Julien Glannes : de l’hôtellerie comme un des beaux-arts
À 41 ans, Julien Glannes peut se vanter d’être dans de beaux draps. Directeur général du Hennessy Park Hotel, ce professionnel français de l’hôtellerie a trouvé moyen de cultiver deux passions en s’installant à Maurice, celle du service haut de gamme et celle de l’art contemporain. L’une n’allant pas sans l’autre, estime-t-il.
Julien Glannes est d’origine parisienne et d’évidence, la vocation hôtelière lui est venue très tôt. Grâce à des proches déjà dans le métier, il décroche dès 16 ans ses premiers jobs de vacances comme bagagiste dans les plus grands établissements de la capitale, ce qui lui permet de croiser, entre autres, Michael Jackson, Madonna, Mick Jagger. Ou Sting avec qui il se retrouve nez un nez dans l’ascenseur et qui se met soudain à fredonner. Ou encore Shakira qui, après avoir reçu un bouquet de fleurs du bagagiste et montant dans sa chambre, réalise qu’elle a oublié son petit ami au lobby. Very important persons !
Le temps de décrocher un DUT (Diplôme universitaire de technologie) en gestion des entreprises, le voici embauché quelques années plus tard dans l’un des lieux mythiques du luxe parisien, le Plaza Athénée, avant de passer successivement par le Prince de Galles, le George V, le Park Hyatt… À 26 ans, il tente l’aventure en Suisse, l’autre pays de l’hôtellerie, puis revient à Paris deux ans plus tard pour intégrer le Meurice. Cet hôtel haussmannien fraîchement rénové aura une influence capitale sur lui car il est l’un des premiers à faire la part belle à l’art contemporain : « Tout était chic et classe avec en même temps plein de références à l’art. Il y avait notamment un restaurant qu’ils avaient baptisé le Dali. »
Une leçon qu’il saura appliquer à Maurice, le moment venu.
Du Meurice à Maurice
À la fin de son contrat au Meurice, lui arrive une proposition de rejoindre la direction d’un hôtel de plage à Maurice, petite île qu’il a déjà visitée comme vacancier. « Quand on cherche à évoluer dans sa carrière, surtout dans l’hôtellerie, on doit envisager la possibilité d’aller à l’international. À Paris il y a très peu de mobilité professionnelle. J’ai travaillé avec des personnes qui étaient en poste depuis 25 ou 30 ans. » Et c’est ainsi qu’il est depuis plus de dix ans l’un des acteurs et spectateurs privilégiés du développement hôtelier à Maurice. « Je suis arrivé quand le groupe Indigo a commencé à ouvrir des hôtels d’affaires alors qu’il n’y avait que des hôtels de plage. Ce qui n’empêche pas une politique d’ouverture complète aux Mauriciens qui peuvent venir manger et boire, et bénéficier des services de l’hôtel comme le spa ou la gym. »
Alors qu’il occupe le poste de Resident Manager au Suffren, à Port-Louis, le groupe Indigo acquiert The Link Hotel en 2011. Julien Glannes participe activement au rebranding de l’établissement transformé en hôtel d’affaires : « Nous avions cette volonté d’en faire plus qu’un hôtel d’affaires, d’y inclure une dimension artistique. Quand j’étais au Suffren, il y avait un espace libre au centre de l’hôtel que nous avons transformé en café des arts, avec des artistes locaux y proposant des stages. J’ai fait comprendre à ma direction que je souhaitais continuer en ce sens, et c’est de là qu’est venue l’idée d’apporter une identité artistique au Hennessy Park Hotel. »
Offre culturelle
Idéalement situé au cœur de l’île, l’hôtel orne sa façade d’une fresque gigantesque de 32 mètres de hauteur. Les murs sont couverts de tableaux d’artistes contemporains, le mobilier des chambres est gravé de citations d’auteurs mauriciens, et l’hôtel abrite une petite librairie baptisée Petrusmok, en hommage à l’écrivain mauricien Malcolm de Chazal.
Des concerts, des conférences, des expos, des défilés de mode et autres événements culturels complètent l’offre artistique avec notamment la Henessy Fashion Week : cinq jours de défilés et de rencontres de styliste mauriciens et internationaux au Backstage, la discothèque de l’hôtel. « On n’impose pas les choses. Ce qui est important c’est que l’artiste conserve sa singularité, sinon l’œuvre ne lui appartient plus. Beaucoup de talents ont été découverts ainsi chez nous. »
Au Hennessy, le « genre artiste » n’est pas synonyme de « bohème débraillée », loin s’en faut ! Ici règne, dans tous les départements et à tous les étages, la plus grande rigueur professionnelle, du groom au directeur. Un General Manager au costume à la coupe impeccable, rasé de frais, dont le regard est perpétuellement à l’affût de tout ce qui se passe autour de lui. « On est là pour le confort des autres, pas pour le nôtre », s’amuse-t-il en désignant son bureau ultra-minimaliste : un pupitre, un ordinateur, une étagère pour quelques documents hétéroclites, et deux fauteuils.
Julien Glannes a su profiter de son séjour dans l’île pour obtenir un master en administration d’entreprise à l’école de business de la Chambre de commerce et de l’industrie de Maurice. Père d’un petit garçon de 6 ans né de mère mauricienne, il ne s’identifie plus comme un « expatrié » mais « comme un immigré » : « Je suis reconnaissant envers ce pays qui m’accueille et souvent j’ai cette dimension mauricienne en tête quand je travaille. » Ainsi a-t-il pris l’habitude, sans doute sans le réaliser, d’utiliser la première personne du pluriel en parlant de Maurice. Dernière confidence : « L’art comme vecteur d’émotion, j’y crois complètement. Vous créez l’émotion, l’émotion marque le client et crée la fidélité. » Un art en soi, surtout dans l’hôtellerie.