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Réunion

Le charbon est un gros point noir

Emmanuel Macron a officiellement déclaré à Davos le 3 février 2018 que toutes les centrales à charbon en France seront fermées d’ici trois ans (2021). Mais La Réunion a obtenu une dérogation.

Lorsqu’elles tournent à plein régime et en dehors de la saison de la canne, les centrales du Gol et de Bois-Rouge consomment respectivement 1 200 tonnes et 1 100 tonnes de charbon, chaque jour. Elles en utilisent 600 000 tonnes par an et au tarif actuel de 95 euros la tonne, cela représente 57 millions d’euros.
Pour des raisons de sécurité, le stock du Port est complété dès qu’il arrive à la moitié, soit environ 40 jours de consommation. Le charbon est chargé à Richard’s Bay, en Afrique du Sud, distant de 2 881 kilomètres. Le transport jusqu’à La Réunion par cargo est aussi source de pollution ! Les deux centrales possèdent également chacune un petit stock de sécurité.

Recherche biomasse désespérément !

Le problème du charbon est qu’il émet du CO2 mais surtout du SO2 (dioxyde de souffre). 96 % du SO2 mesuré dans l’air à La Réunion provient des centrales du Gol et de Bois-Rouge et de la turbine à combustion (TAC) EDF de Port-Est qui fonctionne au fioul. Les éruptions volcaniques du Piton de la Fournaise sont également responsables d’émissions de dioxyde de souffre dans l’atmosphère, mais ce sont des épisodes limités dans le temps et l’espace. Le problème du SO2 est qu’il se transforme en acide sulfurique au contact de l’humidité de l’air et se trouve à l’origine de pluies acides, très nocives pour la nature. Les pluies acides sont responsables du noircissement des monuments en Métropole et le SO2 participe aux irritations des muqueuses et des voies respiratoires (toux, gêne respiratoire, troubles asthmatiques, etc.) plus fréquentes à La Réunion que dans l’Hexagone. 
Albioma a déjà modifié sa centrale du Galion en Martinique (40 MW) et elle fonctionne aujourd’hui sans charbon, uniquement avec de la biomasse. La biomasse, à La Réunion, on connaît : c’est la bagasse ! Le problème, c’est que toute la bagasse disponible est déjà entièrement utilisée (570 000 tonnes). Il y a heureusement d’autres gisements de biomasse et un Schéma régional biomasse (SRB) est d’ailleurs en cours d’élaboration. Il sera soumis à l’approbation de l’assemblée plénière du Conseil régional au mois de septembre 2019 et devrait être validé par un arrêté préfectoral dès le mois d’octobre.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) écrit : « L’objectif est de parvenir à 53 % de biomasse utilisée dans les centrales du Gol et de Bois-Rouge en 2023, contre 25 % actuellement. » On peut augmenter le volume de bagasse en adoptant des variétés spéciales, mais on ne pourra pas doubler le volume. Il faut exploiter d’autres gisements : mélasses de sucreries, broyat de palettes, déchets végétaux collectés par les EPCI, méthanisation des déchets, espèces invasives, huiles de friture, boues des stations d’épuration, déchets de la pêche, déchets de scieries, etc.
Il est impossible de mettre en place une filière qui fournisse suffisamment de biomasse pour respecter l’échéance de 2021 annoncée par Emmanuel Macron… Sauf si l’on importe des copeaux de bois du Canada, comme cela avait été évoqué un moment !
La Réunion a donc obtenu une dérogation et il faudra encore supporter ce gros tas de charbon du Port jusqu’en 2023, voire 2025.

Et l’hydrogène ?
Il y a un an (1er juin 2018), le ministère de la Transition écologique et solidaire a présenté un « plan hydrogène » qui concerne la Métropole mais également les Zones non interconnectées (ZNI) comme La Réunion. Mais rien de concret ne semble se profiler à l’horizon. En 2017, EDF a en effet expérimenté un micro-grid hydrogène à La Nouvelle, dans le cirque de Mafate. Il s’avère que la technologie est fiable, mais au prix d’un investissement beaucoup trop élevé.