Le déclin de l’ANC s’accélère en Afrique du Sud
Bernard Lugan décrypte trois sujets qui ont marqué l’actualité africaine et sont développés dans le numéro de décembre de sa lettre mensuelle « L’Afrique Réelle » : les élections municipales en Afrique du Sud, la crise entre l’Algérie et le Maroc et la situation en Éthiopie…
En Afrique du Sud, les élections municipales, qui se sont déroulées le lundi 1er novembre 2021, ont marqué à la fois la fin de la domination absolue de l’ANC sur la scène politique du pays et l’émergence de nouvelles forces ethniques ou catégorielles. Certes, l’ANC reste le premier parti, mais son déclin s’accélère car il passe de quasiment 70 % des voix en 2011 à 46 % en 2021.
Le parti de Nelson Mandela paie le prix de ses prévarications, de sa gestion calamiteuse, de son incapacité à assurer la sécurité, et des luttes internes entre ses factions affairistes, clientélistes, ethniques et racialistes.
Crise entre l’Algérie et le Maroc
Entre l’Algérie et le Maroc, la crise s’exacerbe chaque jour un peu plus sur fond de course aux armements. Alors que le Maroc se tient sur la réserve, l’Algérie souffle sur le feu. Après avoir unilatéralement rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, puis après avoir interdit son espace aérien aux avions civils marocains et mis un terme au projet de gazoduc à destination de l’Espagne transitant par le Maroc, le discours guerrier algérien est encore monté d’un niveau après la destruction de deux camions algériens par un drone marocain.
Que cherche donc Alger en jouant aussi dangereusement avec le feu ?
La réponse est claire : l’Algérie est économiquement en faillite et politiquement au bord du précipice avec une jeunesse qui n’a plus qu’un seul espoir, la migration vers l’Europe… Quant à l’armée, dont 30 généraux sont ou ont été emprisonnés, elle est divisée en clans qui se haïssent. Le « Système » est donc aux abois et c’est pour retarder l’inévitable implosion qu’il s’est engagé dans une fuite en avant nationaliste qui lui sert de stratégie de survie.
Éthiopie : le chaos
En Éthiopie, en raison des apparentements ethniques transfrontaliers, la guerre qui oppose actuellement l’armée éthiopienne aux sécessionnistes du Tigré, rejoints par plusieurs forces ethniques opposées au gouvernement central, est une menace gravissime pour la stabilité de toute la Corne. Le fond du problème, et les abonnés à L’Afrique Réelle le savent, est que les Tigréens qui sont à l’origine de l’Ethiopie et qui, en 1991, ont sauvé le pays, n’acceptent pas l’ethnomathématique électorale qui les condamne à se trouver sous la tutelle de leurs anciens vassaux au seul motif que ces derniers sont électoralement plus nombreux qu’eux.
Comme partout ailleurs en Afrique, le système démocratique occidentalo-centré du one man, one vote a donc débouché sur le chaos. Un chaos amplifié par l’intransigeance guerrière du Premier ministre Abiy Ahmed… prix Nobel de la Paix 2019.
L’auteur
Historien français spécialiste de l’Afrique où il a enseigné durant de nombreuses années, Bernard Lugan est l’auteur d’une multitude d’ouvrages dont une monumentale Histoire de l’Afrique. Parmi les plus récents, on peut citer Mythes et manipulations de l’histoire africaine, L’Atlas historique de l’Afrique des origines à nos jours et Les guerres du Sahel des origines à nos jours. Il a été professeur à l’École de guerre, à Paris, et a enseigné aux écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il a été conférencier à l’Institut des hautes études de défense national (IHEDN) et expert auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda-ONU (TPIR). Il édite par Internet la publication mensuelle L’Afrique Réelle.