La doxa écologiste face aux réalités africaines
Au nom de la transition énergétique prônée par l’Occident « vertueux », l’Afrique subit d’énormes dégâts environnementaux. Quant aux Européens qui viennent en Afrique pour y observer les éléphants, ils ne comprennent pas que les Africains sont condamnés à vivre au quotidien avec des géants qui dévastent leurs cultures…
L’exploitation du cobalt, utilisé dans la construction de batteries à l’usage des véhicules électriques, tout à la fois point alpha et oméga de la « transition écologique » voulue par les nantis de l’Occident – moins de 500 millions d’habitants sur plus de 8 milliards d’humains -, cause d’énormes dégâts environnementaux dans un pays comme la RDC qui possède entre 60 %
et 70% des réserves mondiales de ce minerai.
Or, au nom de l’écologie, les « vertueux » pays du Nord ferment les yeux sur l’exploitation anarchique contraire à toutes
les règles et à toutes les normes environnementales. Partout, d’énormes trous sont produits par l’exploitation des minerais. Partout, des mines sauvages opèrent un véritable mitage de la forêt et le déversement de leurs déchets polluent définitivement les cours d’eau. Un massacre environnemental et sanitaire justifié au nom de l’insolite impératif moral du « sauver la planète ».
Toujours au nom de l’écologie, mais sous sa facette du « réchauffement climatique », les « vertueux » nantis des pays du Nord ont donc banni les moteurs thermiques… Pour le plus grand profit des épavistes africains qui importent par centaines de milliers les véhicules privés de ces vignettes colorées permettant, tels les octrois de jadis, de pénétrer dans les boboland urbains afin de ne pas y heurter les délicates narines de leurs habitants… Peu importe à ces derniers que les villes africaines suffoquent sous les nuages de millions de véhicules dont le Nord s’est débarrassé puisqu’il est désormais possible de pédaler le long des voies sur berges parisiennes…
Des villages entiers privés de subsistance
Les nantis d’Europe ou d’Amérique du Nord viennent en Afrique pour y observer les éléphants en ne comprenant pas que les Africains, eux, doivent vivre au quotidien avec ces derniers. Or, si le braconnage indigène a quasiment éliminé ces géants d’une grande partie de l’Afrique, les quelques pays (Afrique du Sud, Botswana, Namibie, Zimbabwe, Tanzanie, Kenya) qui ont véritablement et efficacement décidé de les protéger sont face à une réalité que les Marie-Chantal de l’écologie ne peuvent comprendre. En effet, et comme l’a dit si justement Mokgweetsi Masisi, président du Botswana, « nous payons le prix de la préservation de ces animaux pour le monde entier ». En effet, à peine plus grand que la France, le Botswana est un exemple de préservation de la faune sauvage, 40 % de son territoire étant classé comme espaces naturels protégés, et il compte à lui seul près d’un tiers de la population mondiale d’éléphants, soit 130 000 individus. Le résultat de cette politique est qu’aujourd’hui, le Botswana est un pays sinistré par les éléphants qu’il protège et où leur nombre a triplé depuis le milieu des années 1980. Or, les éléphants ne sont pas comme les chevaux que l’on peut garder dans de grasses prairies entourées de jolis rubans blancs. Ce sont des animaux impossibles à cantonner dans des réserves et qui circulent donc librement, tuant du bétail, piétinant les récoltes, arrachant les arbres fruitiers et provoquant des incidents régulièrement mortels avec les malheureux paysans voulant défendre leurs maigres récoltes. Dans le delta de l’Okavango, des milliers de villageois subissent ainsi les nuisances et les dangers liés à la présence de ces éléphants maraudeurs mais totalement protégés. À telle enseigne que dans certains secteurs, l’agriculture est devenue impossible, ce qui prive des villages entiers de leurs moyens de subsistance. Aussi, sous la pression des communautés locales, en 2019, le président Mokgweetsi Masisi a décidé de rétablir des quotas limités de chasse à l’éléphant, comme avaient déjà été contraints de le faire auparavant la Namibie et le Zimbabwe pour les mêmes raisons. L’objectif affiché était certes de réduire le nombre des éléphants, mais, compte tenu des très faibles quotas d’abattage décidés, le but principal était surtout de les éloigner des villages tout en faisant rentrer
des devises.
La chasse produit d’énormes effets induits : travail offert aux communautés villageoises, transport, vivres, pisteurs, accompagnateurs, taxes et nombreux frais dont un onéreux permis de chasse s’élevant à plusieurs dizaines de milliers de dollars, sans compter une taxe d’abattage d’environ 35 000 dollars par éléphant. Mais une chasse extrêmement limitée et contrôlée puisqu’elle ne porte que sur un total de 70 éléphants pour une population de 130 000. Un abattage de 70 éléphants qui a rapporté deux millions de dollars en 2020, somme qui a permis, entre autres, de dédommager les agriculteurs et de les décourager d’empoisonner les points d’eau afin de se débarrasser d’animaux qu’ils considèrent comme des prédateurs.
Une menace pour toute la faune
Il est évident que les chasseurs, souvent des Allemands, ayant payé de telles sommes, désirent tout naturellement rentrer
chez eux avec leurs trophées. Or Bruxelles interdit l’importation de trophées comme la tête, la peau ou les défenses d’animaux protégés. Une excellente mesure quand elle s’applique à des trophées non issus d’une chasse officielle, ce qui permet de bloquer les achats de contrebande. En revanche, il s’agit d’un non-sens quand ces trophées proviennent
d’animaux contingentés tirés dans des territoires gérés par des guides professionnels et dont les permis ont été délivrés officiellement. Or, sous la pression des « Verts », le ministre allemand de l’Environnement a évoqué la possibilité d’interdire l’importation de tels trophées, même provenant d’animaux, certes protégés à l’échelle continentale, mais surabondants dans certains pays où ils ont été officiellement chassés. Cette décision pénalisant le Botswana, son président a écrit dans la revue Bild que si cette mesure était appliquée, il offrirait 20 000 éléphants à Berlin pour que « les Allemands commencent à comprendre ce que les Botswanais vivent au quotidien ». Selon lui, la chasse est en effet le seul moyen de réguler le nombre d’éléphants avec lesquels la cohabitation est de plus en plus difficile.
Régulièrement plongées dans l’irénisme, les « associations » assurent que d’autres moyens existent pour contrôler les populations d’éléphants, notamment l’immunocontraception qui permet de bloquer la fécondation de l’ovule chez la femelle. Certes, mais les éléphants vivant plusieurs dizaines d’années, il s’agit d’une mesure qui pourrait, peut-être, avoir des effets sur le long terme. Dans l’immédiat, si rien n’est fait, les agriculteurs des pays concernés qui n’ont pas l’intention de mourir de faim pour obéir aux oukazes néo-coloniaux des groupes de pression écologistes, vont refaire ce qu’ils faisaient il y a encore une vingtaine d’années : pour sauver leurs cultures, ils vont empoisonner les points d’eau… et toute la faune qui vient s’y abreuver disparaîtra.
Le parc Kruger menacé : En Afrique du Sud, les éléphants sont à ce point nombreux que tout l’écosystème du parc Kruger est menacé car les éléphants déracinent les arbres pour en consommer les feuilles. Comme il est impossible de déplacer – et par quels moyens ? – ces mastodontes qui finissent toujours par revenir sur leur territoire en ravageant tout sur leur passage, seul l’abattage sélectif et raisonné peut éviter que dans une à deux décennies, le parc Kruger ressemble à la savane malienne. Or, les associations exercent un chantage sur les autorités sud-africaines chargées de la conservation : si les abattages reprennent, les subventions seront interrompues. Le parc Kruger et ses millions d’animaux peuvent donc mourir au nom de la religion écologiste.
Bernard Lugan : Historien français spécialiste de l’Afrique où il a enseigné durant de nombreuses années, Bernard Lugan est l’auteur d’une multitude d’ouvrages dont une monumentale Histoire de l’Afrique. Et il vient de rééditer son Histoire de l’Afrique du Sud. Il a été professeur à l’École de guerre, à Paris, et a enseigné aux écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il a été conférencier à l’Institut des hautes études de défense national (IHEDN) et expert auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda-ONU (TPIR). Il édite par internet la publication mensuelle L’Afrique Réelle.