Les secteurs public et privé en quête de solutions pour l’économie
Impactée par la pandémie, l’économie malgache est entrée dans une phase de ralentissement des activités abaissant la prévision de croissance du PIB pour 2020 à 1,5 %. Ensemble, les opérateurs privés et l’État veulent faire preuve de résilience.
La pandémie de covid-19 a fortement affecté l’économie et les finances publiques malgaches. Le constat macroéconomique fait en effet état d’une perturbation des chaînes d’approvisionnement d’intrants, un ralentissement de la production manufacturière, une diminution de la demande intérieure et extérieure et un problème de disponibilité financière aboutissant ainsi à net ralentissement de la croissance économique. Les secteurs secondaire et tertiaire sont les plus affectés par la crise à cause notamment de la déclaration de l’état d’urgence et des mesures de confinement. Le tourisme, qui enregistre 100 % d’annulations des clients internationaux, en est le plus impacté avec la fermeture totale des frontières depuis le 19 mars, entraînant la cessation d’activité de presque toutes les entreprises du secteur. Les sociétés opérant dans le domaine de l’offshore, notamment les centres d’appels, ont également subi une baisse d’activité de l’ordre de 20 % à 25 %. Et du côté des industries, certaines se trouvent en rupture d’approvisionnement depuis plusieurs semaines. Les entreprises franches, en particulier dans le textile qui emploie 150 000 personnes, ont connu une baisse d’activité atteignant 80 %.
Des soutiens à l’État pour 444 millions de dollars
Le groupement des entreprises franches et partenaires (GEFP) évoque un manque à gagner allant jusqu’à 62 millions de dollars pour les mois de mars et d’avril. La plupart des entreprises souffrent d’une dégradation de leur trésorerie puisque les mesures adoptées depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence entraînent une augmentation des dépenses et une baisse des recettes. Les start-up et les petites et moyennes entreprises (PME) sont les plus mal en point. Il leur faudra beaucoup de temps et de moyens pour remonter la pente car, en temps ordinaire, elles font déjà les frais d’un climat des affaires qui n’a rien de paisible. Des solutions pour elles seraient le report du paiement des impôts vers la fin de l’année, voire des exonérations ou des allègements fiscaux.
En conséquence du ralentissement généralisé des activités économiques, le taux de croissance pour 2020 est révisé à 1,5 % contre une prévision initiale de 5,5 % et le taux d’inflation est révisé à 7,2 % contre une prévision de 6,6 %. Les recettes fiscales et douanières, initialement prévues de près d’1,76 milliard d’euros ne seront plus que d’environ 1,25 milliard d’euros, soit une diminution de l’ordre de 29 % si le ralentissement ne dépasse pas trois mois. Or, en sus du budget initialement prévu pour les secteurs sociaux dans la loi de finances, les dépenses vont encore augmenter d’environ 181 millions d’euros pour soutenir les mesures d’urgence sociale décidées pendant cette récession.
Pour contenir la pandémie et soutenir les finances de l’État, Madagascar a bénéficié de divers appuis des partenaires techniques et financiers s’élevant à environ 444 millions de dollars. En parallèle, des mesures d’urgence économiques ont été adoptées par l’État à la suite d’une série de rencontres entre différentes associations et groupements professionnels du secteur privé et le gouvernement. Sur le plan fiscal, il a ainsi été décidé du report des déclarations et paiement de l’impôt synthétique à la mi-mai ; la suspension du paiement des acomptes provisionnels de l’impôt sur les revenus (IR) et le report jusqu’à fin juin des déclarations et du paiement de l’IR pour les entreprises du secteur du tourisme et les entreprises franches industrielles. Et s’il n’y aura pas de report de déclaration de la TVA et de l’impôt sur les revenus salariaux et assimilés (IRSA), les dépenses complémentaires ou les dons utilisés directement pour la lutte contre le coronavirus seront exemptés de l’IR.
Des mesures pour le secteur privé évaluées à 29 millions d’euros
Par ailleurs, toutes les pénalités seront levées pour ceux qui rapatrient les devises à 80 %. Les contrôles fiscaux seront également levés pour les entreprises qui accomplissent des efforts pour maintenir leur activité. Des réductions d’impôt et des exonérations pourraient même être appliquées pour les dépenses sociales complémentaires engagées dans la lutte contre le coronavirus. Et un délai supplémentaire de deux mois, exempté d’intérêt de retard et d’amende, sera également automatiquement accordé, en plus d’un délai normal pour le paiement des impôts sur les personnes physiques et sur les sociétés.
Les entreprises vont en outre bénéficier d’une suspension des charges sociales, un report des échéances bancaires de trois mois pour celles qui ont contracté des crédits à la consommation et des crédits immobiliers, une mise en place d’un moratoire pour le remboursement des crédits bancaires, un recours aux délais de paiement amiable pour les cotisations de sécurité sociale dues pour le premier et le deuxième trimestre de cette année. Le droit à une indemnité mensuelle dans le cadre d’un plan social d’urgence instauré par décret a de même été évoqué. Cependant, son application n’est pas effective puisque l’État ne veut pas que le secteur privé pratique le chômage technique total. Toutes ces mesures, estimées à près de 29 millions d’euros de manque à gagner pour l’État, ont pour but de garantir la survie des entreprises privées et de contenir le chômage. Selon le groupement du patronat malagasy (Fivmpama), en évitant l’octroi de subventions dont un nombre restreint d’entreprises seraient bénéficiaires, l’État a visé loin et large en adoptant des mesures en faveur de toutes les activités économiques.
Mais l’équilibre reste à trouver entre les intérêts de l’État et ceux du privé. En ce sens, une deuxième rencontre entre une trentaine de représentants des groupements professionnels et des membres du gouvernement a permis de décider l’élaboration conjointe d’un plan de mitigation. Celui-ci comporte deux documents dont l’un porte sur un plan de sauvegarde économique pour faire face à la crise sanitaire et l’autre sur un plan national de relance économique.
Afin de sauvegarder l’économie, la promotion de la consommation des produits « Vita Malagasy » (fait à Madagascar) est de mise. Des mesures efficaces d’assainissement et de promotion des investissements locaux sont également demandées afin de prioriser la production locale. Compte tenu de la situation, l’État devra en conséquence intensifier son rôle pour appuyer le secteur privé et rétablir le tissu économique. Dans cette optique, des économistes locaux issus de l’entrepreneuriat, de laboratoires d’idées et de l’enseignement supérieur ont émis quelques pistes de réflexion (voir notre article page suivante à ce sujet).
Sauvegarder et relancer
Les mesures de relance doivent concerner en priorité des entreprises à haute valeur ajoutée pour le marché local et les exportations. Les mesures en faveur de l’équilibre de la balance commerciale ne doivent pas être prises sans précautions puisqu’elles risquent d’impacter significativement la demande de produits importés et affecter par la suite le taux de change. Un fonds doit en outre être mis à disposition pour soutenir l’équilibre macroéconomique, notamment la balance des paiements et le budget de l’État. En guise de fonds de relance pour combattre la récession, la dette intérieure telle que l’emprunt obligataire social et les crédits d’impôts devrait servir à financer certaines des mesures de relance.
Et pour contrer la pandémie et renforcer le système de santé, un fonds spécial devrait être mis en place dont les sources proviendraient entre autres des dividendes perçus par l’État auprès des institutions financières comme les assurances. Les aides devraient être sélectives et conditionnées suivant des critères tels que le manque à gagner, la vulnérabilité et la menace sur l’emploi ainsi que les conditions sous forme de contreparties socio-économiques. Les solutions pour garder l’économie malgache sur les rails et lui faire (re)trouver un bon rythme de croisière ne manquent pas. Cependant, pour que le plan de mitigation soit réellement efficient, une bonne concertation et la transparence entre les secteurs public et privé se révèlent indispensables.
Le pays a bénéficié de divers appuis des partenaires techniques et financiers s’élevant à 444,1 millions de dollars dont certains sont déjà décaissés. Le FMI a accordé 165,9 millions de dollars dans le cadre de la Facilité de Crédit Rapide, une aide à la balance de paiement rétrocédée à l’État par la Banque centrale pour soutenir l’équilibre budgétaire. Dans le cadre du Catastrophe Containment Relief Trust, le fonds a également accordé un appui de 18 millions de DTS pour la période 2020-2021. La Banque mondiale a quant à elle octroyé 20 millions de dollars à travers l’activation de la composante Intervention d’urgence conditionnelle du projet d’Amélioration des Résultats de Nutrition et 10 millions de dollars pour celle du projet Filets sociaux de sécurité. Ces appuis toucheront le domaine de l’intervention sanitaire et de la protection sociale. Elle a de même alloué 100 millions de dollars d’appui budgétaire pour renforcer le développement du capital humain et les capacités des agents de santé, de l’éducation et de la population. Cinquante millions de dollars à travers l’appui des politiques de développement pour la gestion des risques de catastrophes (CATDDO) ont aussi été accordés par la Banque mondiale. En outre, 11,4 millions de dollars sont négociés avec l’Union européenne à titre d’appui budgétaire pour le développement des secteurs santé et éducation. Et avec la BAD, 64 millions de dollars ont été négociés dont 42 millions pour une aide d’urgence sous forme d’appui budgétaire, 8 millions sous forme de restructuration au niveau des projets et 14 millions sous forme d’appui budgétaire classique. Un montant équivalent à 11,4 millions de dollars à travers le CATDDO a aussi été attribué par l’AFD à titre d’appui budgétaire. Par ailleurs, le conseil d’administration du FMI a approuvé un allègement immédiat du service de la dette pour 25 pays africains dont Madagascar. Cela permet de consacrer une plus grande partie des faibles ressources financières aux soins médicaux et autres efforts de secours d’urgence vitale. L’allègement, qui peut actuellement être fourni sous forme de dons à hauteur d’environ 500 millions de dollars, se fait au titre du Fonds fiduciaire réaménagé d’assistance et de riposte aux catastrophes.