François Hollande soutient-il l’annexion de la Cisjordanie ?
Le chef de l’État français joue-t-il un double jeu et peut-on encore croire à la volonté d’Israël de mettre fin à sa politique de colonisation. Deux questions différentes pour un même dossier ouvert avant même la création de l’État sioniste.
Officiellement, la politique étrangère de la France est favorable à l'indépendance de la Palestine ou, en tout cas, à la reconnaissance d'un État palestinien. C'est d'ailleurs en ce sens que la France a récemment voté à l'Organisation des Nations Unies. Dans les faits, le soutien que François Hollande accorde à la cause palestinienne est beaucoup plus ambigu. Il se pourrait même qu'il couvre de son autorité des agissements tout à fait favorables à l'annexion pure et simple de la Palestine par Israël. Ainsi, le 14 juillet, le site Desinfos.com, qui prétend « donner une véritable information sur Israël », a publié un article étonnant : « Figer la souveraineté juive sur la Judée Samarie, une bonne fois pour toute (sic). » Cet article relate une conférence tenue par l'actuel ministre israélien de l'économie, où ledit ministre aurait déclaré : « La tentative d'établir un État palestinien sur notre terre a pris fin… Nous devons annexer la Zone C de Cisjordanie maintenant, parce que l'idée de créer un État palestinien, c'est terminé. » Et l'avocat, auteur de l'article, ajoute : « Le ministre de l'Économie (qui ne saurait être plus clair) a franchi un cap supplémentaire concernant le sort de la Cisjordanie qu'il voudrait en partie incorporer à l'État juif. Il exprime ainsi tout haut ce que beaucoup osent à peine susurrer, bien que l'idée germe dans les esprits depuis bien longtemps. »
L'instrumentalisation de la shoah à des fins partisanes et coloniales
En elle-même, cette information montre juste que le gouvernement israélien n'a guère de scrupule à affirmer sa volonté de violer ouvertement le droit international. Mais… Il se trouve que le site Desinfos.com qui relaie avec tant de complaisance les discours va-t-en-guerre du gouvernement israélien compte parmi ses partenaires une flopée d'institutionnels français, dont le rôle pose question : l'INALCO, par exemple, la fondation CASIP-COJASOR, le centre communautaire de Paris et… le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme (MAHJ). Une fois de plus, le spectacle affligeant de l'instrumentalisation de la Shoah à des fins partisanes et coloniales s'offre à nous, avec la complicité ouverte d'un musée financé par la Ville de Paris et par l'État. Le citoyen peut quand même s'interroger sur la légitimité d'un partenariat officiel avec un site dont la ligne éditoriale est contraire à la politique étrangère de la France. Dans le cas du MAHJ, la confusion des genres paraît quand même très curieuse. À la lecture d'un rapport d'audit non publié de l'Inspection générale de la Ville de Paris, il est en effet rappelé qu'en son temps « l'Inspection générale des musées de France a validé ce projet considéré comme à la fois intellectuellement rigoureux et ouvert, ne s'agissant d'aucune manière d'un projet confessionnel » (page 6). Dès lors, que le musée s'affiche autant dans un soutien à la politique militaire d'Israël, cet enga ge ment de neutralité initiale est-il vraiment tenu ? Ce manquement est criti qua – ble quand on sait l'engagement du contribuable en faveur de ce musée. Lors de sa création en 1998, il a bénéficié d'une subvention de 30 millions d'euros, partagée entre l'État et la Ville, pour s'installer dans l'hôtel de Saint-Aignan, au coeur du Marais. Depuis, il est financé à parts égales par les deux entités, avec quelques astuces. Ainsi, la Ville et l'État assurent chacun une subvention annuelle de 2 millions d'euros à ce musée. Mais l'État oublie de préciser que, en plus de ces subventions officielles, l'association qui gère le musée reçoit èsqualités un petit pactole de la part du gouvernement : 2 millions d'euros en 2012, près de 600 000 euros en 2013.
DES CONNEXIONS AVEC LE CRIF
Pourquoi ce petit musée à l'activité déclinante bénéficie-t-il d'autant d'atten tions et de moyens ? Serait-ce parce que l'anl'ancienne directrice des affaires cultu relles de la Ville de Paris, Laurence Engel, était membre du conseil d'admi nistra tion de l'association qui gère le musée ? Et, une fois devenue directrice du cabinet de la ministre de la Culture, la même Laurence Engel est-elle interve nue pour préserver intacte la subvention dont le musée bénéficie, alors que l'effort sur ce chapitre est de 5% pour l'ensemble du budget de la culture ? Puisque le miracle est bien là : la subvention de fonctionnement de l'État à ce musée, pourtant très éloigné de la neutralité publique, ne baisse pas. Doit-on ajouter que Laurence Engel est la compagne d'Aquilino Morelle, conseiller spécial de François Hollande et très engagé dans le mouvement juif de France ? Aquilino Morelle, qui fut happé à l'ENA par Pierre Moscovici, son mentor, est consi déré par certains comme membre du CRIF (Conseil représentatif des institu tions juives de France – Ndlr). Il n'a en tout cas pas hésité à soutenir officiel le ment le CRIF dans son expression de solidarité avec la mère de l'un des parachutistes tués par Mohamed Merah. Le même Aquilino Morelle a notam ment en charge la relecture des discours préparés pour François Hollande par l'une de ses recrues : Paul Bernard, membre, comme Aquilino Morelle, du Mouvement juif libéral de France et conseiller à l'Elysée. Sur le site de ce Mou vement, on trouve notamment cet te affirmation sur la création du kib boutz Hanita, dans les années 30 : « À cette époque, on envisageait le partage du pays en deux États, un pour les Juifs et un pour les Arabes. Du fait de l'ab sence de Juifs en Galilée occidentale, il était à craindre que cette région ne soit attribuée à l'État arabe. Cepen dant, cer tains hommes savaient que les faits accomplis sur le terrain l'em por te raient sur les décisions internationales. » Un bon résumé de la philosophie an nexion niste défendue offi cielle ment par les protégés du ministère de la Culture.
(*) Guillaume d'Halluin est un haut fonctionnaire du ministère français des Affaires étrangères qui écrit sous un pseudonyme.