Jean-François Pichonnière ingénieur touche-à-tout
Il a contribué à la mise au point du chauffe-eau thermodynamique par le Français Aldes et s’apprête à faire connaître sur l’île des peintures révolutionnaires, thermorégulantes et dépolluantes. Rencontre avec Jean-François Pichonnière, ingénieur réunionnais touche-à-tout.
Né à Saint-Pierre il y a 52 ans, ingénieur en structures béton de formation, Jean-François Pichonnière à bourlingué pour Bouygues Monde pendant 17 ans. Il a ainsi travaillé sur le Burj Khalifa, le gratte-ciel emblématique de Dubaï, pour la futuriste Fondation Louis-Vuitton à Paris, sur des chantiers aux États-Unis et en Australie… En passant par l’Ukraine, où il a rencontré celle qui deviendra son épouse et la mère de ses enfants, nés à La Réunion. En 2009, en effet, Jean-François Pichonnière a éprouvé le besoin de retourner aux sources.
Faute de trouver un poste à sa convenance chez les majors locales du BTP, il crée son bureau d’études techniques et se lance en parallèle dans un projet innovant : la production d’eau chaude à partir de l’air ambiant, ensuite rejeté à l’extérieur pour assainir l’atmosphère intérieure.
« Capter les calories de l’air pour fabriquer de la chaleur, on en connaît le principe depuis longtemps, explique l’ingénieur, il restait à inventer une machine pour le faire. » En 2011, Jean-François Pichonnière est admis au sein de l’incubateur de la Technopole de La Réunion, se rapproche du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) de Sophia Antipolis, qui, séduit par le projet, décide d’accompagner la création de prototypes. Un contrat de partenariat est alors signé avec Aldes, le spécialiste français de la ventilation et de l’aéraulique.
Le premier chauffe-eau thermodynamique est installé chez un particulier à La Réunion en 2015. Aujourd’hui, le T-Flow Hygro+ est fabriqué par Aldes à Lyon et Jean-François Pichonnière continue à s’impliquer dans l’évolution du produit, désormais connecté. « J’adore travailler avec Aldes, ils sont bons dans tout ce qu’ils font. D’autres fabricants sont arrivés sur le marché du chauffe-eau thermodynamique, un équipement très demandé en Métropole en raison des économies d’énergie qu’il permet, moins à La Réunion où il est en concurrence avec les chauffe-eau solaires, moins chers. »
Chauffe-eau connecté
Les redevances (royalties) qu’il perçoit d’Aldes ne sont pas ses seuls revenus. Le bureau d’études Pichonnière collabore avec de nombreux architectes pour la création ou la modification de plans de bâtiments, des suivis de constructions. Mais le projet dans lequel Jean-François s’investit avec passion, ces temps-ci, concerne la peinture. Avec trois associés – l’architecte Jean-Pierre Gautier, le constructeur Teddy Fontaine et le dessinateur Raphaël Mussard – il a créé fin 2021 la société Kaz’Innov pour adapter aux conditions tropicales la trouvaille de deux ingénieurs chimistes basés en Bretagne. Loïc Barbot et Jean-François Paradeise ont inventé une peinture thermorégulante, générant d’importantes économies d’énergie, à laquelle il est possible d’ajouter une fonction dépolluante. Elles sont aujourd’hui commercialisées en Métropole par leur société, France’Innov.
Retour sur investissement
La première, baptisée Bioactive, est une peinture d’intérieur capable d’absorber la chaleur dans la journée et de la restituer à la pièce quand la température baisse, grâce à des matériaux naturels et biodégradables contenus dans des microcapsules. Études à l’appui, elle permet à elle seule de faire 10 à 15 % d’économies de climatisation et de chauffage par an et d’abaisser la température d’un local de deux à trois degrés en été. Même si elle coûte 50 % plus cher qu’une peinture classique, le retour sur investissement est particulièrement rapide.
Mieux encore, les deux inventeurs bretons ont réussi à lui ajouter une fonction dépolluante, qui élimine virus et bactéries. Ils ont baptisé Thempur ce revêtement révolutionnaire, qui intéresse d’ores et déjà les Ehpad, les cabinets médicaux… « Le laboratoire Piment de l’université de La Réunion va les tester pour mesurer leurs performances sous un climat tropical, annonce Jean-François Pichonnière. Peut-être faudrat-il augmenter le nombre de capsules pour tenir compte de la chaleur élevée. Notre ambition est d’obtenir un certificat d’économie d’énergie qui permettrait de rendre ces peintures éligibles aux aides Agir Plus d’EDF. »