Le portrait non autorisé du Premier ministre Manuel Valls
En septembre 2011, la lettre confidentielle « Faits & Documents » avait réalisé un portrait très détaillé et sans complaisance de ce jeune loup socialiste. Un professionnel de la politique dont on parlait, à l’époque, comme plausible secrétaire d’État d’ouverture sarközyste.
« La gauche Prada, c’est lui ! […] Voici le bellâtre du PS qui veut rendre sexy la gauche : col mao, cravates roses et vacances en Toscane. » (Technikart, septembre 2009).
« Le socialisme, ça a été une merveilleuse idée, une splendide utopie, mais c’était une utopie inventée contre le capitalisme du XIXe siècle […] C’est juste devenu un mot-prison qui empêche d’avancer", expliquait Manuel Valls lui-même dans « Pour en finir avec le vieux socialisme… et être enfin de gauche ». Et le 10 juin 2009 : « C’est minuit moins le quart avant la mort clinique du Parti socialiste […] Le mot socialiste ne veut plus rien dire. »
Déjà en 2007, il se voulait prémonitoire dans l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles » : « Nous sommes au bout d’un cycle : une grande partie des idées de gauche se sont épuisées. Pour que le PS retrouve une crédibilité, il doit être porteur d’un projet vraiment différent. Cela demande du temps et beaucoup de travail. »
Du temps, il en a fallu très peu au jeune cinquantenaire pour arriver au sommet du gouvernement. Une ascension qu’on peut même qualifier de fulgurante pour cet Espagnol devenu français seulement en 1982.
De la légende à la réalité
Né le 13 août 1962 à Barcelone – donc dans l’Espagne franquiste, Manuel Valls n’a pas grand chose à voir avec le fils d’immigré classique, besogneux mais monté à la force du poignet. Issu de la bourgeoisie catholique, il est en effet le petit-fils d’un journaliste, enseignant et traducteur, qui figure parmi les grands intellectuels espagnols. Rédacteur en chef d’un journal républicain et catholique, ce grand-père cacha des religieux, notamment des prêtres, durant la guerre civile, alors que ces derniers risquaient d’être tués par les trotskistes, les communistes et les anarchistes.
Manuel Valls est aussi le fils d’un artiste peintre catholique catalan réputé, Xavier Valls, né le 18 septembre 1923 à Horta (Espagne) et décédé en 2003. Ce dernier effectua sans aucun problème ses études artistiques durant la guerre civile (école Massana), avant de travailler dans le vitrail, l’orfèvrerie et l’architecture. Fondateur en Espagne du Cercle Maillol, créé au sein de l’Institut français de Barcelone, Xavier Valls s’installe à Paris en 1949 (tout en exposant régulièrement en Espagne), se lie avec Henry de Montherlant, Fernand Léger, Jean Genet, Hugo Pratt, Vladimir Jankélévitch, etc. Il remporte de nombreux prix en Espagne, en France et dans les pays sud-américains. Ses tableaux, très cotés, figurent dans de nombreux musées internationaux, notamment français (un portrait du jeune Manuel Valls a même été exposé au musée de l’Orangerie en 2010). Son père se rend très régulièrement en Espagne et c’est là que naîtra Manuel Valls. Il faut donc très certainement mettre au compte de la légende les sorties régulières sur « l’ambiance de plomb du régime franquiste » qui aurait poussé son père à « émigrer » outre-Pyrénées.
Xavier Valls épousa en 1958 Luisangela Galfetti, une Suissesse originaire du Tessin ayant quitté son pays natal pour l’Italie à 20 ans, également issue de la grande bourgeoisie.
Son oncle, l’architecte Aurelio Galfetti, a notamment restauré le Castel Grande de Bellinzone.
Un professionnel de la politique
Manuel Valls a épousé en 1987 Nathalie Soulié, enseignante (connue à la faculté de Tolbiac) devenue secrétaire d’AB Associates, la société de conseil d’Alain Bauer. Il a eu, avec elle quatre enfants, avant d’en divorcer pour se remarier, le 1er juillet 2010, avec (son « amour de ses 20 ans ») la violoniste Anne Gravoin, premier prix du conservatoire supérieur de musique de Paris, accompagnatrice de Charles Aznavour, Laurent Voulzy, Liza Minelli et Marc Lavoine. Manuel Valls est un Français de fraîche date puisqu’il n’a finalement opté pour la nationalité française qu’en 1982 (il ne vote donc pas en 1981). Il profita d’ailleurs de la loi de décembre 1983 qui levait l’interdiction faite aux naturalisés récents (moins de dix ans) de briguer un mandat électoral. Passé par le lycée Charlemagne de Paris, la faculté de Tolbiac et la Sorbonne, il serait titulaire d’un DEA d’histoire (qui n’apparaît pourtant pas au « Who’s Who »). Il a effectué toute sa carrière comme permanent, apparatchik et professionnel de la politique, après avoir œuvré dans le syndicalisme étudiant. Contrairement à ce qu’indique Denis Pingaux, dans « À gauche de la gauche » (Seuil, 2000), il n’a, semble-t-il, jamais appartenu à l’Organisation communiste internationaliste (trotskystes lambertistes) comme tant d’autres futurs cadres socialistes, ayant bien plutôt rejoint, à 17 ans, les jeunes rocardiens (avant de rallier Lionel Jospin), composante majeure de la « deuxième gauche ». Très vite, il devient le conseiller pour les affaires étudiantes de Michel Rocard. Il sera donc l’un des principaux responsables du Mouvement des jeunesses socialistes, notamment comme responsable de ses relations internationales (il parle au moins quatre langues) et président des Clubs Forum pour accompagner la candidature – avortée – de Michel Rocard à l’élection présidentielle. Dans le même temps, il se constitue « un solide réseau d’amitiés, via le syndicalisme étudiant (Unef-ID) dans lequel il s’engage à fond. Ses complices du moment ont pour noms Julien Dray, Jean- Christophe Cambadélis (« L’Événement du jeudi », juin 1996) ». On trouve également Stéphane Fouks, reconverti dans le lobbying et la publicité (grand patron d’EuroRSCG Worldwide), et Alain Bauer, futur grand maître du Grand Orient de France (GODF) qui sont passés du rocardisme au sarközysme.
Au comité directeur du Parti socialiste à 27 ans
Les liens sont étroits avec Alain Bauer. En effet Bauer et Fouks appartiennent à la même loge du GODF, « L’Infini maçonnique » (Le Nouvel observateur, 21 avril 1994). Manuel Valls assure qu’il ne fréquente plus les loges et en a démissionné (L’Express, 23 août 2007). Cette appartenance maçonnique a quand même très certainement été un formidable accélérateur de carrière. On le retrouve comme assistant parlementaire de Robert Chapuis (ex-PSU) à l’Assemblée nationale (1983-1986), puis au secrétariat d’État à l’Enseignement technique (mai-juin 1988). Manuel Valls passe ensuite à Matignon auprès de Michel Rocard, comme attaché parlementaire, puis chargé de mission (relations avec l’Assemblée nationale, relations avec les jeunes). Par la suite, il sera délégué interministériel adjoint aux jeux olympiques d’Albertville (1991-1992), puis chargé de mission pour le Grand Stade. À 24 ans, il est parachuté dans le Val d’Oise, devenant patron du PS d’Argenteuil-Bezons. Il sera ensuite premier secrétaire de la fédération du Val d’Oise, maire adjoint de la mairie communiste d’Argenteuil (1982-1998), conseiller régional d’Ile-de-France à partir de 1986 (alors au titre de Paris), il est sévèrement battu en 1993, arrivant en quatrième position (11,94%) au premier tour des élections législatives dans la 4e circonscription de ce département. En 1997, il se présente cette fois dans la 5e circonscription du Val-d’Oise, tentant de « dégommer » Robert Hue, qui l’emporte au premier tour. Il change alors de département, le PS ne voulant pas déplaire à Robert Hue, alors patron du PCF, et s’implante dans l’Essonne. Chargé de la communication de Lionel Jospin à partir de 1997, il démissionne en avril 2001 après avoir été difficilement élu, maire d’Evry (Essonne), prenant la succession de son « frère », le franc-maçon Jacques Guyard (il n’obtient que 44,17% dans une triangulaire avec Jean de Boishue et l’ancien premier adjoint socialiste – dissident – Pierre-Jean Banuls). Il est encore réélu en 2008 avec 70,28% (quasi moins d’un tiers des inscrits, en raison d’une forte abstention). Considéré comme un « jeune loup », il entre comme suppléant au comité directeur du Parti socialiste à 27 ans, appartenant depuis 1993 au bureau national du PS et étant en charge de la communication à partir de 1993. Il assurera d’ailleurs la communication de Lionel Jospin à l’élection présidentielle de 2002. Signe de son influence montante, il est coopté au club d’influence Le Siècle en 2001. Il figure également sur la liste des participants à la réunion annuelle du Bilderberg Group en juin 2008. Aux élections législatives de 2002, il est enfin élu député, l’ayant emporté, avec 53,2%, dans la 1ère circonscription de l’Essonne, battant l’UMP (et « frère ») Serge Dassault (qui ira jusqu’à participer à son remariage en 2010, étant le seul élu de droite). Il est réélu, en 2007, avec 60,12% face à l’UMP Cristela de Oliveira. Il appelle aussitôt à la refondation du Parti socialiste et demande même son changement de dénomination. Il est très vite approché par Nicolas Sarközy qui lui propose un poste de secrétaire d’État. Il le refuse, mais demeurera en rapport avec l’Élysée, notamment via Alain Bauer. Il est, par exemple, systématiquement invité à la garden-party de l’Élysée le 14 juillet. Dès le 13 juin 2009, il annonce sa possible candidature pour l’élection présidentielle de 2012 et crée son propre club, « À gauche besoin d’optimisme ».
L'univers très solidaire de la franc-maçonnerie
Certaines de ses positions, plutôt réalistes, notamment en matière de sécurité, sur la responsabilité individuelle et partiellement sur l’immigration (refus d’un supermarché exclusivement hallal dans sa commune), sur le départ de l’âge à la retraite, conduisent à le classer dans l’« aile droite » du PS. Dans « Pour en finir avec le vieux socialisme… et être enfin de gauche » et dans bien d’autres textes, il se déclare favorable à des quotas d’immigration, au « déverrouillage » des 35 heures, et approuve l’allongement de la cotisation retraite à 41 ans à condition qu’on organise un départ « à la carte » selon la pénibilité des carrières. En avril 2009, il invite le ministre de l’immigration Eric Besson à Evry. En 2010, il se prononce pour l’envoi de renforts français en Afghanistan. Ses sorties sont telles que Martine Aubry lui envoie une lettre ouverte le 13 juillet 2009 : « Si les propos que tu exprimes reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences et quitter le Parti socialiste. » Jean-Noël Guérini, Gérard Collomb et Jean-Pierre Mignard (tous maçons) lui apportent alors leur soutien. En réalité, il ne s’agit que de rodomontades, votant systématiquement comme son parti (en 2005, il vote « oui » au Traité de Lisbonne alors qu’il était pour le « non »). D’un rare cynisme, il demande que l’on rajoute « quelques blancos » lors d’un reportage dans les allées d’une brocante d’Evry, où il n’y avait que boubous et djellabas. Il se justifie ainsi : « J’ai l’idée au fond, d’une diversité, d’un mélange, qui ne peut pas être uniquement le ghetto. On a besoin d’un mélange. Ce qui a tué la république, c’est évidemment la ghettoïsation, la ségrégation territoriale, sociale, ethnique. »