même « très social », un tiers en logement intermédiaire et un tiers en accession à la propriété. En découvrant une épicerie fine plutôt haut de gamme, on comprend qu’il existe ici une clientèle dotée d’un solide pouvoir d’achat. Autre surprise, en déambulant autour des immeubles, il est difficile d’identifier les différents types de logements. On est bien loin de l’image de la « cité », ghetto pour classes sociales inférieures.
Avec un tiers de l’espace consacré à la nature, des espaces de jeux et des « ilots de fraîcheur », on se dit que ce Cœur de ville est une bonne alternative à la « case à terre » que rendent de plus en plus difficile la rareté et le coût du foncier ainsi que la pression démographique. Dès le début de sa réalisation en 2012, le projet s’est révélé précurseur, à commencer par un montage encore inédit en France et qui a inspiré le « Grand Paris », et dans son innovation en matière d’urbanisme tropical. « Par rapport à d’autres ZAC de l’île, le rythme de la réalisation est très soutenu et fait appel à peu de subventions publiques », explique Benoit Zimberger qui ajoute que l’une des spécificités du projet est aussi d’avoir impliqué les habitants dès sa conception et de maintenir le lien à travers l’association Smart City.
Urbanisme éolien : Antoine Perrau fait partie des architectes réunionnais inspirés par les idées de Jacques Gandemer (voir à ce sujet notre article dans ce dossier) en matière d’exploitation de la ventilation naturelle. Il les a mises en pratique dans plusieurs de ses réalisations et notamment dans la conception de l’écoquartier Cœur de ville. « La Possession est un secteur peu venté, il était donc important de préserver un accès à la ventilation naturelle à l’intérieur de chaque bâtiment, explique-t-il. Le plan masse du quartier a été pensé dans cet objectif et soumis à des essais, dans la soufflerie Eiffel de Paris, qui ont permis de faire des préconisations de hauteurs et de formes des bâtiments. Plutôt que de définir une hauteur maximale de immeubles, qui aurait abouti à créer une nappe horizontale générant peu de ces micro-perturbations qui optimisent la ventilation naturelle, nous avons défini une hauteur moyenne à R+5, avec une partie des bâtiments plus bas, à R+3, et une autre plus haute, à R+7 ». Ces obstacles irréguliers ont pour effet de davantage faire circuler l’air entre le bâti et de favoriser sa pénétration à l’intérieur, par les ouvertures. « Il faut souligner que cette variabilité des hauteurs de bâtiments contredit toutes les approches de zonage urbain basées sur des textes métropolitains, ajoute Antoine Perrau. La transposition règlementaire de ces règles dans le PLU (Plan local d’urbanisme – NDLR) de La Possession a permis de définir un droit à la ventilation naturelle, ce qui constitue un premier exemple appliqué d’urbanisme éolien réglementaire. »
Des bâtiments de hauteur variable ne suffisent évidemment pas à garantir la ventilation naturelle et à obtenir un confort intérieur suffisant pour renoncer à la climatisation artificielle. « Il faut également éviter la création d’îlots de chaleur, en végétalisant, poursuit l’homme de l’art. La ventilation naturelle est impossible dans une ville trop minérale. On ne peut pas dissocier la ville tropicale de la ville jardin. Prenez deux bâtiments aux meilleures normes environnementales ! Placer le premier au milieu d’une forêt, le second au milieu d’un parking ! Le premier sera ventilé avec un air rafraîchi par la végétation, le second avec un air réchauffé par l’enrobé noir. »
Apprendre à mieux consommer l’énergie : Une centaine de ménages logés dans les immeubles du Cœur de Ville bénéficient d’un accompagnement de l’association Smart City pour apprendre à mieux consommer l’électricité. Objectif : en faire des acteurs de l’économie d’énergie, les amener à modifier leurs habitudes et, in fine, réduire leurs factures de 5 % à 10 %. « La plupart d’entre eux n’ont pas conscience de leur consommation », explique Céline Fayard, chargée de mission. Le programme de suivi, sur deux ans, est adapté en fonction du degré de maîtrise des outils numériques par les intéressés. Il permet également de collecter les données sur les usages de consommation et de mesurer l’impact des incitations mises en place.
« L’Amiral » premier ilot du nouveau « waterfront » du Port : À la suite de l’écoquartier de La Possession, d’autres projets vont émerger sur les communes du Port et de Saint-Paul en vue de la réalisation de l’ambitieux projet d’écocité tropicale insulaire. Une écocité qui pourrait être un modèle à exporter dans la « bande tropicale » qui recèle 40 % des terres habitables dans le monde. En attendant, suite à un appel à projets lancé il y a quatre ans, le groupe Opale-Alsei a été retenu pour réaliser L’Amiral, premier ilot du nouveau « waterfront » du Port, situé dans le périmètre de l’écocité. Sa construction doit démarrer d’ici la fin de l’année. Le projet comprend 3 100 m² d’activités, 3 250 m² de bureaux, 225 m² de restauration, un hôtel 3-étoiles de 88 chambres, 500 m² de coworking et 200 places de stationnement.