Entretien exclusif avec Marie-Joseph Malé, P-DG d’Air Austral : « A minima, une joint-venture avec Corsair »
Interrogé par « L’Éco Austral », le P-DG d’Air Austral mise sur un soutien accru de l’État pour redresser la compagnie. Le rapprochement avec Corsair semble, à ses yeux, indispensable.
L’Éco austral : Comment se porte Air Austral, après plus d’un an et demi de crise sanitaire ?
Marie-Joseph Malé : Les pertes que nous avons subies au terme de l’exercice 2020-2021 (76 millions d’euros – NDLR) ne surprennent personne, toutes les parties prenantes et les services concernés s’attendaient à cet ordre de grandeur. Nous avons négocié les prêts garantis par l’État en 2020 en tablant sur une année de crise. Elle va durer une année de plus, le retour à l’équilibre ne sera pas pour l’exercice 2021-2022. Nous devons à la fois faire face à la persistance de la crise et à la stratégie d’expansion d’Air France, qui nous impacte sur la ligne Paris-Réunion. Cette situation nécessite pour Air Austral de trouver des moyens supplémentaires. Nous avons de la trésorerie pour tenir trois mois. Nous attendons de savoir de quelle manière l’État va nous aider. Les discussions ont commencé il y a six mois, elles se poursuivent entre le Ciri (Comité interministériel de restructuration industrielle) et la Région.
Le rapprochement annoncé avec Corsair est-il en bonne voie ?
Quand nous avons commencé à entendre parler de la stratégie d’expansion d’Air France sur les DOM, nous avons réfléchi aux voies possibles pour y répondre, dont un partenariat avec Corsair. La réponse, elle est là. Corsair a fait évoluer son produit vers une offre tri-classe, qui se rapproche de la nôtre.
Un accord de code share (partage de code) est en discussion, les études économiques sont quasiment terminées, l’accord aboutira avant la fin de l’année, je l’espère. Ce sera une étape avant celle de la joint-venture commerciale, qui nécessitera l’avis des autorités de la concurrence, mais n’implique pas un rapprochement capitalistique.
Il faut faire quelque chose. Nous ne retrouverons pas avant quelque temps le niveau d’activité d’avant la crise covid, il faut se regrouper, a minima dans une joint-venture.
Il est d’autre part question d’une arrivée d’Ewa, votre filiale mahoraise, sur la ligne Dzaoudzi-Réunion, avec un de vos B737. N’allez-vous pas créer votre propre concurrence ?
Dès la création d’Ewa il y a huit ans, son positionnement sur le régional était prévu. La disponibilité d’un de nos B737 en offre l’opportunité. Ewa proposera un produit différent, avec une tarification différente. Pour notre part, nous nous apprêtions de toute façon à réduire les capacités sur Réunion-Dzaoudzi, avec la mise en ligne des Airbus A220. Il faut savoir que sur Mayotte, depuis l’apparition de la concurrence, nous enregistrons une évolution défavorable de la recette unitaire. C’est une ligne sur laquelle les coûts ont constamment augmenté, elle est à peine rentable ces dernières années.
Confirmez-vous également l’existence de discussions avec Qatar Airways ?
Des échanges avec Qatar Airways, nous en avons toujours eus. Les discussions se poursuivent sur un projet de coopération. Un jour ou l’autre, le Moyen-Orient, ça se fera. Il faut avoir accès à un de ces hubs qui permettent d’aller facilement vers l’Est, l’Inde, l’Asie… Mais nous ne sommes pas encore au stade du choix entre Dubaï, Abu Dhabi et Doha.
De même, un jour ou l’autre on aura une desserte de Nairobi, pour aller vers l’Afrique de l’Ouest.
Un audit d’Air Madagascar, commandité par les autorités malgaches, signale le coût anormalement élevé des loyers des deux ATR d’Air Austral utilisés par Tsaradia. Que répondez-vous ?
L’audit semble comparer ces loyers aux tarifs de location proposés en 2020 au plus fort de la crise, quand il y avait des offres extrêmement basses ! Les tarifs de location sont aujourd’hui revenus aux niveaux antérieurs, il est très facile de connaître les prix du marché. Je souligne au passage être très fier de la réussite de Tsaradia, dont nous avons initié la création dans le cadre du partenariat stratégique entamé en 2017 avec Air Madagascar. Le projet d’Air Austral était très réaliste. Tout a commencé à capoter quand l’État malgache a accordé des droits à Ethiopian Airlines sans apporter à Air Madagascar les compensations prévues par une clause de notre accord de partenariat.