Le secteur agroalimentaire se dope à l’innovation
Première activité industrielle de l’île, l’agroalimentaire appuie son développement sur une agriculture de plus en plus diversifiée, un outil de production performant et de nombreux acteurs dans la Recherche & Développement.
L ’agroalimentaire, c’est 551 entreprises et 4 211 salariés, dont la plus grande majorité exercent dans des structures de moins de dix salariés (456 entreprises), selon les chiffres communiqués par la CCI de La Réunion. Un secteur dynamique, à l’origine des deux premiers postes d’export sur l’île – le sucre et les produits de la pêche industrielle – et qui dispose de plusieurs groupes à dimension internationale comme Tereos Océan Indien, Marbour, Sapmer et Urcoopa (union de coopératives agricoles). « Si les entreprises agroalimentaires sont toujours présentes sur un marché ultra-concurrentiel, c’est bien qu’elles ont su innover et se renouveler. Sur 60 projets labellisés par Qualitropic en un peu plus de dix ans, nous en avons accompagné une vingtaine dans l’agroalimentaire. Mais les entreprises du secteur n’ont pas nécessairement besoin d’être accompagnées dans la mise au point de leurs produits », estime Françoise Delabaere, directrice de Qualitropic. Ce pôle de compétitivité, le seul de l’Outre-mer français, est spécialisé dans la bioéconomie tropicale, c'est-à-dire tout ce qui a trait à la valorisation des ressources naturelles, à vocation alimentaire et non alimentaire (agriculture, pêche, aquaculture, environnement, santé…).

LA VALORISATION DES COPRODUITS
Dans le domaine de la transformation des produits à destination de l’alimentation, les enjeux sont multiples : amélioration de la qualité nutritionnelle des produits dopée par l’obligation d’afficher la composition des produits depuis décembre 2016, amélioration des coûts de production, lutte contre le gaspillage alimentaire (en travaillant sur la durabilité, la conservation ou encore le conditionnement) , mais aussi valorisation des coproduits dont le potentiel est considérable ainsi que la numérisation des process. « Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour valoriser l’ensemble de ces ressources, souligne Françoise Delabaere. Par exemple, on peut utiliser la vinasse de distillerie pour produire de l’énergie et/ou des fertilisants. Autre exemple avec les produits laitiers : un lactosérum riche en nutriments et protéines est produit à l’issue du process et offre des débouchés dans l’alimentaire avec la possibilité de créer de nouveaux produits. C’est un gain pour l’entreprise, un recyclage ingénieux avec une économie réalisée sur du rebut de l’usine et la possibilité d’un nouveau développement économique. On parle alors de matière première secondaire ». Qualitropic travaille en ce moment même avec les Brasseries de Bourbon pour utiliser les levures et les drèches de bière et créer de nouveaux produits à destination de l’alimentation animale.
LE CRITT : UN OUTIL AU SERVICE DES ENTREPRISES
L’innovation est aujourd’hui incontournable dans l’agroalimentaire pour satisfaire un consommateur toujours plus attentif à ce qu’il mange et à la façon dont c’est produit. Ses attentes sont orientées sur la santé, le mieux-être et le localisme. « Le consommateur veut des produits plus sains et plus simples dans leur composition, meilleurs pour la santé. Ce n’est pas un effet de mode », insiste Françoise Delabaere. Les acteurs sont nombreux sur la place à travailler sur les enjeux de la qualité des aliments, à l’instar du CRITT (Centre régional d’innovation et de transfert de technologie), un outil de la CCI Réunion au service des entreprises. Créé en 1991, son cœur de métier est l’agroalimentaire via un laboratoire de Recherche & Développement axé sur l’amélioration ou la création de produits et un laboratoire d’analyses sensorielles, mais aussi des compétences en QSE (Qualité, Sécurité, Environnement) et en propriété intellectuelle, sans oublier un laboratoire de métrologie… « Nous sommes au service de l’industrie, pour l’aider à améliorer ses produits d’un point de vue nutritionnel, dans notre île marquée par la prévalence du diabète et de l’obésité. Nous avons aidé par exemple à la mise au point de glaces et sorbets sans sucre ou de produits laitiers moins sucrés. Nous réfléchissons également à l’alimentation de demain et étudions l’évolution du comportement alimentaire à La Réunion pour adapter les produits. La tendance est au repas nomade, le snacking sain devient la norme. Sans compter qu’il y a ici un métissage de l’alimentation sur lequel il faut capitaliser », indique Alain Cerveaux, directeur du CRITT.

UNE UNITÉ MIXTE DE RECHERCHE
En 2018, le centre de recherche entend développer son laboratoire d’analyses sensorielles auprès des petites entreprises pour leur permettre de tester leurs produits auprès des consommateurs. Il va aussi réaliser une enquête auprès d’un panel d’au moins 200 à 300 jeunes de 10 à 16 ans aux quatre coins de l’île pour mesurer leurs goûts et attentes en matière de produits sucrés et dresser ainsi une cartographie. « Le modèle d’avant, c’était la politique de l’offre. Aujourd’hui, les industriels essaient de comprendre la demande, vont s’intéresser à chaque segment, presque à chaque consommateur.
L’avenir, ce sont même des ateliers de créativité avec des tests de concept où l’on fabrique le produit avec le consommateur qui fait partie intégrante de la recherche », explique Alain Cerveaux.
Du côté de Ligne Paradis, à Saint-Pierre, l’Unité mixte de recherche UMR Qualisud regroupe des chercheurs, ingénieurs et techniciens issus de l’Université, de l’Esiroi (École supérieure d'ingénieurs Réunion océan Indien) et du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).
UN GROS TRAVAIL SUR LA QUALITÉ SANITAIRE DES PRODUITS
L’UMR Qualisud œuvre dans le domaine de la transformation de l’aliment, du champ à l’assiette. Une quinzaine de personnes sur place (il y a une centaine de personnes dans l’UMR réparties entre Montpellier, Avignon, Cayenne et La Réunion) travaillent sur les processus d’élaboration d’un produit après récolte ou abattage jusqu’à l’appréciation de sa qualité sensorielle en bouche, de sa qualité nutritionnelle, de son bénéfice santé, de son innocuité et de ses propriétés technologiques. « Nous travaillons beaucoup sur la qualité sanitaire des produits. Nous menons des programmes sur les pathogènes post-récolte comme les taches noires des ananas, les maladies des bananiers ; nous nous intéressons à la caractérisation sensorielle et aromatique des produits, le poivre sauvage, le café, le cacao qui est une filière naissante… », explique Marc Chillet, responsable de l’UMR à La Réunion.
L’UMR Qualisud réalise des expertises dans de nombreux domaines de la transformation des produits agricoles tropicaux et méditerranéens d'origine végétale ou animale pour le compte de différents bailleurs ou projets internationaux (Union Européenne, FAO, etc.). Elle intervient dans la zone océan Indien notamment à travers le réseau QualiREG qui réunit chercheurs et professionnels du secteur.