Les banquiers ne prêteront plus qu’aux écolos
L’AFD a organisé une conférence-débat sur les enjeux climatiques dans l’océan Indien à l’IAE (l’école universitaire de management). Il en ressort qu’il ne suffit plus qu’un projet tienne la route économiquement pour trouver du financement. Il doit se préoccuper de l’environnement.
Rien de tel qu’un exemple pour comprendre : imaginez un promoteur immobilier qui veut construire un hôtel-restaurant en bord de mer. Avant de donner son accord, le banquier va maintenant vérifier si le projet ne sera pas impacté par l’élévation du niveau de la mer. Ne riez pas, c’est déjà le cas à Lacanau. Cette station balnéaire réputée d’Aquitaine voit son trait de côte reculer à cause de l’érosion et a décidé dans son nouveau Plan local d’urbanisme (PLU) de bannir toute nouvelle construction sur le front de mer, qui va être déplacé 200 mètres à l’intérieur des terres. À La Réunion, nous n’en sommes pas là, quoique l’érosion de la plage des Roches Noires à Saint-Gilles est inquiétante, moins qu’à Bel Air (Saint-Louis), où la houle cyclonique frappe déjà certaines habitations, mais préoccupante quand même.
Stéphane His, l’un des principaux intervenants à la conférence-débat organisée par l’Agence française de développement (AFD), est lui-même un exemple vivant des changements qui s’opèrent sous nos yeux. Il travaillait auparavant à l’Institut français du pétrole (IFP) et il a été embauché par l’AFD comme expert au sein d’une toute nouvelle division « changement climatique ». Ce « repenti du pétrole », père de trois enfants, a su trouver les mots et les images qui font mouche pour captiver son auditoire, composé d’étudiants en master 1 et 2 des filières bio-climatiques de l’Université de La Réunion, mais aussi de responsables de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), de l’Agorah (agence régionale d’urbanisme), de la Communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), etc. Sans oublier l’Association pour le développement industriel de La Réunion (ADIR). Stéphane His a notamment insisté sur le fait que Donald Trump n’a pas du tout la même vision que ses homologues européens. « The american way of life is not negotiable », a-t-il lancé, annonçant dans la foulée le retrait des États-Unis de l’accord de Paris, signé par son prédécesseur en 2015 lors de la COP21. Donald Trump marque une rupture avec Barack Obama, qui s’était engagé à réduire d’ici 2025 les émissions de 25 % par rapport au niveau de 2005.
Une réorientation des flux financiers
Ces prises de positions des hautes sphères peuvent sembler éloignées, mais un exemple très concret va vous convaincre du contraire. Un plombier qui doit intervenir en centre-ville de Paris ne peut déjà plus le faire quand il y a un pic de pollution car sa vieille camionnette diesel n’a plus le droit de rouler. Son homologue new-yorkais n’a pas ce genre de problème ! Attention, n’allez pas croire que les Américains se fichent de la planète, ils font simplement les choses à leur manière. N’oublions pas qu’ils ont révélé au monde la triche aux émissions de CO2 de certaines marques automobiles, le fameux dieselgate.
On peut aussi citer Bourbon, de Jacques de Chateauvieux, qui s’est spécialisé dans les services maritimes aux sociétés de prospection pétrolière. Est-ce que les banquiers européens ne vont pas rechigner à financer cette activité, non pas qu’elle ne soit pas rentable, mais pour un problème d’image. Ce que Stéphane His appelle le « risque de réputation ». Et de conclure son intervention en précisant que l’AFD est aujourd’hui 100 % conforme aux accords de Paris et qu’elle prend le chemin de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui ne finance plus aucun projet lié aux énergies fossiles. Cette réorientation des flux financiers va s’amplifier.