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« Nous nous appuyons sur la « Solid Waste Strategy », résultat d’une étude financée par l’Agence française de développement (AFD).
Maurice

KAVY RAMANO, MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT : « Un incinérateur serait un frein à l’économie circulaire »

Kavy Ramano, ministre de l’Environnement, de la Gestion des déchets solides et du Changement climatique depuis novembre 2019, explique pourquoi et comment Maurice va s’engager dans l’économie circulaire…

L’Éco austral : Le coeur de votre mission est la gestion des déchets solides et donc de l’économie circulaire. Quelles sont vos ambitions ?  
Kavy Ramano
: Nous voulons passer d’une économie linéaire – où les déchets sont collectés, enfouis ou brûlés – à une économie circulaire où les produits ont une autre vie après leur cycle initial prévu. Ils deviennent alors des intrants pour d’autres produits. Si l’État met en place tous les cadres légaux (dont fiscaux), infrastructurels et administratifs nécessaires, c’est au secteur privé de s’y investir pour créer cette nouvelle filière économique. 

Cette mise en place pose la question du volume qui est aujourd’hui insuffisant pour créer une vraie filière locale. Comment faire ? 
Effectivement, la rentabilité de cette filière passe par un volume critique suffisant. Aussi, nous nous appuyons sur la Solid Waste Strategy, résultat d’une étude financée par l’Agence française de développement (AFD). Nous en sommes à la seconde phase qui vise à valider la faisabilité du projet. Nous voulons réduire, d’ici 2030, l’envoi d’au moins 70 % de nos déchets au centre technique d’enfouissement (CET) de Mare Chicose. Nous allons les acheminer vers des usines de compostage, des centres de tri et des stations de méthanisation. 

Comment allez-vous organiser le tri à la source ? 
Chaque foyer mauricien aura à sa disposition deux poubelles (une pour les déchets organiques et l’autre pour les recyclables). La Solid Waste Strategy permettra de connaître le nombre nécessaire de centres de compostage et de centres de tri, et d’identifier le partage des responsabilités entre les collectivités locales et l’État. Nous avons déjà cinq stations de transfert où nous prévoyons la construction de déchetteries. La population pourra y déposer ses déchets encombrants comme les pneus et les batteries… La réussite de notre stratégie passe par l’adhésion de tous les Mauriciens. Cela nécessite un gros travail de sensibilisation et d’éducation. Il y aura des incitations financières pour promouvoir le recyclage, mais aussi une réglementation  visant à interdire certains déchets dans les stations de transfert et au CET de Mare Chicose. 

Cela sous-entend un cadre réglementaire pour classifier les déchets ? 
Une étude sur les caractéristiques de nos déchets sera réalisée. Elle pendra en compte leur taux d’humidité et donc leur valeur calorifique. Sur les 740 000 tonnes de déchets enfouis au CET, nos analyses prouvent que 50 % à 60 % sont compostables et 20 % recyclables. Il y a également 14 % de déchets plastiques… 

 

L’économie circulaire devrait générer de nouvelles activités avec des emplois à la clé.
L’économie circulaire devrait générer de nouvelles activités avec des emplois à la clé.  © Stocklib/Hroephot

Qu’en est-il des 125 millions de bouteilles en Polyéthylène Téréphtalate (PET) mises sur le marché à Maurice chaque année ? 
Pour le moment, 40 % de ces bouteilles sont collectées et transformées en flocons qui sont exportés en vue de leur recyclage. Pour collecter plus de bouteilles en PET, nous en avons étendu la définition. Outre celles qui contenaient de l’eau et des boissons gazeuses, nous avons ajouté celles qui contenaient des condiments et des matières huileuses. Les règlements existants seront modifiés afin de renforcer le concept de « responsabilité élargie des producteurs » (REP). Pour cela, le champ d’application du système de permis PET sera élargi à l’emballage local de denrées alimentaires dans des contenants en PET et à l’importation de boissons et de denrées alimentaires dans des contenants en PET. Avec ce règlement, un titulaire de permis devra engager les services d’un recycleur de PET enregistré pour collecter un maximum de bouteilles PET du flux de déchets à recycler et de soumettre des déclarations annuelles à mon ministère. Au 15 janvier 2021, dix articles à usage unique, tels que les assiettes, gobelets, bols, couverts et barquettes jetables, seront interdits. Nous laisserons six à neuf mois aux importateurs pour écouler leur stock. Les sacs transparents dits « roll-on », les petits sacs n’excédant pas 300 cm2 et les sacs en plastique destinés à l’exportation seront interdits. Posséder ces sacs en plastique deviendra même une infraction à compter du 15 janvier 2021. 

Par quel type de process pourra-t-on transformer les déchets non recyclables en combustible solide de récupération ? 
Ces matières peuvent être transformées en « Refuse Derived Fuel » (carburant dérivé des déchets – NDLR), par un processus complexe de séchage, de broyage, de compression et d’extrusion de la fraction combustible en briquettes. Néanmoins, ce processus peut être coûteux en raison du prétraitement nécessaire. 

Certains médias locaux évoquent la création d’un incinérateur. Qu’en est-il ? 
Un incinérateur fait partie de l’économie linéaire. Or nous passons à une économie circulaire et, pour qu’elle soit rentable, il faut un volume de déchets adéquat. L’économie circulaire, c’est du recyclage, du compostage et du « re-use ». 

Peut-on imaginer une collaboration avec La Réunion ? 
Une collaboration régionale dans le cas de déchets nécessitant une masse critique peut se faire. Certains déchets pourront être valorisés à Maurice, mais pour d’autres, ça ne sera pas possible. Lors d’une récente mission à l’île soeur, nous avons rencontré des acteurs politiques et des opérateurs économiques comme Cap Business océan Indien. Et comme de nombreux États, surtout asiatiques, refusent maintenant de recevoir des déchets en plastique, cela ouvre une filière de coopération entre nos deux territoires. Il y a aussi deux projets en cours : Le projet « Contribuer à la réduction de la pollution plastique et à l’innovation technologique dans les pays du sud-ouest de l’océan Indien » (Projet ExPLOI) sur les bouteilles en PET, mené par la Commission de l’océan Indien (COI), et le projet « Approche régionale de la gestion des déchets dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien », piloté par Cap Business océan Indien, qui se concentre sur le PET, les huiles, pneumatiques et batteries usagés.  

Kavy Ramano

Kavy Ramano le francophone 

Ses discours en français à l’Assemblée nationale détonnent car, habituellement, on y parle plutôt la langue de Shakespeare. Kavy (Kavydass) Ramano est notaire de profession, il est titulaire d’un MBA International Paris de l’université Panthéon Sorbonne.