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Réunion

GUILLAUME BRANLAT, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE ROLAND-GARROS : « Notre regard sur la croissance a changé »

Le président du directoire de l’aéroport Roland-Garros dresse un premier bilan de la crise sanitaire, qui a fait chuter l’activité mais également accéléré le mouvement vers la transition écologique du monde aérien.

L’Éco austral  : Comment l’aéroport Roland-Garros se relève-t-il de la crise ?

Guillaume Branlat : En 2020, notre activité est retombée à son niveau de 1993, avec un million de passagers. En 2021, nous en avons accueilli 1,16 million et en 2022, nous tablons sur 1,34 million, moins de la moitié du trafic de 2019, ce qui donne une idée du choc que nous subissons. Selon nos dernières prévisions, prudentes, nous retrouverons le niveau de 2019 en 2025 ou 2026. Si l’on se trompe et si la reprise est plus rapide, tant mieux !

Quel a été l’impact de cette chute brutale du trafic sur vos équilibres financiers et votre programme d’investissement ?

Nous avons enregistré un déficit de 8,6 millions d’euros en 2020 et de 7,6 millions en 2021. Nous avons contracté un prêt garanti par l’État de 15 millions d’euros qui nous a aidé à traverser cette période difficile.

Ma préoccupation, avant la crise, était de savoir comment gérer la croissance. Aujourd’hui, elle est de retrouver une activité pérenne.

La crise nous a obligés à faire une pause de quasiment deux ans dans nos investissements. Nous avons tout de même profité du bas niveau d’activité pour terminer le réaménagement des parcs de stationnement et des accès et donner la priorité aux investissements liés à la sécurité et la sûreté. En 2020, un véritable corridor sanitaire a été mis en place entre l’aéroport Roland-Garros et Paris, ce qui nous a permis de démontrer à l’opinion réunionnaise que la porte d’entrée de l’île était fiable.

La réduction de l’impact environnemental et des émissions de CO2 devient une priorité pour le monde aérien et aéroportuaire européen : comment l’aéroport s’inscrit-il dans ce mouvement ?

Le grand public peut avoir l’impression qu’un virage brutal est pris en ce moment. En fait, nous sommes engagés dans ces démarches depuis une dizaine d’années déjà, la crise covid n’a fait qu’accélérer cette évolution vers la transition écologique et énergétique. Notre regard sur la croissance a changé. Elle ne doit pas se faire au détriment de l’environnement et du social.

Ce n’est plus la création de valeur qui est recherchée, mais la contribution de l’aéroport à l’activité du territoire, à l’emploi. Pour notre future aérogare ouest, dont la construction est lancée, nous avions dès le départ souhaité une conception bioclimatique, économe en énergie.

Il y a quelques années, ce pouvait être considéré comme une vision innovante, aujourd’hui un tel choix s’impose comme une évidence. Trente-cinq pour cent de l’électricité consommée par l’aérogare actuelle sont aujourd’hui produits par nos deux centrales photovoltaïques. Demain, même avec la nouvelle aérogare et un trafic en croissance, nous ne voulons pas consommer davantage d’énergie qu’avant. Nous devrons donc augmenter notre production. Nous le ferons en posant des panneaux photovoltaïques sur les prairies aéronautiques, autour des pistes.

Des économies sont également à réaliser en réduisant ou supprimant les temps d’arrêt des avions, moteurs en marche, en gérant plus finement les autorisations de décollage.

La zone de Gillot est appelée à se développer de manière très importante dans les prochaines années. Comment l’aéroport entend-il participer à ce développement ?

En 2021, nous avons pris une participation de 33 % dans le projet Kerval, à l’entrée du domaine aéroportuaire, pour diversifier nos recettes extra-aéronautiques et contribuer au développement de l’activité autour de l’aéroport. Récemment, nous avons fait l’acquisition des deux hectares occupés par le Club hippique de Bourbon. Un appel à manifestation d’intérêt sera bientôt lancé pour y implanter de nouvelles activités.

Le nouveau schéma de composition générale de l’aéroport, qui définit les grandes orientations de la plateforme pour les prochaines décennies, propose, comme le souhaite la Région, que la ZAA Pierre-Lagourgue accueille des activités en lien avec le transport aérien. Nous souhaitons aussi que la future zone de la plaine de Gillot, de l’autre côté de la quatre-voies, soit valorisée en cohérence avec la proximité de l’aéroport, avec une vision d’aménagement à long terme plutôt que dans un souci de rentabilité immédiate.

  • Bernard Grollier

    Diplômé en sciences politiques et en journalisme, en activité à La Réunion depuis 1987. Journaliste indépendant et polyvalent, auteur des textes de livres consacrés à La Réunion et aux îles de l’océan Indien. Bon connaisseur du tissu économique réunionnais, centres d’intérêt variés.

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