Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

n

Eco Austral - Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

La démocratie est morte, vive « l’État de droit » !
France

La démocratie est morte, « vivre l’État de droit » !

Les députés français élus le 7 juillet ont désigné la présidente de l’Assemblée nationale et les présidents des commissions en réussissant le tour de force de n’accorder aucun poste au Rassemblement national, premier parti en nombre d’électeurs. Au nom de l’État de droit et des valeurs républicaines.

On assiste à la fin de la démocratie représentative en France comme dans le reste de l’Europe. Le mal a frappé il y a moins de vingt ans, quand la classe politique valida de son propre chef un traité constitutionnel européen, rebaptisé traité de Lisbonne, moins de deux ans après que les Français, mais aussi les Néerlandais, l’eurent rejeté par référendum (29 mai et 2 juin 2005), au terme de débats passionnés et loyaux.

C’est à cette époque-là que l’on commença à sortir du placard un concept juridique, « l’État de droit », qui avait fait jusqu’au milieu du XXe siècle l’objet de débats entre constitutionnalistes allemands. Pour cette raison même, en raison de sa malléabilité, on se plut à l’opposer à la démocratie, une pratique dont l’Europe occidentale avait tout lieu d’être fière et qui avait l’avantage d’être aisée à définir : « Notre Constitution est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre » (Thucydide) ; c’est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » (Lincoln).

L’invention de la démocratie est communément attribuée à la Grèce et plus précisément à la cité d’Athènes, il y a vingt-cinq siècles. La démocratie, c’est comme l’étymologie l’indique (démos, « peuple », et kratos, « pouvoir ») un régime politique qui confère le pouvoir de légiférer et gouverner à la communauté des citoyens, chacun disposant d’une voix sans distinction de classe ou de statut.

Dans la Grèce antique, les citoyens étaient les hommes libres de la cité, à l’exclusion des femmes, des esclaves et des étrangers libres (« métèques ») :

• Les femmes étaient placées sous l’autorité de leur père et de leur mari comme il va encore dans de nombreuses sociétés hors de la sphère occidentale ; de ce fait, elles n’étaient pas habilitées à prendre part aux assemblées civiques.

• Les esclaves, qui devaient leur condition à leur capture ou à une dette, n’étaient pas davantage habilités à débattre.

• Les « métèques », qui avaient d’autres attaches, ne pouvaient davantage participer au gouvernement de la cité.

Ces restrictions, évidentes dans le contexte de la Méditerranée antique, faisaient toute la force de la citoyenneté, un privilège qui mettait le pauvre et le riche à quasi-égalité, au moins sur le plan politique. Rome, servie par ses légions et leurs chefs (le mot « empereur » vient d’imperium, qui désigne le pouvoir militaire), eut raison de cette démocratie antique et il s’écoula près de deux mille ans avant que la démocratie réapparaisse en Europe occidentale.

Le droit de vote fut accordé progressivement à tous les hommes sans distinction de revenu ou de statut, ainsi qu’aux femmes, celles-ci ayant dès l’an mil obtenu en Occident une quasi-égalité de droits avec les hommes. En furent exclus les étrangers et les indigènes des colonies, sauf à ce qu’ils manifestent une volonté exemplaire d’assimilation.

Les Français ont régulièrement manifesté leur attachement à cette démocratie représentative qui les conduisait à faire des choix politiques clairs et déterminants par-delà les clivages sociaux. En 1936 (Front populaire), en 1946 comme en 1958 (constitutions), en 1981 (présidentielles), en 1986 (législatives), en 1992 (traité de Maastricht) ou encore en 1997 (législatives), chaque camp transcendait les classes sociales et rapprochait paysans, ouvriers, cadres, fonctionnaires, citadins, ruraux, bourgeois, catholiques, agnostiques, etc. Les enseignants et artistes pouvaient unir leurs votes avec ceux des ouvriers, les paysans catholiques de l’Ouest avec ceux des bourgeois de Neuilly…

Le référendum de 2005 a brisé cette machinerie fragile. Pour la première fois en France, il a produit un affrontement de classes et non plus d’idées, révélant la sécession des classes supérieures mondialisées.

andré larané dr(5)
André Larané ©Droits réservés

André Larané : Fondateur en 2004 de herodote.net, sans doute le meilleur site d’Histoire en langue française, André Larané en dirige la rédaction après une première carrière dans le journalisme scientifique. Passionné d’Histoire depuis la petite enfance, il a suivi une maîtrise d’Histoire à l’Université de Toulouse en parallèle avec des études d’ingénieur à l’École centrale de Lyon (1973-1976).
Il a publié chez Flammarion plusieurs manuels d’Histoire, régulièrement réédités : Chronologie universelle, Les grandes dates de l’Histoire de France... Et en octobre 2022, aux éditions L’Artilleur, La France en héritage – Ce que la France a apporté au monde.

Add Comment