K. C. Li Kwong Wing, Chairman de SBM Holdings : « La digitalisation est un pilier de notre stratégie »
Pour le président de SBM Holdings, la quatrième révolution industrielle est en marche. La Fintech, la Blockchain, l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, le Big Data et la robotique… autant d’outils avec lesquels l’économie mauricienne va devoir apprendre à composer.
L’Eco austral : Le centre financier de Maurice a un problème d’image et se trouve souvent montré du doigt dans la presse internationale. Comment répondre a ces critiques ?
K. C. Li Kwong Wing : Durant les dernières décennies, Maurice s’est construit une bonne image dans la région et dans le monde, celle d’un pays fiable et disposant de nombreux avantages pour les investisseurs. Cela a été possible grâce aux choix que nous avons effectués. Il y a notamment le fait d’adopter, de respecter et d’appliquer des normes internationales élevées. Nous disposons d’un cadre légal propice permettant aux entreprises étrangères qui le souhaitent de s’installer chez nous pour mener des activités commerciales rayonnant sur la région et le monde. De plus, Maurice est en mesure aujourd’hui de proposer aux investisseurs des produits diversifiés capables d’optimiser leurs investissements. À titre d’exemple, les entreprises internationales bénéficient d’une fiscalité faible, voire nulle dans certains cas. Une entité détenant un permis de Global Business Company (GBC) de catégorie 1 peut, par exemple, bénéficier de 37 accords de non double imposition que Maurice a signés.
À l’ère de la concurrence mondiale, notre pays doit néanmoins continuer d’innover pour conserver son avantage concurrentiel. Maurice a mauvaise presse en partie à cause de son succès. Il y a certes des lacunes comme partout, mais le plus important, c’est de faire de notre mieux pour les combler. Maurice est déjà hautement réglementée car elle applique plus de règlements que la plupart des autres centres financiers.
Face à la mutation en cours dans les services financiers, doit-on se raccrocher à nos acquis ou rechercher d’autres voies ?
Avec les changements dans la fiscalité internationale (FATCA, BEPS, DTA, etc.), nous allons devoir repenser notre façon de travailler. Le DTA (Double Taxation Agreement, accord de non double imposition -NDLR) avec l’Inde continue d’être un sujet de litige, ce qui inquiète la communauté des investisseurs. Nous devons aussi voir cela comme une opportunité pour lancer de nouveaux secteurs dans notre économie, tels que la gestion de patrimoine, la banque d’investissement, la Fintech, la Blockchain, l’intelligence artificielle, la robotique et l’innovation. Mais nous devons aussi attirer les meilleurs talents pour diriger ces secteurs.
La Fintech est-elle la solution miracle et comment faire pour réussir dans ce domaine ?
Il est un fait que le paysage traditionnel des services financiers est perturbé par l’arrivée de nouveaux venus exploitant la technologie pour fournir des services plus efficaces aux entreprises et particuliers. L’émergence de la Fintech est sans aucun doute une opportunité pour Maurice car nous avons un secteur financier robuste et un secteur des TIC (Technologies de l’information et de la communication) dynamique. La Fintech peut aider Maurice à se positionner comme une économie numérique à condition d’encourager de nouvelles entreprises commerciales, tant dans les services financiers que dans les industries technologiques, et les encourager à exporter à l’échelle mondiale. De plus, Maurice est idéalement positionnée entre l’Afrique et l’Asie avec une connectivité maritime et aérienne fiable et l’Internet à haut débit. Toutefois, nous devons nous assurer qu’il y a les structures juridiques appropriées pour éliminer toutes les failles possibles.
Que fait la SBM pour intégrer la Fintech et êtes-vous satisfait du calendrier ?
La quatrième révolution industrielle est en marche, avec la Fintech, la Blockchain, l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, le Big Data et la robotique. Elle transformera le paysage bancaire. Seuls ceux qui pour ront s’adapter survivront. À la SBM, nous investissons massivement dans la technologie et le numérique depuis quelques années déjà. Le dernier né de notre nouvelle famille de produits est le Signature Pad, un dispositif permettant à la banque d’adopter un mode sans papier pour toutes les demandes des clients. La SBM est la première institution bancaire de Maurice à avoir lancé cette nouvelle technologie dans le cadre de sa stratégie de banque numérique. Nous avons récemment réactualisé nos services bancaires en ligne et mobiles. Nous avons lancé SBM Now qui permet à un client d’ouvrir un compte, de recevoir une carte et d’activer le service en ligne en une heure. Nos clients peuvent faire des demandes de prêts en ligne et recevoir leurs relevés bancaires par e-mail. Je tiens à souligner que le numérique n’est pas seulement une application, un canal, mais une stratégie visant à changer la culture de la banque pour qu’elle soit vraiment centrée sur le client. La digitalisation est un pilier de la stratégie de la SBM.
Grâce aux services bancaires en ligne et mobiles, un client peut ouvrir un compte, recevoir une carte et activer le service en ligne en une heure. DR
Quelle est la politique de la SBM pour les cryptomonnaies ?
Notre priorité est d’améliorer la qualité de service en innovant. Nous examinons plusieurs nouvelles technologies, telles que le programme d’analytique client, l’intelligence artificielle, la robotique et la Blockchain. Nous installons graduellement certaines technologies, par exemple la Robotic Process Automation (RPA) qui permet une plus grande efficacité grâce à l’automatisation de tâches.
À ce stade, plusieurs projets interbancaires au niveau international mettant à profit la Blockchain et les cryptomonnaies sont en cours d’exploitation, en veillant à ce qu’un niveau de contrôle approprié soit appliqué. À Maurice, nous devrions nous en inspirer et établir nos propres modèles d’utilisation. SBM fait partie des premières banques à parler de la Blockchain. J’ai personnellement facilité la visite de Joseph Lubin, fondateur de ConsenSys et co-fondateur d’Ethereum. Il a proposé une réflexion stratégique portant sur la possibilité de faire de Maurice un pôle mondial d’innovation et de Blockchain. Avec la nouvelle législation sur les Sandbox et considérant le fait que nous opérons à petite échelle, nous pouvons facilement devenir un laboratoire pour tester ces nouvelles technologies avant leur adoption à l’échelle mondiale.
Comment la Fintech peut-elle aider à mieux pénétrer les marchés, notamment en Afrique ?
Une grande partie de la population du continent demeure non bancarisée. Mais l’inclusion financière en Afrique subsaharienne s’est considérablement améliorée avec l’avènement du Mobile Money account ownership. Ceci est un exemple flagrant qui démontre comment l’absence d’infrastructure bancaire traditionnelle a permis aux sociétés de technologie financière de révolutionner le marché des services financiers sur le continent. La Fintech peut ainsi aider à rendre les services bancaires plus accessibles à ces populations. Elle contourne l’absence d’infrastructures et élimine les opérations souvent coûteuses du système bancaire traditionnel.